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Mouvement de protestations au Pérou. Mouvement de protestations au Pérou.  

Père Carrasco: «Nous ne pouvons pas rester silencieux face à l'injustice au Pérou»

Ce pays d'Amérique du Sud connaît une période d'Avent caractérisée par une déstabilisation politique. Dimanche 18 décembre, le Pape François a prié pour que le dialogue l'emporte, afin de surmonter «une crise qui afflige la population». Pour le père Roberto Carrasco, le Pérou «a besoin de la paix, le produit de la justice, mais une justice qui englobe vraiment tout le monde de manière égale».

Andrea De Angelis / Renato Martinez - Cité du Vatican

Quatre Péruviens sur cinq sont catholiques, et Noël est l'un des moments les plus attendus de l'année. Cependant, ce temps de l'Avent coïncide avec de fortes tensions sociales dans ce pays, liées à l'arrestation de l'ancien président Pedro Castillo, évincé le 7 décembre après sa tentative de dissoudre le parlement. Le troisième plus grand pays d'Amérique du Sud, habité par 33 millions de personnes, est bordé par l'océan et les Andes, ainsi que par l'Amazonie. Le père Roberto Carrasco, missionnaire des Oblats de Marie Immaculée (OMI) et nouveau supérieur majeur de la délégation générale du Pérou et de la Bolivie, y vit depuis près de 15 ans.

Le pouvoir économique qui domine tout

Le dimanche 18 décembre, le dernier du temps de l'Avent, le Saint-Père a prié pour que ce pays d'Amérique du Sud mette fin à la violence et s'engage sur la voie du dialogue pour surmonter la crise politique et sociale qui frappe la population. «La Conférence épiscopale péruvienne a appelé tout le monde à prier pour la paix, mais la population a le sentiment qu'on lui vole tout espoir. Il y a trop de désinformation, même à Lima». La situation «est difficile, beaucoup de gens ne pensent pas à Noël», explique le père Carrasco, du moins pas comme ils le souhaiteraient.

Après l'arrestation du président Castillo, le religieux souligne qu’il y a eu, et il y a toujours de nombreuses manifestations et protestations. Malheureusement, relève-t-il, dans le groupe de ceux qui protestent, il y a aussi des infiltrés, des individus violents, «Nous avons vu la destruction». La question que se pose le missionnaire, est: «comment est-il possible que le pouvoir économique soit au-dessus de la valeur de la vie? L'Église nous demande de prier pour la paix et à mon avis elle doit dire une chose clairement, je le dis moi-même: le pouvoir économique domine le pouvoir politique, il domine le pouvoir militaire. Il me semble qu'il domine tout», déclare le père Carrasco.

Après la chute de Castillo, après que le Congrès l'ait démis de ses fonctions, souligne le missionnaire, il semble qu'une élite, un petit groupe ait pris le contrôle de l'État.

«C'est un petit groupe, c'est une élite qui a pris le contrôle, comme le pouvoir économique a pris le contrôle du pouvoir politique, il semble qu'elle a même pris le contrôle du pouvoir des forces armées, des forces de police. Car cet état d'urgence décrété a fait, pour le seul premier jour, 8 morts et plus de 50 blessés. Et tout comme il y a des blessés dans la société civile, il y a aussi des blessés dans la police nationale. Mais l'état d'urgence n'est pas juste, il n'est pas juste parce qu'il ne convient vraiment à personne», déplore-t-il.

Le sentiment d'une espérance volée

Le missionnaire Oblat de Marie Immaculée a également déclaré que, pour un paysan, pour un habitant des Andes, pour ceux qui ont voté pour lui, Pedro Castillo «représente la personne en qui ils ont placé leur confiance, au-delà du fait de savoir si Pedro Castillo a bien fait les choses, ou s'il est préparé ou non, s'il a la capacité ou non, c'est une autre question», affirme-t-il.

«Le problème est que l'espoir a été volé au peuple le plus simple et nous devons faire la différence entre ceux qui protestent vraiment et qui sont du peuple, parce qu'il y a beaucoup d'endroits au Pérou où des gens sont sortis pour protester pacifiquement, et ceux qui sont des vandales, je ne peux pas les appeler des terroristes, parce que si j’utilise le mot terroriste, alors je devrais aussi dire, le terrorisme d'État qui est de plus en plus imposé».

L'Avent, une occasion de conversion

Au milieu de toute cette anxiété, de toute cette situation, rappelle le père Carrasco, le temps de l'Avent au Pérou est une occasion non seulement de prier et de se convertir en théorie, mais la conversion implique une attitude concrète, et pour moi en particulier, une attitude de dénonciation. Je ne peux pas rester silencieux face à des voix qui crient pour être entendues.

Le Pape François parle du «cri des pauvres», pour le religieux, il s'agit en effet du cri des pauvres. «Moi en tant que prêtre et citoyen péruvien, je ne peux pas rester silencieux, j'ai une responsabilité.  En tant que chrétien, citoyen conscient de mes droits, de ma réalité, que puis-je dire, je me joins à la voix des sans voix, et je condamne tous les actes de terrorisme, pas seulement le vandalisme, le terrorisme, c'est ce qui crée la terreur, et la terreur ce n'est pas seulement la destruction de la propriété privée, ce n'est pas seulement la destruction de la propriété privée, la terreur est aussi institutionnelle, c'est ce pouvoir, c'est cette personne qui contrôle, qui domine».

«Je vais le dire avec ces mots» - martèle le missionnaire – «il manipule la vérité, il achète les médias, il achète parce qu'il a le pouvoir et il essaie de faire taire et nous en tant qu'Église, en tant que chrétiens à la manière de Jésus-Christ ne pouvons pas être silencieux. Je dois faire écho à Jésus, je dois faire écho à la saine doctrine sociale de l'Église».

La paix est le produit de la justice

Pour les Péruviens, Noël sera une fête qui ne devra pas être célébrée de la manière habituelle. Parce qu'il est injuste de la célébrer au milieu de tant de sang versé - souligne le père Carrasco - de tant de douleur, et d'anxiété. Au milieu des bouleversements, «nous ne pouvons pas crier comme les anges: "Gloire à Dieu dans le ciel et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté". Au Pérou, nous avons besoin de la paix, et la paix est le produit de la justice, mais une justice qui englobe vraiment tout le monde de manière égale».

Le chrétien, selon le religieux est appelé à être un signe d'espérance et à promouvoir la communion, il est appelé à parier sur la figure du Christ, d'un Christ qui se fait enfant, qui se fait pauvre, qui se fait petit, et dans cette image du Christ enfant, petit, «je vois le visage de chaque pauvre qui crie, qui veut que je sois avec lui, et là je dois voir Jésus, là est mon Noël. Je ne veux pas enlever cette lueur d'espoir, ce cri des anges qui s'affrontent, le cri du ciel avec le cri de la terre, dans cette confrontation des deux cris, je crois que Jésus est né pour parier sur la vie, pour continuer à parier sur une paix véritable où nous pourrons tous nous sentir vraiment frères, nous respecter, travailler pour l'égalité et ce n'est pas un idéal, c'est un mandat» conclu le missionnaire.

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21 décembre 2022, 12:24