Une réunion synodale en République tchèque Une réunion synodale en République tchèque  #SistersProject

Le synode en République tchèque: appelés à une réponse plus profonde

Sœur Klára Malinaková réfléchit au processus synodal en cours dans son pays, la République tchèque, en vue du Synode sur la synodalité de 2023 à Rome. "Nous sommes appelés à une réponse plus profonde, un 'passage pascal' de l'égocentrisme du 'je' à un 'nous' ecclésial", analyse-t-elle.

Sœur Klára Malinaková*

D'un point de vue religieux, la République tchèque présente une situation assez particulière. Les trois quarts de la population déclarent ne pas appartenir à une quelconque confession religieuse, et seuls 5% des plus de 11 millions d'habitants participent régulièrement à un service religieux, quelle que soit la religion.

Dans un tel contexte, la réponse à l'appel à la participation au synode sur la synodalité dans l'Église catholique a réservé des surprises inattendues. Malgré le scepticisme initial de certaines personnes croyantes, et même de nombreux prêtres, le processus a impliqué pas moins de 2.312 groupes synodaux! À travers eux, le peuple de Dieu a appris à travailler ensemble dans un style synodal, à écouter et à discerner la direction dans laquelle l'Esprit de Dieu nous oriente. Les sujets abordés dans les groupes synodaux n'étaient pas toujours les plus faciles, et cela nous donne beaucoup d'espoir pour la partie du chemin encore à poursuivre. De nombreux participants ont déclaré que, pour eux, en fin de compte, les résultats finaux du synode ne seront pas si essentiels par rapport à la nouveauté de la méthode de discussion qui a été lancée à la base.

Les idées principales

Dans tous ces petits groupes, dans les paroisses et dans les communautés, tous se sentent désormais plus présents et, surtout, plus conscients de leur propre coresponsabilité dans la conduite de la vie ecclésiale. En regardant plus en détail: il faudra encore du temps pour résumer toutes les synthèses diocésaines issues de la confrontation en une synthèse plus élevée, à l'échelle nationale. Le diocèse de Brno, qui a donné naissance à pas moins de 557 groupes synodaux, est, par ordre de grandeur, le deuxième plus grand diocèse du pays. Les résultats auxquels sont parvenus ces groupes ont été analysés tant du point de vue du contenu des textes approuvés que des rapports statistiques présentés.

En analysant les textes qui commencent également à arriver d'autres diocèses, nous pensons que beaucoup des idées et des propositions qui ont émergé à Brno peuvent facilement être généralisées à l'ensemble du pays. Le premier point important est que dans de nombreuses communautés, on regrette que le style synodal adopté soit inférieur à la moyenne ou aux attentes du peuple de Dieu. Nombreux sont ceux qui ont exprimé la perception d'un manque de transparence et d'ouverture au monde, ainsi que le désir que l'Église devienne plus compréhensible, plus humaine, plus apte à recevoir les suggestions de la base, et surtout plus attentive aux besoins réels du monde. Environ un tiers des participants au groupe ont souligné la nécessité d'améliorer la communication entre les prêtres et les laïcs. Ils ont expliqué que ce qu'ils attendent des prêtres n'est pas tant leur érudition théologique que leur proximité et leur ouverture effectives, une attitude d'écoute plus grande, et la capacité de toujours travailler ensemble. Ils souhaitent clairement qu'on leur fasse confiance, qu'ils soient impliqués dans les processus décisionnels et que leurs charismes spécifiques soient valorisés.


Attentifs les uns aux autres

Il est intéressant de noter que lorsque les prêtres étaient présents dans les groupes, les thèmes abordés étaient davantage liés aux problèmes de la transmission de la foi aujourd'hui, alors que lorsqu'ils ne participaient pas directement, il y avait une plus grande ouverture à la discussion sur les thèmes de la réforme de l'Église, du célibat des prêtres et de l'ordination des femmes. Il est également intéressant de constater que les groupes qui vivent déjà un processus synodal en leur sein sont plus susceptibles (jusqu'à 10 fois par rapport à la moyenne) de reconnaître la présence d'un processus similaire au niveau diocésain, et aussi (jusqu'à 4 fois par rapport à la moyenne) au niveau de l'Église universelle. Des statistiques qui confirment la déclaration exhortative que les participants font souvent: «Comme sera notre paroisse, ainsi sera l'Église universelle tout entière».

Cependant, les thèmes des relations intra-ecclésiales et de la communion dépassaient largement la question des relations entre prêtres et laïcs. En fait, environ 40% des participants ont voulu souligner l'importance de véritables relations de fraternité/sororité, de respect, de tolérance et d'attention mutuelle au sein de leurs communautés. Beaucoup ont rappelé la nécessité d'une Église qui sache accueillir de plus en plus les marginaux, les laissés-pour-compte, et ont partagé une inquiétude certaine quant au risque d'une Église autoréférentielle vivant sous une cloche de verre sans contact suffisant avec le monde environnant. 

Quelle réponse à la solitude?

Les statistiques ont montré que cette préoccupation était la plus répandue et la plus importante dans tous les types de groupes, quels que soient leur taille, le genre, ou d’autres caractéristiques. Probablement la prévalence de cette préoccupation a été donnée par la proposition originelle du synode, mais elle a certainement touché des cordes sensibles chez tous les participants. Il est possible que la sensibilité à cette question ait également été générée par un problème plus large, extérieur à l'Église, propre à notre époque, que certains chercheurs ont appelé «le siècle de la solitude». Les pays d'Europe de l'Est, dont la République tchèque, figurent parmi ceux où le niveau de solitude existentielle est le plus élevé. D'autre part, il s'agit, comme on le sait, d'une tendance qui touche le monde entier: les recherches indiquent que le sentiment de solitude dans la vie affecte non seulement les personnes vivant en marge de la société, mais aussi la population active et productive. Cette «épidémie» de solitude existentielle peut-elle être l'un de ces signes des temps que nous devons savoir discerner et écouter? Et pour lesquels imaginer des réponses créatives?  De nombreuses organisations laïques et institutionnelles de différents pays, ainsi que l'Église catholique, prennent également des mesures importantes dans ce sens pour endiguer le problème.

Nous, au-delà d'eux, sommes appelés à une réponse plus profonde, à un «passage pascal» de l'égocentrisme du «je» à un «nous» ecclésial, comme le suggère la Commission théologique internationale dans son document sur «la synodalité dans la vie et la mission de l'Église». Cet appel à un «nous» ecclésial se superpose en outre au désir spirituel de plus d'un quart des participants à un style de prière de plus en plus communautaire, d'une Messe célébrée par une véritable communauté chrétienne, d'une vie spirituelle plus profonde. Il ne s'agit pas simplement d'un besoin «humain», mais du désir d'une vie spirituelle plus profondément ancrée à  Dieu qui nous a créés comme des êtres relationnels, c'est-à-dire communautaires, et à l'image de son être trinitaire. Le vrai désir de vivre la communion avec Dieu non pas à travers son «je» égocentrique, mais, comme la Trinité, dans le mystère ardent de la plénitude du «Nous». Et c'est peut-être la réponse la plus authentique au drame de la solitude existentielle.

*Sœur de la congrégation de l'Enfant-Jésus à Prague

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09 août 2022, 08:47