Taizé: frère Alois quitte sa charge et désigne un successeur
Jean-Charles Putzolu - Cité du Vatican
Pourquoi renoncer maintenant à votre charge de prieur?
Je réfléchis à cela depuis plusieurs années. Le monde change beaucoup et cela fait 18 ans que je suis prieur de la communauté… Il y a un certain nombre de jeunes frères qui sont entrés et qui n'ont pas connu frère Roger. Nous entrons dans une nouvelle étape de la communauté. Il y a deux ans, j'en ai parlé avec tous les frères lors d’un conseil. Et pour marquer cette nouvelle étape, je leur ai dit qu’il serait bon aussi de changer le prieur. Ainsi il est clair aussi pour l'intérieur de la communauté, pour les frères, que l’on peut avancer.
Les frères de Taizé ont-ils été surpris de cette annonce?
C'était un peu inattendu aussi pour eux, surtout car il n'y a pas d'urgence. Mais je me suis dit qu’il était important de faire ce changement dans un moment où il n’y a pas d'urgence pour nous. J’étais le premier prieur, après le fondateur, frère Roger et pour passer le relais. Il est important de faire cela sans pression. Les frères ont très bien compris cela. Je les ai consultés, et j’ai désigné, comme notre règle le prévoit, le frère Matthew comme nouveau prieur.
Vous êtes devenu prieur dans des circonstances dramatiques. On se souvient de l'assassinat de frère Roger ayant ému le monde, le 16 août 2005, c'était une situation d'urgence. Aujourd’hui, la communauté, après son fondateur, après son premier successeur, va-t-elle entrer dans une dynamique - comme le font de beaucoup de communautés - de changements réguliers à sa tête?
Nous n'avons pas une limite de durée de ce ministère, ni une limite d'âge. Mais c'est une question qui va se poser dans l'avenir. La question plus profonde est comment nous pouvons avancer vers une coresponsabilité plus forte de tous les frères pour porter ensemble les décisions importantes. Avec notre fondateur, frère Roger, c'était lui qui avait des intuitions profondes et que l'on suivait. Il nous a laissé un héritage vivant: des relations fraternelles entre nous. Maintenant, pour cette nouvelle période, il s'agit aussi de se poser la question: est-ce qu'il y a des structures nécessaires à l'intérieur de la communauté pour porter plus ensemble cette coresponsabilité de tous les frères? Nous sentons que nous devons vivre plus de synodalité à l’intérieur de notre communauté.
Que retenez-vous de ces 18 années comme prieur de la communauté œcuménique de Taizé?
Je ressens une grande reconnaissance. J'ai l'impression que nous étions vraiment guidés après la mort de frère Roger. Que nous étions guidés dans une continuité. Nous sommes très reconnaissants et très interpellés par la continuelle présence et la venue des jeunes ici. Cela montre qu’ils y trouvent une source, et cela nous dépasse d'une certaine manière. Tout ce que les jeunes trouvent ici nous appelle à être très responsables et à l'écoute de la nouvelle génération.
Frère Roger était protestant. Vous êtes catholique. Frère Matthew, votre successeur, a lui la particularité d’être anglican.
Cela montre que nous sommes une communauté œcuménique et que nous continuons dans la ligne du frère Roger et qui voulait vivre vraiment la réconciliation déjà anticipée des chrétiens. Nous allons poursuivre cet œcuménisme qui porte la communauté en avant. En mars dernier, j'ai pu présenté frère Matthew au Pape François à l'occasion de l'audience annuelle qu'il m'accorde. Nous avons aussi visité d'autres responsables d'Églises, comme le patriarche Bartholomée, l'archevêque Justin Welby à Lambeth Palace, et le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises basé à Genève.
Frère Matthew était à Rome cette année pour préparer l'événement qui aura lieu sur la place Saint-Pierre avant l'ouverture du Synode, cette prière œcuménique que nous appelons «un geste d'unité». Nous sommes touchés que cette proposition ait été reçue par le Pape et par le Vatican. Ce 30 septembre, nous invitons les chrétiens de toutes les Églises à venir prier place Saint-Pierre.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici