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La porte sainte de la Basilique Santa Maria di Collemaggio, qui sera ouverte dimanche 28 août par le Pape François La porte sainte de la Basilique Santa Maria di Collemaggio, qui sera ouverte dimanche 28 août par le Pape François  

Le pardon célestinien, une fête à l’origine des années saintes

À la fin du 13e siècle a lieu la première célébration solennelle du pardon célestinien, évènement alors novateur dans l’Église catholique. Célébré chaque année à L’Aquila et anticipant les jubilés, il est institué par Célestin V, sur la tombe duquel le Pape François ira se recueillir le 28 août prochain.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Si l’année du jubilé, vécue comme une année de libération générale, est déjà mentionnée dans les pages de l’Ancien Testament (cf Lv 25, 8-13), ce n’est qu’au 13e siècle que l’Église catholique s’approprie et formalise ce rituel qui s’est perpétué jusqu’à nos jours.

Il ne faut pas se rendre à Rome mais sous les cimes des Abruzzes, chaîne montagneuse d’Italie centrale, pour comprendre l’origine de cette célébration offrant aux catholiques un chemin de salut éternel.

Un pape soucieux de réconciliation

Le 29 août 1294, après presqu’une année et demie de vacance du trône pontifical, l’ermite Pietro di Morrone, à l’âge vénérable de 85 ans, est couronné pape en la basilique Santa Maria di Collemaggio, à L’Aquila.

Ce religieux, fondateur d’une congrégation de bénédictins érémitiques – les Célestins – proches des franciscains spirituels, n’est pas un Pontife avide de conquêtes temporelles ou de machinations politiques. Il mène la barque d’une Église en crise, qui selon lui et ses confrères religieux, s’enrichit de manière excessive.

Célestin V estime que sa mission est essentiellement spirituelle. Il souhaite mettre en avant une spiritualité du pardon. «Une spiritualité qui est en fait presque millénariste», explique à notre micro Paul Bertrand, professeur d'Histoire médiévale et d'Histoire de l'écriture médiévale à l'université catholique de Louvain-la-Neuve. À l’époque, le courant millénariste pense «que la fin des temps est proche, et qu’il est donc temps de passer à une autre Église, une Église spirituelle». Il faut donc que tous les baptisés, jusqu’au Successeur de Pierre lui-même, vivent une démarche de conversion et de renouveau de leur foi.

Déjà, au soir de son couronnement, le nouveau Pape Célestin V pose plusieurs gestes symboliques et annonciateurs: il accorde la rémission de leurs péchés à toutes les personnes présentes, puis il ordonne et obtient la réconciliation des différentes factions de la ville, avant de demander à Charles II d'Anjou, roi de Naples, de pardonner aux habitants rebelles de L'Aquila.

La Bulle du pardon, fulminée par Célestin V
La Bulle du pardon, fulminée par Célestin V

Le premier jubilé de l’Histoire de l’Église

Un mois plus tard, le 29 septembre 1294, il fulmine la bulle Inter sanctorum solemnia, également appelée Bulle du pardon. À tout fidèle ayant rempli ces trois exigences: s’être confessé, avoir participé à la messe, puis entrer dans la basilique de Santa Maria di Collemaggio entre les vêpres du 28 août et celles du 29 août, le jour anniversaire du couronnement de Célestin V, l’indulgence plénière perpétuelle est accordée, c’est-à-dire la remise totale des peines dues au péché. C’est une première pour les croyants.

«Par la miséricorde du Dieu tout-puissant et dans la confiance en l'autorité de ses apôtres Pierre et Paul, lit-on dans le document, nous absolvons annuellement de la culpabilité et de la punition qu'ils méritent pour tous leurs péchés, commis depuis le baptême, tous ceux qui, s’étant vraiment repentis et confessés, seront entrés dans ladite église depuis les vêpres de la veille de la fête de saint Jean jusqu'aux vêpres suivant immédiatement la fête». La première célébration solennelle du pardon célestinien a lieu en 1295. Elle est considérée comme le premier jubilé de l’Histoire de l’Église.

«Le pardon proposé par Célestin V est resté un moment important, souligne Paul Bertrand, c’est quelque chose de très original dans la mesure où il est mis en place très vite, et dans la mesure aussi où cela anticipe ce qui va devenir régulier, le pardon du Jubilé, grâce au pape suivant».

Célestin V, estimant en effet ses capacités insuffisantes face aux exigences de sa charge, renonce à celle-ci le 13 décembre 1294.

En 1300, on ne circulait plus à Rome

En peu de temps cette fois, le 24 décembre suivant, un nouveau pape est élu: le cardinal Benedetto Caetani, qui prend le nom de Boniface VIII. Plus enclin que son prédécesseur aux luttes de pouvoir, il poursuit néanmoins son œuvre spirituelle en décrétant officiellement le premier jubilé, ou année sainte, en 1300. 

