Haïti: les religieux supplient le Seigneur de secourir leur peuple en détresse
Marie Duhamel avec AFP – Cité du Vatican
«L'heure est grave ; nous sommes en pleine catastrophe humanitaire. Il faut que quelque chose se fasse, et au plus vite. Le peuple est fatigué de compter ses morts et n'a plus les moyens de vivre dans la dignité», tel est le constat posé par la Conférence haïtienne dans un communiqué publié ce lundi 19 septembre.
La semaine passée, le Premier ministre haïtien a pris de court une population déjà éprouvée par l’insécurité et la pauvreté, en les prévenant d’une forte augmentation des tarifs du carburant, l’État étant dans l’incapacité de continuer à payer les subventions en cours. Les prix du diesel et du kérosène passeront de 350 à près de 670 gourdes (la monnaie locale), soit quasiment le double.
L’annonce a provoqué un sursaut de colère des Haïtiens qui dépendent du carburant pour les transports mais également leur électricité ou la cuisine. D’autant que cet été, une double pénurie d’essence et d’électricité avait mis plusieurs villes de province à l’arrêt, obligeant les habitants pour cause de pompes à sec, à se tourner vers un marché noir hors de prix.
Pillage d'un entrepôt du PAM
À travers le pays, s’en sont suivis «des actes de violence inouïe et fortuits», condamnés «de toutes ses forces» par la conférence des religieux. Des scènes de pillages ont été constatées dans plusieurs villes du pays. Des magasins, des entreprises, des établissements scolaires, une université, mais aussi les locaux de la télévision nationale et les résidences de personnalités proches du pouvoir ont été attaqués. Aux Gonaïves, les 1400 tonnes de nourriture censées nourrir près de 100 000 écoliers jusqu’à la fin de l’année ont été volés dans un entrepôt du Programme alimentaire mondial. Plusieurs pays, le Mexique, l'Espagne, ont fermé temporairement leurs ambassades.
Les membres et institutions de l’Église ont également été visés par une «violence parfois téléguidée». Les consacrés «consternés» présentent leur profonde sympathie aux prêtres, religieuses et religieux «qui sont profondément touché(e)s dans leur intégrité physique et morale et dans leurs œuvres notamment dans les diocèses des Cayes, des Gonaïves et de Fort-Liberté, plus précisément à Ouanaminthe, et à toutes les autres personnes et institutions qui sont victimes des actes de vandalisme et de pillage ces derniers jours».
Dans son communiqué, la conférence des religieux d’Haïti exige des autorités étatiques qu’elles s’évertuent à «protéger les vies et les biens». Elle en appelle également à la conscience et à la responsabilité de «tous les acteurs et de tous les secteurs tant nationaux qu’internationaux pour qu'ils s'engagent avec honnêteté et hauteur à la recherche d'une solution pacifique à la crise».
L'Église déterminée à garder l'Espérance
«Notre peuple crie son ras-le-bol et réclame leur droit de vivre dans la dignité. Son cri légitime doit être entendu», peut-on lire.
L’Église doit elle aussi contribuer à «se solidariser» avec le peuple haïtien victime de «souffrance atroce» et d’une «misère séculaire». À l’étranger, épiscopats et religieux doivent sensibiliser notamment les autorités politiques. En Haïti, avec les évêques, les religieux affirment qu’ils font leurs les revendications «ô combien légitimes» des Haïtiens et qu’ils continueront de travailler sans relâche à leurs côtés «contre la misère, l'ignorance, l'insécurité, la violence absurde et en faveur de la justice sociale et du développement intégral.» Ils ne se lasseront jamais, assurent-ils, de s’engager de manière prophétique aux côtés des plus pauvres, déterminés à «garder précieusement l’Espérance».
Toutes les religieuses et religieux du pays sont enfin invités à une heure d’adoration par jour pour supplier le Seigneur de venir au secours de son peuple en détresse.
Le nonce apostolique, Mgr Francisco Escalante Molina, a été témoin de la dégradation de la situation depuis son arrivée sur place il y a quelques mois. De passage à Rome, il a partagé avec nous le quotidien des Haïtiens, les problèmes et les lueurs d’espoir.
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