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Le cardinal Louis Raphaël Sako,  patriarche de Babylone des Chaldéens. Le cardinal Louis Raphaël Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens.  

Cardinal Sako: les chrétiens du Moyen-Orient ne sont pas des citoyens de seconde zone

Le patriarche de Babylone des Chaldéens, le cardinal Louis Raphaël Sako, évoque la menace qui pèse sur les églises du Moyen-Orient, dont l'avenir est de plus en plus incertain dans des pays où la majorité musulmane les marginalise. «Nous avons besoin d'être écoutés et respectés», a-t-il répété depuis Chypre.

Francesca Sabatinelli – Cité du Vatican

Les chrétiens du Moyen-Orient doivent être aidés à rester sur leurs terres et à y vivre en tant que citoyens avec les droits et les devoirs de tous. De Chypre, au Symposium «Enracinés dans l'espérance», organisé par la Roaco (Réunion des Œuvres d'aides aux Églises orientales), à l'occasion de l'anniversaire de l'exhortation apostolique post-synodale de Benoît XVI Ecclesia in Medio Oriente, le patriarche de Bagdad des Chaldéens, le cardinal Louis Raphaël Sako, présent à Nicosie, exprime sa tristesse et son inquiétude quant à l'avenir de la région qui pourrait définitivement se passer de la présence des chrétiens.

Depuis le synode pour le Moyen-Orient, treize ans se sont écoulés. Depuis l'exhortation apostolique post-synodale, un peu plus de dix ans. Ces jours-ci à Chypre, les Églises du Moyen-Orient témoignent des changements qui ont eu lieu ces dernières années et présentent une réalité différente, dramatique, faite de nouveaux problèmes et de sérieux défis, dont l'un est la présence et la contribution des chrétiens sur leurs terres. Entretien avec le cardinal Sako.

Comment aider les chrétiens à rester sur leur terre, à espérer et à témoigner de leur foi?

Ce n'est pas par hasard que nous, chrétiens, sommes dans ces lieux. Nous avons une vocation, mais nous avons besoin d'être aidés, écoutés, accompagnés aussi par la Mère Église. Nous devons soutenir les chrétiens pour qu'ils ne partent pas, nous devons les aider à ne pas émigrer. Ce sera vraiment grave si le Moyen-Orient se vide de ses chrétiens et si les racines du christianisme n'y sont plus. La présence des Églises orientales est menacée et elles ne voient pas d'avenir en Irak, en Syrie, au Liban, en Palestine, à cause des défis politiques, économiques, culturels et autres. En Occident, il y a un manque de valeurs religieuses et humaines, il y a une sécularisation et la vie est vidée de tout caractère sacré. En Orient, en revanche, il y a le fondamentalisme, qui se transforme en terreur et en terrorisme, et nous sommes menacés, nous sommes marginalisés. Nos maisons, nos biens, nos villages sont occupés, et puis il y a la question démographique.

Que s'est-il passé au cours des années qui se sont écoulées depuis le Synode et l'exhortation apostolique?

En 2009, je suis allé voir le Pape pour lui demander de faire un Synode pour le Moyen-Orient, pour nous, petites Églises dont l'avenir est menacé, afin de leur donner de l'espérance. Mais aujourd'hui tout a changé, l'exhortation est très belle, mais nous vivons dans un autre monde. La visite du Pape François en Irak, ses discours, sa proximité et son amitié avec les musulmans ont généré le document sur la fraternité humaine à Abu Dhabi et la rencontre avec Al Sistani (chef suprême chiite - Najaf, mars 2021 ndlr) quand l'ayatollah a dit que nous sommes frères. Ici, nous devons exploiter tout cela pour vivre en frères et en citoyens, et aussi pour changer la mentalité de ceux qui croient que les musulmans sont supérieurs aux autres, aux chrétiens, qui sont alors traités comme des citoyens de seconde zone. Mais ce n'est pas possible! Les chrétiens étaient en Irak avant les musulmans, mais nous sommes une minorité, nous avons donc besoin des autres.

Cela signifie-t-il que le document de la Fraternité d'Abu Dhabi et la fraternité tout entière ne portent pas les fruits escomptés en matière de dialogue?

Il y a un dialogue avec les autorités musulmanes, mais il faut le mettre en œuvre. Les visites de délégations d'évêques et de cardinaux occidentaux sont également porteuses d'espérance pour les chrétiens du Moyen-Orient. Car si le système en Orient est tribal, nous sommes et restons une Église qui a besoin de proximité et d'amitié, avec des actes et pas seulement des paroles.

Quelles pourraient être ces actions concrètes qui pourraient vraiment aider les Églises orientales et leurs fidèles à rester et à avoir un rôle public?

Tout le monde parle des droits de l'homme, mais nous ne sommes pas traités de la même manière que les musulmans, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Au lieu de créer des états démocratiques et civilisés, ils ont érigé des barrières. Nous devons séparer la religion de l'État. Tout cela exige un soutien diplomatique et politique, y compris un soutien extérieur, à l'égard des chrétiens, qui font aujourd'hui l'objet d'une persécution, même si elle est discrète et non publique, qui se traduit par l'empêchement d'un chrétien d'exercer son ministère, l'occupation de sa maison ou des menaces pour éviter d'être kidnappé. La persécution ne consiste pas seulement à tuer quelqu'un. Au Liban, les chrétiens étaient majoritaires, ils sont à l'origine du Liban. Combien de chrétiens y restent aujourd'hui? Ils pensent tous à quitter ce Moyen-Orient, mais c'est leur terre, leur identité. L'histoire nous dit que les chrétiens ont beaucoup donné à leur pays, mais aujourd'hui le monde a changé, et nous payons une mauvaise politique occidentale. L'Église doit faire entendre la voix prophétique de Jésus. Nous sommes moins d'un demi-million, demain nous serons peut-être 300 000, voire moins. Les familles sont divisées entre l'Irak et l'Occident, et on aide les gens à partir, pas à rester. Aujourd'hui, nous sommes perdus, nous sommes déçus et nous n'avons pas de force.

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24 avril 2023, 15:01