«Sans mission l'Église ne peut pas vivre»: des religieux témoignent
Tiziana Campisi / Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
L’Église universelle invite à redécouvrir la mission en ce mois d’octobre qui lui est dédié, en particulier le dimanche 23 octobre prochain, Journée mondiale des missions, célébrée cette année sur le thème "Vous serez mes témoins" (Ac 1,8).
Le Festival missionnaire promu par le diocèse de Rome ce samedi permet de rappeler que «les dons reçus doivent être partagés. Un missionnaire n'est autre que celui qui part partager le don de la foi», comme l’a expliqué à notre micro Mgr Benoni Ambarus, délégué diocésain pour la Charité et les Migrants. L’évêque remettra cet après-midi le mandat missionnaire à 18 religieux et religieuses appartenant à différents instituts, prêts à partir pour la missio ad gentes. «La coopération missionnaire est toujours un partage de part et d'autre, un échange de fécondité mutuelle», a-t-il ajouté, tout en constatant que le nombre de missionnaires ad gentes n'a cessé de diminuer au cours des trente dernières années, d’où cette initiative.
Sr Elisa Kidane, qui dirige le centre missionnaire diocésain, a souligné quant à elle que le travail missionnaire est l'engagement à faire connaître la Bonne Nouvelle, avec sa propre vie et jusqu’au don de celle-ci. C’est pourquoi elle invite également à se souvenir du sacrifice de nombreux laïcs, religieux et prêtres tués en annonçant l'Évangile dans des contextes difficiles. Ses pensées vont en particulier à sœur Maria De Coppi, religieuse italienne tuée à Chipene, au Mozambique, dans la nuit du 6 au 7 septembre dernier. «La mort de sœur Maria nous rappelle qu'il y a encore tant de personnes qui souffrent et meurent à cause de l'injustice, qu'il y a encore tant de travail à faire, par tout le monde», en témoignant de la nouveauté du Christ.
C’est précisément pour cela que s’apprêtent à partir le père Fabio Bamminelli et la sœur Rosanna Marchetti, qui recevront un mandat missionnaire ce 15 octobre dans la ville éternelle. Nous les avons interrogés.
Sœur Rosanna et l'annonce de l'Évangile en Amazonie
Sœur Rosanna Marchetti, missionnaire de l'Immaculée Conception, a déjà plus de dix ans d'expérience au Brésil et va maintenant retourner en Amazonie.
Dans quel état d'esprit vous préparez-vous à partir en Amazonie?
Je dirais que je ressens une grande joie dans mon cœur. Une envie de partir et de recommencer cette vie pastorale. Je ne sais pas ce qui m'attendra là-bas, mais le sentiment que j'éprouve en ce moment est certainement la joie.
Qu'est-ce que cela signifie pour vous de retourner dans ces lieux?
J'y ai déjà passé quatorze ans, puis j'ai dû retourner en Italie pour un service à l'Institut auquel j'appartiens. Ce retour est donc pour moi un nouveau départ, car, après dix ans, beaucoup de choses se sont passées au Brésil: la pandémie, maintenant il y a un changement de gouvernement, et sans doute le chemin de l'Église, à la lumière de Querida Amazonia, a-t-il aussi changé. Il y a donc quelque chose de nouveau qui m'attend, et que je me réjouis de connaître. Et puis aussi l'Église du Brésil marche avec ce style de la synodalité. Il y a au moins des rencontres, et donc faire partie de ce chemin, qui a certainement progressé, est le plus beau des choix.
De quoi vous occuperez-vous en particulier?
Normalement, dans le travail que nous faisons au Brésil et en Amazonie, nous nous occupons des activités pastorales, donc nous nous impliquons dans l'Église locale, nous rencontrons les gens, nous formons des responsables pastoraux, des responsables de mouvements, des coordinateurs de communautés. Nous formons et accompagnons l'Église locale, tant au niveau paroissial que parfois au niveau diocésain.
Quatorze années déjà passées en Amazonie, les dix dernières en Italie, maintenant le retour au Brésil, qu'allez-vous donner aux personnes que vous rencontrerez?
Je pense que la plus grande richesse est ma nouvelle expérience en Italie. Lorsque vous partez en mission et que vous restez pendant 14 ans, vous faites un peu partie des gens du lieu où vous avez été envoyé, alors revenir en Italie est une nouvelle insertion. Ici, en Italie, et surtout à Rome, j'ai beaucoup reçu, sur le plan spirituel, et j'ai aussi beaucoup appris de l'Église de Rome. J'ai également aidé le Centre missionnaire dans diverses activités. Revenir au Brésil, c'est un peu comme revenir à la vie. Ce que je vais donner aux gens, c'est l'expérience, l'expérience que j'ai vécue ici en Italie, mais aussi ma foi, mon parcours. Mais la mission, plus qu'un don à sens unique, est un don et une réception. Ainsi, les personnes que je vais rencontrer me feront vivre les expériences faites pendant mon absence.
Qu'est-ce qu'être missionnaire signifie pour vous aujourd'hui?
