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Sœur Anne Falola et une personne âgée de son lieu de mission Sœur Anne Falola et une personne âgée de son lieu de mission  #SistersProject

La force de la vulnérabilité

Nous publions ci-dessous des extraits d’une intervention prononcée au cours de la dernière assemblée plénière de l’Union internationale des supérieures générales

Anne Falola

La vulnérabilité est une qualité fondamentale de toute mission chrétienne authentique. En effet, nous sommes appelés à suivre le Christ, qui «ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur...» (Ph 2,6-8). La kénose du Christ fait de la vulnérabilité une manière d’être missionnaire et un moyen important pour la mission […].

L’appel du Pape François au processus synodal est en définitive un appel renouvelé à la mission, mais pas depuis la position de pouvoir et d’autorité occupée jusqu’à présent […]. Cela ne peut se faire sans accepter et embrasser notre vulnérabilité. Pour nous, missionnaires, la vulnérabilité est un atout pour la mission plutôt qu’un fardeau, car elle nous permet d’entrer plus profondément dans la réalité humaine par notre propre participation à ce qui est faible, opprimé et pauvre. Lorsque nous embrassons notre propre vulnérabilité, nous devenons plus proches des personnes qui ont besoin de lumière et de libération […].

L’Afrique est parfois appelée le «jardin de l’Église au 20e siècle», en raison de la croissance fascinante de l’Église sur le continent africain aux 19e et 20e siècles [...]. Alors que l’on estimait à 4 millions le nombre de personnes professant le christianisme en 1900, le christianisme africain est passé à plus de 300 millions de fidèles en l’an 2000.

L’une des implications de ce phénomène est qu’il n’y a plus de pays exclusivement émetteurs de missions ni de pays exclusivement récepteurs de missions [...]. Ce changement a un impact sur la dynamique du pouvoir [...]. La géographie de la mission a changé! Grâce à Dieu, la mission chrétienne est désormais détachée de son lien historique avec la colonisation et l’occidentalisation [...].


On m’a souvent demandé pourquoi les Africains se donnaient la peine de quitter leur continent comme missionnaires avec les myriades de problèmes que nous avons. À cela, je réponds que l’appel à la mission n’est pas une rivalité d’autosuffisance, à laquelle seuls les forts qui n’ont pas de problèmes peuvent répondre. Cette tendance exclusive est problématique, car elle associe la mission au pouvoir, à l’influence politique, à la richesse matérielle, à la colonisation et à la domination. Comme missionnaire africaine, je me vois appelée à changer ce récit, à apporter la nouveauté, la simplicité et l’énergie dépouillées des pouvoirs économiques et politiques [...].

Ma vocation missionnaire a été inspirée par les missionnaires irlandais qui, dans mon pays d’origine, ont lancé des initiatives dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la pastorale et des frontières sociales; ils étaient aimés et très respectés. Cependant, mon idée d’être cette missionnaire héroïque admirée de tous s’est soudainement effondrée!

Lorsque j’ai quitté l’Afrique en 1994, j’ai compris que je n’étais pas reçu comme une missionnaire, mais plutôt comme une travailleuse migrante venue chercher une vie meilleure. Mon désir de don total de soi a été ébranlé lorsque j’ai souvent été frappée par le fait que l’on croit qu’un Africain a peu à offrir. J’ai compris que pour beaucoup de gens hors d’Afrique, le continent n’était associé qu’à la pauvreté, la guerre, la violence, le désordre, la vie primitive, les maladies, les guerres ethniques, l’agitation politique et la corruption. Si ces réalités ne peuvent être niées, l’Afrique est aussi une terre de promesses, grâce à sa vie dynamique, sa résilience, sa jeunesse, son amour de la communauté, son hospitalité, sa générosité et sa piété.

Comme missionnaire africaine, j’ai appris à embrasser cette vulnérabilité que les préjugés m’imposent, tout en assumant humblement la dignité de changer le récit. Nous sommes tous victimes du syndrome de l’histoire unique, construit sur les préjugés des autres à notre égard. Nous portons tous le fardeau de nos identités et cela devient plus apparent lorsque, sortant de notre propre milieu, nous sommes affectés par le jugement d’autrui. L’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie l’a très bien exprimé: «Ce n’est pas que l’histoire unique n’est pas vraie; mais elle n’est pas la seule histoire».

Comme missionnaires, nous sommes appelées à construire la communion dans cette diversité en embrassant sa beauté et sa fragilité. Je lance le défi à moi-même et à chacun d’entre nous d’embrasser notre propre vulnérabilité. Ma propre vulnérabilité comme femme au sein d’une société et d’une Église patriarcales, en tant qu’Africaine dans un monde de luttes de pouvoir mondiales, comme religieuse dans un monde où l’indifférence et l’intolérance religieuses ne cessent de croître, comme missionnaire dans un monde xénophobe et comme appelée à la périphérie dans un monde où seul le centre compte. Voilà ce qu’est pour moi embrasser la vulnérabilité d’en-haut et d’en-bas.

*Missionnaire et conseillère générale de la congrégation de Notre-Dame-des-apôtres

(#sistersproject)

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29 juillet 2022, 17:33