La Suisse présente son premier rapport sur les crimes sexuels dans l'Église
Mario-Galgano, Olivier Bonnel - Cité du Vatican
C'est le premier état des lieux au niveau national réalisé en Suisse et qui concerne des décennies d'abus sexuels au sein de l'Église catholique hélvétique. Ce rapport de 136 pages, piloté par un comité scientifique de l'Université de Zürich a été présenté à la presse ce mardi 12 septembre. Couvrant la période depuis 1950 jusqu’à 2022, il recense plus de 1000 cas d’abus sur 921 victimes différentes. 56% des victimes sont des garçons. 74% sont directement des crimes pédophiles.
Le corpus de sources comprenait principalement des fonds d'archives secrètes ainsi que les archives des comités spécialisés "Abus sexuels" de la Conférence des évêques suisses et des différents diocèses. Les archives publiques et privées n'ont pas été prises en compte ou seulement de manière complémentaire (archives d'État, fonds d'archives sur les écoles et les foyers, etc.)
«Indicibles souffrances»
«Trop de dirigeant·e·s ecclésiastiques ont agi de manière irresponsable pendant des décennies. Ces personnes n’ont pas pris au sérieux les victimes et ont protégé les auteurs de ces actes. Elles se sont tenues du mauvais côté. Elles se sont tenues du côté des agresseurs au lieu d’être du côté des victimes», écrit la Conférence des évêques suisse dans un communiqué. «Elles ont choisi de protéger la réputation de l’Église plutôt que la dignité et l’intégrité des personnes qui ont ainsi été exposées à d’indicibles souffrances» poursuit la Conférence, soulignant que cette culpabilité «ne peut pas être balayée d’un revers de main» mais au contraire «doit s’attaquer aux mécanismes du pouvoir».
Un projet de suivi pour les années à venir
Ce rapport pilote n'est pas une fin en soi puisqu'un projet scientifique "de suivi" a aussi été mis en place pour la période de 2014 à 2026. D'autres rapports sont ainsi attendus dans les années qui viennent. «En tant qu’institutions ecclésiales, nous portons une grande part de responsabilité dans le fait que tant de personnes au sein de l’Église ont été victimes de crimes et en subissent les conséquences souvent à vie, pour elles-mêmes, dans leur capacité relationnelle, dans leur développement privé et professionnel, dans leur confiance en Dieu, dans la vie» ont souligné dans une déclaration commune la Conférence des évêques suisses, la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) et la Conférence des unions des ordres religieux et autres communautés de vie consacrée en Suisse (Kovos).
«Il ressort premièrement, de manière générale, que la plupart des cas, portés à la connaissance des responsables ecclésiastiques ont été minimisés, passés sous silence, étouffés, et que les auteurs avérés ont été punis par l'Église catholique de manière extrêmement clémente, voire pas du tout» a souligné Lorraine Odier, membre du groupe de recherche, lors de la présentation du rapport. «On constate, deuxièmement, que l'attention des autorités et des personnes informées était davantage tournée vers la protection de l'image de l'Église catholique, des auteurs et des auteurs présumés plutôt que des personnes ayant été victimes de ces abus ou de celles qui les dénonçaient» a t-elle ajouté.
D'autres fonds d'archives seront consultés dans le cadre de futurs projets. Comme dans d'autres pays ayant mené des enquêtes indépendantes, le rapport dresse une série de recommandations pour les responsables ecclésiastiques comme l’amélioration de l'état et le classement des archives de l'Église. De son coté les institutions catholiques suisses ont annoncé plusieurs mesures comme des évaluations psychologiques pour les futurs prêtres, diacres permanents, membres de communautés religieuses, ainsi que agentes et agents pastoraux dans le cadre de leur formation.
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