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Des fidèles chrétiens à la messe, à l'église catholique syriaque de Mar Tuma (Saint Thomas) dans la ville de Mossoul, au nord de l'Irak, le 30 avril 2022.  Des fidèles chrétiens à la messe, à l'église catholique syriaque de Mar Tuma (Saint Thomas) dans la ville de Mossoul, au nord de l'Irak, le 30 avril 2022.  

Des chrétiens irakiens de retour dans leur terre d’origine

Six ans après la libération de l’Irak, de nombreux chrétiens qui avaient fui Daesh ont pu retrouver leur terre d’origine. Grâce à ses dons, l’ONG de défense des chrétiens persécutés Portes Ouvertes a reconstruit plus de 2 250 maisons dans la région des plaines de Ninive, au Nord du pays. Les chrétiens irakiens ont également bénéficié de micro-crédits et d’aides alimentaires.

Jérôme Raymond – Cité du Vatican

La communauté chrétienne d’Irak a été fortement persécuté depuis 2014, année où Daesh tenta de créer un État Islamique en Irak et en Syrie. Certains ont été crucifiés et décapités sur la place publique, tandis que la plupart ont été forcés à fuir alors que leurs maisons étaient saccagées et détruites.

L’ONG Portes Ouvertes est présente dans 70 pays et vient en aide aux personnes les plus persécutées en raison de leur foi. Elle était déjà présente en Irak avant les exactions islamistes alors que les chrétiens étaient discriminés et considérés comme des «citoyens de seconde classe», explique Guillaume Guennec, chargé de plaidoyer chez Portes Ouvertes. Aujourd’hui, l’ONG aide les chrétiens à revenir dans leur terre d’origine.

Entretien avec Guillaume Guennec

Comment est née cette initiative?

Cette initiative correspond à ce qui est le cœur de notre ONG : soutenir les chrétiens persécutés, les aider à rester dans leur pays, à être sel et lumière, et à vivre selon leurs convictions. Nos actions sont d’abord des actions d’urgence face à ce qu’il s’est passé avec Daesh. Nous avons distribué des aides alimentaires d’urgence via les églises locales. Ensuite, nous avons commencé à réfléchir sur le long terme. Nous nous sommes dit qu’il fallait qu’on leur permette de rentrer chez eux, dans leurs villages, dans la plaine de Ninive, là où ils ont grandi, là où habitent leurs familles depuis des générations. On a commencé à mettre en place des moyens de reconstruire les maisons, les réparer, les réaménager. Il leur fallait également des moyens de subsistance et que la vie économique reprenne dans le village. Il fallait aussi qu’ils se sentent en sécurité alors que certains craignent l’apparition d’un nouveau Daesh ou qu’ils soient persécutés ou discriminés par leurs voisins.

Quelles ont été les difficultés rencontrées par ces personnes? N’ont-elles pas été réticentes à l’idée de retrouver leur terre d’origine en ruine? 

Ces personnes ont été détruites dans leur for intérieur par les exactions qu’elles ont vécues. Leur premier problème est de surmonter ces traumatismes. Revenir sur place, c’est se rendre compte que sa maison est détruite, qu’elle a éventuellement été pillée. Il y a aussi cette peur de se remettre en position de vulnérabilité dans l’éventualité de l’émergence d’un nouveau groupe extrémiste. Il y a également la précarité économique, il faut qu’ils retrouvent du travail. C’est devenu très compliqué parce qu’il n’y a plus forcément d’échoppes, d’infrastructure, d’accès à l’électricité… Tout ça fait hésiter à revenir. Selon moi, le point clé est de savoir s’ils croient encore à un avenir pour eux dans le pays. S’ils sont convaincus qu’ils peuvent donner un futur à leurs enfants alors ils reviendront.

Quels témoignages recevez-vous de ces chrétiens? Pourquoi est-ce important pour eux de de revenir chez eux?

C’est une victoire de pouvoir rentrer chez soi. On l’a vu lors des messes, quand les églises ont été reconstruites. Ce sont des moments où ils ont pu retrouver un esprit communautaire. Un village c’est plus qu’un ensemble de bâtiments, c’est une communauté à laquelle on appartient. Ceux qui reviennent sont reconnaissants mais la plupart ne sont pas sûrs que ce soit vraiment fini. Parfois c’est quelque chose qui leur est rappelé de manière assez frappante. Il y a deux ou trois ans, devant une église à Bartella, des milices chiites ont tiré des coups de feu, ils n’ont blessé personne mais ça renvoie un message d’insécurité assez criant. Ils désirent être des citoyens à part entière mais ils continuent de ressentir qu’ils sont perçus comme des citoyens de seconde zone. Pour ceux qui ont réussi à se réinstaller, qui ont bénéficié de nos micro-crédits pour retrouver un travail, il y a une joie à revenir chez soi et de l’espoir. Les chrétiens gardent l’espérance et c’est aussi pour ça qu’ils reviennent.

Entretien avec Guillaume Guennec

Quelles sont les conditions d’une bonne intégration?

Les chrétiens d’Irak souhaitent d’abord l’égalité. Ils veulent être considérés comme des citoyens qui ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et non comme des minorités. Leur deuxième demande est une condition de vie digne. Cela implique de pouvoir retourner dans leur maison, d’accéder aux produits de première nécessité, à de bonnes infrastructures, à des opportunités d’emplois, à l’éducation pour les enfants. Leur troisième demande est de pouvoir être acteur de la reconstruction et de l’avenir de leur propre pays. Les chrétiens veulent avoir une influence positive sur la société, ils veulent bénir la cité.

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30 mai 2023, 09:51