À Rome, la communauté ukrainienne appelle à la solidarité
Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican
Plus de neuf mois après le début de la guerre en Ukraine, l'aide humanitaire envoyée par la communauté internationale ou par les exilés reste la seule source de survie pour la population civile, désormais soumise à de drastiques restrictions d'électricité en raison des bombardements russes, alors même que des températures hivernales rigoureuses sévissent. Les appels à l'aide se font plus pressants.
Envoi de camions depuis Rome
À Rome, la basilique Sainte-Sophie est devenu, dès les premiers jours de l'invasion, un centre de collecte de dons. Des couches, des vêtements, de la nourriture et des médicaments ont envahi le lieu de culte des gréco-catholiques de la ville. C'est d'ici que des dizaines de camions sot partis vers l'Ukraine. L'église reçoit les demandes des civils, transmises par les prêtres des lieux récemment libérés par les forces ukrainiennes. S'ajoute à la liste le besoin de couvertures chaudes ou de générateurs pour se réchauffer. Les ukrainiens rêvent également de pouvoir subsituter les fenêtres et les portes de leurs habitations emportées dans les explosions.
Parce que les sollicitations se font de plus en plus nombreuses, le recteur de Sainte-Sophie, le père Marco Semehen, relance son appel à la solidarité avec le peuple ukrainien: «Même une petite contribution, souligne-t-il, allume la lumière de l'espoir. Tant de gens ont un très grand cœur et nous, en préparant Noël, nous nous retrouvons une fois de plus à devoir frapper à ces grands cœurs, à demander de l'aide et surtout à prier pour que la guerre cesse».
Père Marco, plus de neuf mois après le début de la guerre, qu'est-ce qui vous pousse à relancer l'appel?
L'une des raisons est certainement les demandes venant directement d'Ukraine. Au début de la guerre, l'aide était extraordinaire, puis pendant l'été, elle a pratiquement cessé et depuis novembre, nous avons reçu de nombreux appels de nos amis, de nos évêques, de personnes que nous connaissons. Nous recevons des informations selon lesquelles la situation économique se dégrade et puis, comme nous l'avons vu, les attentats à la bombe contre les centrales électriques ont pratiquement paralysé de nombreux domaines de la vie quotidienne. D'où l'idée de relancer l'appel, pour soutenir le peuple ukrainien et l'aider à survivre à l'hiver très rude.
Quels sont les besoins les plus importants des personnes vivant en particulier dans les zones récemment libérées de l'occupation, mais où tant de personnes sont restées sans abri?
Les gens ont besoin de produits de première nécessité, car d'après ce que nous disent les prêtres, qui retournent maintenant dans les lieux libérés, nous savons que les soldats russes, dans certains cas, ont presque tout pris dans les maisons, jusqu'à les détruire. Ainsi, nous recevons aujourd'hui des demandes allant d'une simple couverture à une contribution pour payer une fenêtre, une porte de la maison, une cuisinière, des conserves, des kits d'hygiène pour pouvoir se laver sans eau. Ils ont besoin de tout ce dont une personne a besoin pour survivre à un hiver aussi rude et pour survivre au moins jusqu'à ce que l'État puisse réparer les systèmes d'électricité et d'eau.
Combien d'aides avez-vous reçues, principalement de l'Italie? Avez-vous la possibilité de retracer l'origine de ces dons que vous envoyez en Ukraine et aussi de savoir à qui ils parviennent ensuite?
Depuis le début de la collecte à Sainte-Sophie à Rome, nous avons envoyé 64 camions de 20 tonnes chacun. Chaque camion envoyé est traçable. Nous n'avons pas toujours les photos pour des raisons de sécurité, mais nous avons tous les rapports. Et le premier camion que nous avons envoyé après les vacances d'été, avec des produits de première nécessité donnés par l'université Unicusano, est parti pour Kiev à la disposition de l'archevêque supérieur, Sa Béatitude Sviatoslav Chevtchouk. Le deuxième camion a été chargé de vêtements chauds et envoyé à sa fondation "Mudra Sprava" (en français, "Travail de sagesse"). Deux autres camions ont été envoyés à Kharkiv, d'où nous avons déjà reçu des photos, tant du moment de l'arrivée que du moment de la livraison de l'aide par l'évêque et le personnel de l'Exarchat. Nous préparons un envoi pour Zaporizhzhia et nous continuerons à aider les personnes dans les territoires libérés. Quant aux donateurs, bien sûr, des particuliers viennent ici et donnent ce qu'ils peuvent. L'attention du Saint-Père, qui s'exprime par l'intermédiaire de son aumônier est certainement très grande également. Le cardinal Konrad Krajewski arrive régulièrement avec une camionnette remplie de bien de première nécessité que nous envoyons ensuite en Ukraine. L'aide arrive aussi de la Croix Rouge, de la Banque alimentaire, ou des différentes entreprises qui veulent offrir et contribuer à notre mission humanitaire.
Quel est votre message pour tous les gens, en cette période de Noël?
Noël est toujours une fête familiale, l'occasion de rentrer chez nous, et nous devons comprendre qu'en Ukraine, il y a maintenant tant de personnes qui vivent dans des maisons sans chauffage, avec peu de confort, ou qui n'ont pas de maison du tout. Malgré cela, nous devons nous rappeler que Jésus est aussi né dans une étable où, bien sûr, il n'y avait ni lumière ni chaleur, mais la paix est venue. C'est pourquoi, à l'occasion de Noël, nous espérons que l'Europe renouvellera sa foi dans le Christ et, en même temps, que nous pourrons aider les Ukrainiens par des gestes concrets, des dons, des œuvres de charité et, ainsi, allumer la lumière de l'espoir et dire aux personnes qui sont sous les bombes, qui ont perdu leur famille et qui sont désespérées, qu'elles ne sont pas seules, que Dieu, à travers l'homme, pose toujours sa main sur toute personne qui lui fait confiance.
Dès les premiers mois de la guerre, mais aussi dans les mois qui ont suivi, nous avons vu arriver à Sainte-Sophie tant de voitures chargées d'aide humanitaire. Vous attendiez-vous à cette grande solidarité de la société italienne?
Nous ne nous attendions pas à cette solidarité, nous sommes stupéfaits et nous sommes très reconnaissants à tous les Italiens, des citoyens individuels aux grandes entreprises qui ont fait des offrandes et des dons pour soutenir la mission non seulement ici à Rome, mais aussi dans les différentes communautés de l'Église ukrainienne gréco-catholique en Italie. Au début, un grand effort a été fait pour aider, en particulier, les personnes déplacées à l'intérieur du pays et les réfugiés qui sont arrivés en Italie, maintenant ils aident également les personnes dans les territoires libérés.
Vous souvenez-vous d'un cas de l'aide offerte qui vous a particulièrement impressionné?
Celle d'un entrepreneur qui a apporté des articles d'hygiène pour un chiffre d'affaires de 23 000 euros. Un don très important. Je me souviens aussi d'un cas très émouvant: une fois, une personne handicapée est arrivée dans son fauteuil roulant électrique, apportant deux paquets de pâtes et un paquet de farine. Il m'a dit: "Père, c'est tout ce que je peux donner à vos compatriotes qui souffrent". Je me suis rendu compte que de nombreux Italiens ont un très grand cœur et nous, alors que nous nous préparons à Noël, nous nous retrouvons une fois de plus à devoir frapper à ces grands cœurs, à demander de l'aide et surtout des prières pour que la guerre se termine rapidement.
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