Le 22 février 1300, fête de la chaire de saint Pierre, il fulmine la bulle d'indiction Antiquorum fida relatio, instituant l’année sainte et précisant les conditions de l'indulgence plénière, qui s’inspirent de celles édictées par Célestin V: être en état de grâce (renoncement au péché, après confession et absolution), communier, et avoir visité la basilique Saint-Pierre et la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, ainsi devenues les deux premières basiliques majeures.

L’évènement se déroule dans un contexte favorable aux pèlerinages à Rome, car la perte du royaume de Jérusalem rendait alors difficile celui vers la Ville Sainte.

Le succès de cette première année sainte fut considérable, si l’on en croit les chroniqueurs médiévaux, dont les estimations du nombre de pèlerins s’échelonnent de 200 000 personnes à deux millions, aux origines parfois lointaines: une délégation envoyée par le khan mongol Mahmud Ghazan et conduite par le Florentin Guiscardo de' Bastari est reçue dans la Ville éternelle. Dante évoque l’aménagement d’un sens unique sur le pont Saint-Ange, près du Vatican, en raison de la densité de la foule (Enfer, XVIII, 28-33). L’écrivain toscan, marqué par le faste de la célébration, situe le début de son poème au cours de la semaine sainte et, dans la Divine Comédie, place Boniface VIII dans la troisième bolge du huitième cercle, la fosse des simoniaques (Enfer, XIX, 54).

Le jubilé tel qu’institué par Boniface VIII aurait dû avoir lieu tous les cent ans. Mais en 1350, le Pape Clément VI, désireux que l’intervalle soit semblable à celui du jubilé hébraïque, le réduit à cinquante ans. Puis Paul II, en 1475, le raccourcit encore, à vingt-cinq ans. C’est encore le cas aujourd’hui: après le jubilé de l’an 2000, la prochaine année sainte aura lieu en 2025. Les papes ont également décrété des années saintes dites «extraordinaires», comme le Jubilé de la Miséricorde célébré par François en 2016.  

Une affiche promouvant le pardon célestinien. "À chaque fois, L'Aquila renaît", lit-on en haut à droite
Une affiche promouvant le pardon célestinien. "À chaque fois, L'Aquila renaît", lit-on en haut à droite

Des traditions transmises au fil des générations

Cette année, la visite pastorale du Pape François à L'Aquila se déroulera au début du 728e pardon célestinien. Après la récitation de l'Angélus, le Souverain Pontife ouvrira la porte sainte de la basilique Santa Maria di Collemaggio, geste qui signifiera le début de la célébration. Depuis l'institution du pardon décrétée en 1294, il sera le premier pape à présider ce rite.

Le pardon célestinien comprend d’ailleurs un ensemble de rituels et de célébrations transmis sans interruption depuis 1294. Il y a d’abord la Marche du pardon, qui commence quelques jours auparavant (cette année le 16 août), par l’allumage de la Flamme de Morrone, suivie d’une procession aux flambeaux. Celle-ci suit un itinéraire traditionnel de 66 kilomètres, marqué par l’allumage de trépieds dans chacun des vingt-trois villes, villages et fractions traversés et la signature par chaque maire d’un parchemin rappelant les valeurs symboliques de la bulle. Le pèlerinage se termine à L’Aquila, le 23 août cette année, devant l’hôtel de ville - dont le siège a été déplacé après le séisme du 6 avril 2009.

Débute alors, dans la soirée, une procession historique au rythme des tambours, des clairons et des porteurs de drapeaux, auxquels se joignent de nombreux habitants en costumes traditionnels. Ils accompagnent les trois personnages principaux – la Dame à la bulle, le Jeune seigneur et la Dame à la croix – qui symbolisent les valeurs traditionnelles de la fête: hospitalité, solidarité et paix. Le parchemin célestinien et la flamme de Morrone sont ainsi portés jusqu’à la basilique de Collemaggio. La bulle de l’indulgence papale est ensuite lue à voix haute par le maire de la capitale des Abruzzes, tandis qu’un dernier trépied est allumé. S’ensuit l’ouverture de la porte sainte de la Basilique.

La transmission des connaissances concernant cet évènement religieux séculaire est basée sur la tradition orale, à travers des histoires racontées à la maison, à l’école et en public. Pour cette raison, depuis 2019, la fête du pardon célestinien est inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Sources: Wikipédia ; André Vauchez, Rome au Moyen Age, Riveneuve éditions, 2010 ; https://ich.unesco.org/

Programme: https://perdonanza-celestiniana.it/wp-content/uploads/2022/08/programma-2022-perdonanza-celestiniana.pdf

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26 août 2022, 10:14