Je crois qu'être missionnaire a deux dimensions: la première est d'être un témoin, c'est-à-dire d'être cohérent avec le Dieu auquel nous croyons, avec notre foi, avec nos valeurs ; la seconde, qui à mon avis est importante aujourd'hui pour un missionnaire - aussi bien en Italie qu'à l'étranger - est l'attitude de dialogue et le désir de rencontrer l'autre. Parce que l'autre est toujours une surprise, toujours un mystère, un mystère dans lequel nous rencontrons Dieu. Par conséquent, ce désir de rencontrer l'autre, à mon avis, fait de nous des missionnaires, sortant de nous-mêmes pour rencontrer l'autre qui est devant nous, avec sa culture, avec ses habitudes, avec sa foi, avec ses traditions.
Le père Fabio, du Mexique au Pérou
Le père Fabio Bamminelli, de la communauté missionnaire de Villaregia, rejoindra Lima, au Pérou, la semaine prochaine. Il a déjà été en mission au Mexique, et depuis sept ans, il travaille avec le Centre de coopération missionnaire.
Vous avez passé sept ans au Mexique, quel genre d'expérience avez-vous eu?
Ce fut une expérience de rencontre avec les gens, j'ai notamment travaillé dans la paroisse qui nous a été confiée à Texcoco. Et c'était beau de voir comment, petit à petit, nous apprenions à faire de la pastorale avec les gens. C'était l'époque où le Pape François commençait également son ministère et il était agréable d'apprendre de lui comment être une Église ouverte et vivre cet enthousiasme avec les gens. (…) L'une des premières choses que l'évêque de Texcoco nous a dites, c'est que les gens avaient avant tout besoin d'évangélisation, avant toute autre aide. Et c'est ce que nous avons essayé de faire, en réalisant que beaucoup de gens avaient peut-être une dévotion populaire - que nous avons découverte comme une base, une ressource - mais qu'ils connaissaient peu l'Évangile. Et c'est quelque chose qui nous a guidés et qui nous a permis de vivre une expérience mutuellement enrichissante avec eux.
En 2015, vous êtes retourné en Italie et vous allez maintenant voyager au Pérou, que signifie cette nouvelle mission pour vous?
Tout d'abord, c'est une grande joie de pouvoir connaître un autre peuple et de me mettre au service d'un autre peuple. D'une part, pour moi, il y a l'avantage de connaître la langue, (…) mais je comprends aussi qu'il est important d'apprendre des gens. Alors que dans l'autre expérience, l'étude de la langue m'a permis de m'intégrer, ici je devrai avoir le temps et la patience d'apprendre des gens, d'apprendre leurs traditions et de vraiment écouter. Je pars donc avec ce désir, tout d'abord, d'apprendre, et aussi d'apprendre d'eux comment nous pouvons nous mettre ensemble au service du Seigneur. Ces dernières années, compte tenu de tout ce qui se passe, il est nécessaire d'envisager le service de l'Évangile d'une manière nouvelle. C'est pourquoi je commence avec le désir de pouvoir apprendre une manière de faire avec les gens en apprenant dans un nouveau pays pour moi, dans un nouveau contexte. Je commence donc avec de l'enthousiasme d'une part, mais aussi avec l'envie de savoir attendre, de savoir écouter, et d'apprendre.
Dans quelle mesure avez-vous besoin de bras pour les missions aujourd'hui?
Il est évident qu'il y a un besoin de bras, je dirais à 360 degrés, pour les missions. Les bras ne sont pas seulement destinés, comme on l'a peut-être souvent considéré, à apporter une aide matérielle, mais sont avant tout un témoignage que nous pouvons donner au quotidien de l'expérience chrétienne et de la nécessité de témoigner de l'Évangile aux nombreuses personnes qui ne le connaissent certainement pas encore aujourd'hui. Il y a donc un besoin, comme l'a dit le Pape François, déjà à l'extérieur de la porte d'entrée. (…)
Déjà dans nos propres maisons, nous pouvons faire la mission, en témoignant aux membres de notre famille, aux personnes avec lesquelles nous collaborons, travaillons, qui nous sont les plus proches. Il ne serait certainement pas juste de s'arrêter à un niveau, disons, local, car tant de personnes n'ont pas encore reçu l'annonce de l'Évangile et il est donc important que les bras, les cœurs, les bouches, puissent aussi aller plus loin. Je vais au Pérou, mais on peut faire quelque chose à différents niveaux, pas seulement en se déplaçant physiquement, mais aussi avec son propre témoignage, avec la prière, une collaboration de beaucoup, et elle doit être de beaucoup, aussi avec le partage. L'aspect matériel, peut-être, est souvent identifié comme une priorité, mais ce n'est pas la seule. Car si elle peut contribuer à soutenir la réalisation de l'évangélisation, elle n'est pas la seule chose à faire. Il faut tellement de bras. Parce que la mission est la vie de l'Église, sans mission l'Église ne peut pas vivre.
Quelle est l'importance de faire connaître les missions?
Je crois que c’est important aussi pour apprendre - et je crois que cela vaut pour toute l'Église - des missions. Ces derniers temps, on parle de plus en plus d'un paradigme missionnaire qui doit aussi éclairer notre travail pastoral ordinaire. Et je crois que cet échange ne se fait que par la connaissance. Certainement avec le travail de sensibilisation et d'animation missionnaire. Mais aussi en invitant, dans la mesure du possible, à se déplacer, à aller apprendre. Souvent, avec une attitude peut-être un peu réductrice, on pense: je vais faire quelque chose, même une brève expérience. Il est vrai que l'on peut faire quelque chose, un peu ou beaucoup, mais il est également vrai que l'on va apprendre à connaître et apprendre à voir.
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