Mgr Chevtchouk: le Pape François offre une voix unique pour la paix
Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican
Malgré la tragique guerre en cours en Ukraine, qui conduit à des pertes en vies humaines et des destructions, le chef de l'Église gréco-catholique ukrainienne déclare qu'en célébrant la Pâques, le Christ, source d'espérance et de résilience, lui permet de garder l'espoir d'une fin de la guerre. Pour lui, la paix, la vie et la résurrection auront le dernier mot.
L'archevêque majeur de Kyev-Halyc, Sviatoslav Chevtchouk, s'est exprimé en ce sens, soulignant sa gratitude envers le Pape François pour sa proximité et ses appels constants, et, en particulier, pour avoir offert une voix unique sur la façon de trouver des solutions pacifiques.
Sa Béatitude évoque dans cette interview: la Pâque gréco-catholique ukrainienne au milieu des décombres et de la guerre, l'opportunité des avertissements du Saint-Père tout au long de son pontificat sur les armes nucléaires, et la manière d'œuvrer pour la paix alors que leur pays est confronté à la guerre et à la souffrance depuis plus d'un an, et cela depuis l'invasion russe.
Votre Béatitude, en Ukraine, à Pâques, les croyants se saluent en disant: «Le Christ est ressuscité, vraiment ressuscité». Quelle est la signification de cette salutation dans le contexte de la guerre qui dure depuis plus d'un an?
Pour nous, cette salutation n'est pas une simple salutation, mais une proclamation de la foi chrétienne et une révélation de l'authenticité de notre existence en tant que chrétiens. Je me souviens qu'à l'époque soviétique, lorsque j'étais enfant, j'ai salué un représentant du parti communiste sans en être conscient. Je lui ai dit: «Le Christ est ressuscité». Il a répondu: «Oui, merci. J'étais déjà au courant». Mais être informé et avoir le droit de proclamer que «Le Christ est ressuscité», ce sont deux perspectives différentes. Aujourd'hui, nous pouvons partager notre expérience de la situation tragique, des moments tragiques du peuple ukrainien. Le Christ est bel et bien ressuscité. Il est avec nous, et il est la source de notre résilience et de notre espoir, l'espoir pour l'avenir, l'espoir qu'un jour cette guerre prendra fin, et alors, la paix, la vie et la résurrection auront le dernier mot dans notre histoire.
Le Saint-Père a lancé d'innombrables appels en faveur de l'Ukraine et pour aider ceux qui souffrent. Qu'est-ce que cela signifie pour vous et quelle est la valeur de ces appels?
Pour nous, il est très important de ne pas être abandonnés, de ne pas être seuls dans nos souffrances. Le Saint-Père s'adresse non seulement aux Ukrainiens, mais aussi au monde entier au nom des Ukrainiens. Et chaque fois qu'il tente d'annoncer au monde la tragédie qui se déroule en Ukraine, ses paroles sont pour nous une bouffée d'oxygène. Grâce à la solidarité mondiale, nous avons pu résister aux conséquences de cette guerre. Grâce à Dieu et au Saint-Père, cette crise humanitaire, provoquée par la guerre, cette tragédie humanitaire ne s'est pas aggravée. Personne en Ukraine n'est mort de faim, de soif ou de froid. Nous avons pu apporter notre aide à ceux qui sont victimes de l'invasion russe. Ainsi, chaque prière, chaque appel du Saint-Père au monde pour nous, est un message vivifiant.
Le Pape François a encouragé la recherche de solutions pacifiques à la guerre. Dans votre esprit, envisagez-vous une voie possible vers la paix en mettant l'accent sur la médiation et les efforts de construction de la paix plutôt que sur les armes et la violence? Et comment?
Nous prions pour la paix. Nous luttons pour la paix. Bien sûr, cette paix immédiate ressemble à un miracle, à quelque chose qui devrait se produire, mais nous ne savons pas quand. Il n'existe aucune perspective humaine pour un cessez-le-feu immédiat dans cette guerre. Mais nous croyons que les miracles se produisent. Peut-être qu'un jour, nous connaîtrons la paix sur notre terre ukrainienne.
