Cardinal Lopez Romero: le Pape vient à Marseille éveiller les consciences
Delphine Allaire - Marseille
En tant qu’archevêque de Rabat et président de la Cerna, la conférence des évêques de la région Nord de l'Afrique, que vous inspire la tenue des Rencontres méditerranéennes à Marseille?
Nous, évêques de la Cerna, avions donné à nos fidèles une lettre pastorale il y a huit ans, dont le titre était «Serviteurs de l'espérance». Ces Rencontres peuvent être des motifs d’espérance. Les éditions de Bari, de Florence et maintenant de Marseille, nous ont déjà aidé à prendre conscience d’une appartenance commune à la Méditerranée, malgré nos différences. Cela nous invite à faire de la Méditerranée, non pas une frontière de paix, mais une paix sans frontières. Le premier fruit de ces rencontres devrait donc être établir la paix et grandir en unité.
Qu’allez-vous partager aux autres évêques retrouvés pour ces Rencontres? Quelle est votre préoccupation première?
Nous devons prendre conscience de notre unité pour commencer. Ce qui nous unit est plus important que ce qui nous sépare. C’est logique car nous sommes tous évêques, partageons la même foi, le Christ, qui nous pousse. À partir de cette unité, nous devons contribuer à la paix et à l’unité en Méditerranée. Il y a trop de théâtres de conflits et de tensions dans cette région, pensons aux Balkans, la Croatie et la Serbie, le Maroc et l’Algérie, la Grèce et la Turquie, Israël et la Palestine, sans parler de la Syrie, de l’Irak ou de l’Ukraine et de la Russie, qui font partie de l’ensemble de la mer Noire et donc de la Méditerranée.
Nous devons considérer que nous sommes tous des peuples frères qui œuvrons pour le bien commun, pas le bien commun nationaliste mais le bien commun universel. Pourquoi pas une communauté méditerranéenne? Pourquoi pas une collaboration plus étroite entre la rive nord et la rive sud et un appui à la rive orientale et moyen-orientale? Je pense que paix et unité sont des mots clés dans nos rencontres méditerranéennes.
Comment regardez-vous l'urgence migratoire chaque jour de plus en plus criante? De la Tunisie à l'Italie ou du Maroc à l'Espagne, ce sujet est complexe. Que peut faire l'Église?
Nous travaillons beaucoup sur ce sujet. Dimanche aura lieu la Journée mondiale des migrants et des réfugiés avec pour thème cette année «Libre de migrer, libre de rester». Émigrer est un droit humain, mais avant ce droit de migrer, chacun a aussi le droit de rester là où il est né et où il a développé sa vie. L'Église, en collaboration avec les États, et les sociétés civiles, aide les personnes à se faire conscientes de ces droits, mais aussi à lutter pour pouvoir l'exercer. Les droits ne tombent pas du ciel, nous devons les conquérir. Ils résultent de l’effort personnel et communautaire. Chaque pays doit voir comment affronter ces phénomènes migratoires qui ne sont pas en soi des problèmes. Les problèmes sont les guerres, les persécutions politiques, les inégalités économiques. Tout cela provoque des désordres dans les migrations, qui pourraient constituer ce phénomène permanent dans l'histoire de l'humanité, une question ordonnée, régulière et positive.
Quel regard posez-vous sur ce pèlerinage méditerranéen du Pape François de Lampedusa en 2013, au Maroc, chez vous en 2019, à Marseille aujourd'hui, sillonnant un total de 17 pays bordant la Méditerranée?
Ce chiffre est déjà significatif et porte un message. Il veut dire que le Pape reconnaît l'importance de ce bassin méditerranéen et qu’il s'engage. En venant à Bari, en venant maintenant ici à Marseille et en soutenant tout ce processus de rencontres méditerranéennes. J'espère que sa présence ici à Marseille éveillera beaucoup de consciences.
La protection des chrétiens sur certaines rives méditerranéennes plus que d'autres et la liberté religieuse sont au cœur aussi de ces rencontres. Comment la préserver en Méditerranée?
Nous, catholiques, ne représentons qu’une petite partie de cette humanité de la Méditerranée. Plus tard, nous devrions lancer des appels pour des Rencontres méditerranéennes interreligieuses et œcuméniques, avec les musulmans et les orthodoxes. Il ne s’agit pas de défendre seulement les droits des catholiques ou des chrétiens, mais les droits de toute personne à la liberté de conscience, à la liberté religieuse. Lorsque les catholiques souffrent dans certains pays, les musulmans souffrent dans d'autres, et les juifs sont victimes de l'antisémitisme dans certains endroits. La liberté religieuse n'arrivera pas si les religions ne se mettent pas à travailler ensemble pour le bien commun.
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