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Femme et aînée, sainte Anne, la grand-mère vénérée chez les autochtones

À travers l’immense territoire canadien, la fête de la sainte Anne, le 26 juillet, est un événement à part entière. La mère de la Vierge Marie, grand-mère de Jésus, est particulièrement importante pour différentes communautés autochtones qui la célèbrent lors d’un pèlerinage au lac Sainte-Anne dans l’Alberta, ou encore au sanctuaire Sainte-Anne-de-Beaupré, au Québec. Deux lieux qui recevront la visite du Pape François.

Marine Henriot – Envoyée spéciale à Edmonton, Canada

Au bord du lac sacré Sainte-Anne, à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest d’Edmonton dans la province de l’Alberta, certains pèlerins ont abandonné leur canne ou attelle. Après quelques pas dans les eaux miraculeuses, ils ont retrouvé leur mobilité. Depuis deux siècles, le lac est reconnu pour ses propriétés curatives, des milliers de membres de différentes communautés autochtones comme les Cris, les Métis ou les Pieds-noirs venant y célébrer la fête de sainte Anne. D’aucuns parcourent plusieurs milliers de kilomètres pour participer au rassemblement annuel de fidèles, qui réunit près de 40 000 personnes


Selon la tradition orale des Premières nations, le lac aurait toujours été habité par les esprits. Avant l’arrivée des Européens, rappelle l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, c’était un lieu de rassemblement, de pêche, de chasse et de cérémonie, comme celle de la danse du soleil, interdite en 1885. Appelé «Lac des esprits» ou «Lac Sacré», le lac Sainte-Anne hérite de son nom actuel du père Jean-Baptiste Thibault, prêtre séculier envoyé en mission dans la région et qui en fera un lieu de mission catholique.

Respect envers les aînés

«Sainte Anne est la mère de la Sainte Vierge et donc la grand-mère de Jésus… C’est notre grand-mère à tous», se réjouit le père Scott Katzenberger, recteur depuis janvier 2020 du sanctuaire Sainte-Anne-de-Beaupré, non loin de la ville de Québec. «C’est notre alliée au paradis». Toute l’année, pour honorer la figure de cette ainée, les Premières Nations, Inuits et Métis se rendent au sanctuaire Sainte-Anne-de-Beaupré ou sur les rives du lac. Un déplacement souvent réalisé en famille: «Certaines personnes étaient venues avec leurs grands-parents, aujourd’hui ils amènent leurs petits-enfants», s’enthousiasme le père Katzenberger.


Dans la culture autochtone, les grands-parents prennent une part considérable dans l’éducation des enfants. «Parfois les grands-parents sont plus proches des enfants que les parents», éclaire Jean-François Roussel, chercheur à l’université de Montréal, spécialiste de l’anthropologie théologique et de la culture autochtone. Les personnes de plus de 60 ans représentent d'ailleurs des figures de sagesse dans différentes sociétés autochtones. Selon la cosmologie autochtone de l’Est, c’est une figure féminine qui est à l’origine de la création du monde, avant de monter au ciel pour devenir la lune. Aînée et femme, sainte Anne cumule ainsi deux qualités vénérées parmi les autochtones: «Dans l'imaginaire autochtone, la grand-mère de Jésus a dû être très présente dans sa vie de Jésus, au moins autant que celle de ses parents», complète Jean-François Roussel.  

«Nous sommes les petits-enfants bien gâtés de notre grand-mère sainte Anne», sourit le père Scott.

Une visite inespérée

«Quand je suis arrivé ici, jamais je ne pensais recevoir un Pape au sanctuaire», nous détaille celui qui fut déjà de passage à Sainte-Anne-de-Beaupré, lorsqu'il étudiait au séminaire.

Après trois jours à Edmonton dans l’Alberta, et une liturgie de la parole sur les rives du lac de Sainte-Anne, le Pape François est attendu au sanctuaire le 28 juillet. Près de 40 ans après la visite de saint Jean-Paul II, c’est la première fois qu’un Souverain pontife célébrera une messe dans la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré, qui voit passer près d’un million de visiteurs chaque année.

La basilique néo-romane consacrée en 1976 peut accueillir entre ses murs 1 400 visiteurs. 10 000 personnes pourront suivre la messe depuis l’extérieur. Après l’annonce officielle de la venue du Pape François en mai, les réservations d’hôtels ou de campings ont bondi et les organisateurs tiennent à ce que toutes les communautés autochtones qui souhaitent assister à la messe du Saint-Père puissent le faire dans de bonnes conditions. 70% des places à l’intérieur de la basilique leur sont d’ailleurs réservées, précise l’équipe nationale de la visite papale au Canada.  

Les organisateurs prévoient également d’offrir une retransmission de la messe sur les Plaines d’Abraham, à Québec, où pourront se regrouper 140 000 personnes. Au-delà des difficultés logistiques, la joie: «Cette visite est vraiment exceptionnelle, je sais que le Pape vient avec un message de réconciliation, et cela nous permettra d’améliorer les rapports entre l’Église et les communautés autochtones, pour aller de l’avant», note le père Katzenberger.  

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22 juillet 2022, 09:35