Tout au long de son pontificat, le Pape François n'a cessé de mettre en garde contre les dangers des armes nucléaires. Pourquoi son message est-il particulièrement important en ce moment?
Parce qu'en ce moment même, le monde est à nouveau au bord d'une confrontation nucléaire. Lorsque le droit international ne fonctionne plus, personne dans le monde ne se sent en sécurité. Et de quelle sécurité, de quel argument, disposent aujourd'hui de très nombreuses nations? Seulement des armes nucléaires, des puissances nucléaires. Et c'est très triste parce que nous sommes témoins de l'escalade et de la militarisation des relations internationales en ce moment même. Le Pape François est presque une voix unique qui s'adresse au monde pour lui dire: «Arrêtez, s'il vous plaît. N'utilisez pas cet argument dans vos négociations». Nous ne pouvons pas utiliser le chantage à l'utilisation de l'énergie nucléaire, car cela provoquerait un désastre pour le monde entier.
Le Christ ressuscité s'est d'abord manifesté aux femmes. Quel rôle les femmes ukrainiennes, en particulier au sein de l'Église, jouent-elles en ces temps difficiles?
En Ukraine, les femmes sont une pierre angulaire de notre société. Très souvent, nous disons que dans la culture ukrainienne, nous avons un matriarcat. Ainsi, une mère, une femme, est une personne qui a le plus souvent annoncé, proclamé la foi chrétienne en Ukraine. Et le deuxième dimanche après Pâques, nous avons un dimanche dédié aux femmes porteuses de myrrhe.
Le rôle des femmes dans la mission d'évangélisation aujourd'hui en Ukraine est crucial. Près de 99 % des catéchistes dans nos communautés sont des femmes, mais notre clergé est également majoritairement marié, de sorte que le rôle de l'épouse du prêtre est très important dans la paroisse et la communauté paroissiale. Très souvent, les gens s'adressent d'abord à la femme du prêtre, puis à lui, en particulier pour des questions délicates pour les femmes. La mère est une image de l'Ukraine d'aujourd'hui. L'Église en tant que mère est quelque chose de très, très important, je dirais, d'éloquent pour les Ukrainiens d'aujourd'hui en particulier. L'Église mère, mère et enseignante, mère et protectrice, est une icône de notre Église aujourd'hui.
À quel point est-il difficile, en tant que Béatitude, de transmettre cette foi alors qu'il y a tant de douleur et tant de morts autour de nous? Comment offrir un message d'espérance et de foi au milieu d'une telle tristesse en ce moment?
Dans ces circonstances, nous faisons nous-mêmes l'expérience que le message chrétien n'est pas une idée, mais une expérience vivifiante. En partageant notre message, nous partageons donc notre expérience. Nous partageons notre propre source d'espoir, notre propre source de résilience. Ainsi, les gens nous écoutent, mais ils nous regardent: comment incarnons-nous ce message dans notre propre vie? Très souvent aujourd'hui, nous assistons à un moment exceptionnel de conversion de tant de personnes en Ukraine, parce qu'elles cherchent un sens profond à ces circonstances très difficiles: pourquoi cela nous arrive-t-il? Que faut-il faire? Ce que nous faisons est-il juste? Et très souvent, nous ne pouvons répondre à ces messages ou à ces questions que si nous écoutons la Parole de Dieu et si nous sommes membres d'une communauté qui vit ce message, cette bonne nouvelle, que nous proclamons chaque jour.
Eh bien, du fond du cœur, depuis l'Ukraine, depuis la capitale de l'Ukraine, Kiev, nous voudrions transmettre l'authenticité de ce message: le Christ est bel et bien ressuscité. En effet, il est ressuscité! Le Christ est avec nous. Nous avons une espérance parce que nous participons à sa résurrection. Ce message, «Le Christ est ressuscité», ne concerne pas seulement Lui, mais aussi nous, et la proclamation de l'espérance chrétienne pour aujourd'hui.
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