Cameroun: un conservatoire pour promouvoir l’art et la culture
Entretien réalisé par Jacques Ngol, SJ – Cité du Vatican
La fondation de l’Académie Sainte Cécile est un chemin pour arriver au projet d’un conservatoire de Yaoundé, un institut d’art et musique qui permettra de promouvoir la culture. Dans un entretien avec Radio Vatican, l’abbé Vladimir Bidzanga explique la genèse de ce projet qui est le fruit d’une expérience personnelle.
Quelle est l’origine et l’objectif de ce projet du conservatoire?
Quand j'étais à Rome, j'ai travaillé au Vatican, à la Basilique Saint-Pierre et j'ai aussi fait le Conservatoire Sainte-Cécile de Rome. Et la passion est née, elle était déjà là depuis très longtemps, je chantais déjà au Grand Séminaire au Cameroun. De retour au Cameroun, j'organisais des concerts tous les temps, et c’est là que Mgr Jean Mbarga, archevêque de Yaoundé m'avait dit, «pourquoi ne pas faire ce que tu faisais en Occident ici, au Cameroun». J'ai choisi de mettre sur pied un institut, un conservatoire pour que les jeunes du Cameroun et de la Sous-Région atteignent le même niveau d'excellence qu'en Occident. Donc nous avons mis sur pied une académie qui forme déjà des jeunes, en attendant d'ouvrir le conservatoire, afin d'avoir chez nous le premier conservatoire d'Afrique centrale et permettre à ce que les jeunes de l'Afrique centrale aient les mêmes standards que ceux qui sont formés en Occident, sur le plan culturel.
Quels seront les différents domaines de formations qu’offrira ce conservatoire?
Le conservatoire est un institut universitaire qui forme des hauts cadres de la culture. Donc il peut y avoir un conservatoire de musique, un conservatoire de danse, etc. Et donc l’archevêque de Yaoundé a voulu créer un espace où on va faire des arts et des métiers. Ce ne sera pas seulement de la musique. C'est vrai que dans la musique, on a tous types, la musique religieuse, traditionnelle, le jazz, tout ce que vous pouvez imaginer, l'opéra, le lyrique. On a aussi les instruments, le piano, la guitare, et nos instruments traditionnels comme le balafon, le tambour, etc. Mais aussi à côté de cela, il veut créer tous les petits métiers qui permettraient à ce que l'architecture, la topographie ou le fashion design soient célébrés dans notre pays.
Pourquoi l’insitance sur la culture?
Quelqu'un dit en général que «la culture, c'est ce qui nous reste quand on a tout perdu». L'intérêt est de sortir les jeunes de l'oisiveté afin qu’ils se mettent au travail. Il y a des jeunes qui n'ont pas pu accéder à de très hautes sphères universitaires. C'est l'occasion de faire quelque chose de pratique qui va faire en sorte qu'ils puissent aller loin. Par exemple, dans les pays comme les États-Unis, si tu sais faire quelque chose, alors la société te célèbre. On est là dans «le fait», on a envie que les jeunes se mettent au travail, qu'ils fassent des choses et qu'ils fassent développer notre pays. Et pour que finalement même notre Église aussi se développe. Parce que si tout le monde travaille, alors on peut mieux croire et on peut mieux dire merci au Seigneur pour les dons qu'il met à notre disposition.
En quoi cela peut-il contribuer à lutter contre l’oisiveté ?
L'oisiveté n'est du fait qu'on n'ait rien à faire. Donc si on est occupé, finalement on se met à travailler, on gagne sa vie, on s'occupe de soi-même, on découvre un autre monde et puis il y a l'échange interculturel. Nous on organise des spectacles où les gens viennent d'Occident, on a fait un opéra l'année dernière,Don Giovanni, et l'orchestre du Colisée de Rome est venu au Cameroun à Yaoundé. Il y a trois semaines, il y avait le chœur de la cathédrale de Bâle en Suisse qui est venu à Yaoundé pour faire des concerts. Nous aussi on vient à Rome. On a déjà organisé en quelques mois six concerts et deux messes à la Basilique Saint-Pierre où on a animé la messe Papale. Donc ça occupe les jeunes, ça les met en évidence et surtout ça fait en sorte que chacun soit reconnu à sa juste valeur selon le talent que Dieu lui a donné. Donc nous souhaitons vraiment que tout cela permette aux jeunes de sortir des sentiers battus et de faire en sorte que le pays bouge à tous les niveaux, selon les possibilités et les talents de chacun.
Quel est l’apport des artistes occidentaux dans vos manifestations?
Le fait de faire venir les artistes occidentaux, c'est parce qu'ils ont la technique. Nous on veut la technique pour la jumeler dans notre tradition et faire une inculturation. Un peu comme l'aggiornamento qu'il y a eu au Vatican II. Donc c'est notre but particulier. Eux ils ont la matière, ils ont l'intelligence. Nous on a la nôtre mais il faut qu'on se mondialise. Donc on essaye de faire un brassage culturel pour permettre à ce que notre musique soit aussi jouée et célébrée ailleurs. C'est-à-dire, si on vient en Occident pour faire un concert, qu'on soit dans les mêmes standards. S’ils viennent chez nous, qu'on puisse aussi se rapporter à eux. Donc nous brassons ces cultures-là pour pouvoir nous mettre en marche vers la mondialisation et vers l'interculturalité.
Quels moyens disposez-vous pour réaliser ce projet?
Déjà l'académie fonctionne en fonds propres parce que c'est un projet tampon qui va nous amener vers le conservatoire. Le conservatoire est un projet diocésain, donc c'est l'archevêque de Yaoundé qui s'en occupe avec tout le diocèse. Nous appelons à la générosité de tous parce que pour mettre un conservatoire sur pied, il faut beaucoup de fonds. L'archevêque a déjà commencé à chercher des fonds. On attend d'en avoir un peu plus et nous savons qu'avec la grâce de Dieu nous allons réaliser notre projet.
Et que faites-vous pour mobiliser la jeunesse à s’intéresser à ce conservatoire?
Premièrement l'académie détecte des talents; donc nous invitons les jeunes, quel que soit le talent qu'ils ont, de venir s'inscrire. Nous voulons ensuite faire émerger ce talent et à le faire éclore afin qu'ils puissent être connus de tous. Deuxièmement, nous sommes aussi dans la production des talents, c'est-à-dire que lorsqu'il y a quelqu'un qui s'est fait former, nous le produisons pour qu'il soit connu sur la scène nationale et internationale. Et enfin, ça permettra à certaines personnes de vivre de leur art, de nourrir leur famille et même de devenir célèbres, d'écrire l'histoire. Nous proposons même pour terminer à certains jeunes d'écrire des livres, c'est-à-dire sur les expériences qu'ils ont vécues, sur ce qu'ils font. Et nous sommes aussi contents de voir que même dans le cursus universitaire académique, on est en train d'ouvrir des facultés de musique, de musicologie, d'art plastique et d'art contemporain un peu partout, à Yaoundé, à Douala, et je crois que le Cameroun commence à comprendre l'importance de l'art et de la culture. C'est ce qui prouve que les choses commencent à bouger et on a besoin d'être dans la continuité pour pouvoir atteindre nos objectifs.
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