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Une église détruite d'un tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le 18 août 2022. Une église détruite d'un tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le 18 août 2022.  Les dossiers de Radio Vatican

En Haïti, l’archevêque de Port-au-Prince dénonce l’inaction des autorités

La cathédrale de Port-au-Prince a été gravement endommagée le 27 juillet dernier par «un incendie d’origine criminelle». L’Église d’Haïti alerte une nouvelle fois sur la violence de gangs armés, qui contrôlent des zones entières du pays. L’archevêque de Port-au-Prince, Max Leroy Mésidor, s’indigne de l’impuissance de la police et de l’absence d’autorité de l’État.

Entretien réalisée par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

Le centre-ville de Port-au-Prince a été le théâtre de violents affrontements entre bandes armées ces derniers jours, causant des centaines de morts parmi la population civile en grande détresse. La police elle-même est impuissante, selon l’archevêque de Port-au-Prince, Max Leroy Mésidor. La cathédrale, située au cœur de ces zones d’affrontements, a été gravement endommagée le 27 juillet par «un incendie d’origine criminelle», que les services de pompiers ont réussi à circonscrire pour sauver le lieu sacré.  

Quelles sont les causes de ces affrontements ?

Elles semblent politiques et économiques, car les groupes ont des liens avec des secteurs et leaders politiques. On prétend aussi qu’il serait question de contrôler des zones névralgiques en vue des élections. Elles sont aussi économiques, parce que ces groupes armés pratiquent le kidnapping, la séquestration contre rançon et imposent des taxes aux commerçants opérant sur leurs territoires. Ces groupes cherchent à occuper le plus grand nombre de territoires possibles et à extorquer de l’argent aux commerçants et aux habitants de ces zones. Qui pourrait croire que nous sommes aujourd’hui en sécurité en Haïti, surtout à Port-au-Prince ? Nous faisons attention, nous restons prudents, nous prions et nous en remettons à Dieu, espérant un lendemain meilleur, car nous savons qu’avec Sa grâce, le pays va s’en sortir.

Comment réagit le gouvernement haïtien dans cette situation ?

La réaction du gouvernement est faible, et loin de rassurer la population. Aucune note officielle du gouvernement n’est parue sur la situation de la Cité Soleil, le plus grand bidonville de la capitale, où des affrontements entre groupes de bandes armées ont fait près de 400 morts, selon les estimations de plusieurs organismes de défense des droits humains. La police de son côté, semble impuissante, elle est selon l’avis général sous-équipée face à des gangs lourdement armés, bénéficiant d’appuis politiques et économiques solides et puissants. La population ne sent pas une réelle volonté des autorités de mettre fin à cette situation. C’est ce qui explique cette interrogation de la Conférence épiscopale d’Haïti dans son message du 29 juillet. Pourquoi l’État n’agit-il pas pour sévir avec la rigueur nécessaire, dans le cadre de la justice, pour mettre les bandits hors d’état de nuire ? Est-il impossible de couper les sources qui fournissent aux groupes les armes et les munitions ? Cette situation profite-t-elle à des personnes intouchables ? Nous attendons une réaction plus énergique et déterminée de la part des autorités.

Dans le message de la Conférence épiscopale d’Haïti, les évêques exigent une action pour le désarmement des gangs. Comment, selon vous, doit-elle être menée ?

Il y a trop d’armes en circulation qui entrent dans le pays. Il faudrait commencer par renforcer les contrôles douaniers, par contrôler les frontières et faire la lumière sur les cargaisons d’armes. Ensuite, arriver à un désarmement sérieux. Je n’ai pas de connaissance dans ce domaine, et l’Église non plus. Nous laissons donc aux experts militaires le soin de réfléchir à la façon de procéder à un désarmement réel et efficace. Par ailleurs, les pays dits «amis» d’Haïti, peuvent nous aider, nous ne sommes pas le premier peuple à être dans cette situation, nous pouvons nous inspirer de travaux réalisés ailleurs dans ce domaine, pour nous permettre de vivre en paix et de circuler librement dans le respect des lois et des principes. Mais j’ajoute qu’il faut travailler à l’amélioration des conditions de vie du peuple en général, et des habitants des bidonvilles en particulier. On ne saurait avoir la paix, quand on laisse une bonne partie de la population vivre dans des conditions révoltantes, c’est-à-dire sans eau potable, ni électricité, ni latrines. Aujourd’hui, une pluie d’un quart d’heure suffit à inonder des quartiers et à jeter les gens dans les rues, sur des terrains de sport, et sur des places publiques. Il faut prendre en compte la situation des gens des quartiers populaires, on dirait qu’ils ne comptent pas pour l’État. Il faut aussi à mon avis une prise de conscience nationale de la catastrophe qui se rapproche de nous, il faut un véritable dialogue national et un consensus minimal pour trouver une issue à cette crise qui nous affecte tous. Que la Vierge Marie Notre-Dame du Perpétuel Secours nous vienne en aide.

Entretien avec Mgr Max Leroy Mésidor

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02 août 2022, 15:25