La paix dans la région des Grands Lacs: espérer contre toute espérance

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

Du 16 au 18 octobre 2023, une délégation de 15 évêques des trois pays membres de l’ACEAC, accompagnés de secrétaires et d’autres techniciens, ont tenu une réunion de «concertation sur les voies alternatives de la paix dans la région des Grands Lacs». Cette rencontre, tenue à Rome, a été voulue comme un pèlerinage, au moment où se déroule le Synode sur la synodalité et à la fin de la visite ad limina des évêques de la RD Congo. Dans une déclaration finale intitulée «Elargissons nos tentes pour la paix», l’ACEAC a fait part de sa vision sur la région des Grands Lacs et a renouvelé son engagement et ses résolutions à contribuer à la pacification, tout en formulant des exhortations et recommandations pour trouver des voies de sorties à la crise sécuritaire que traversent les trois pays.

Les peuples des Grands Lacs veulent vivre dans la paix et la sécurité

En partageant leur vision, les membres de l’ACEAC ont souligné le climat d’instabilité sécuritaire dans laquelle vit la région des Grands Lacs depuis quelques décennies, marquée par des guerres multiformes qui continuent à causer des millions de morts, d'orphelins, de déplacés internes et de réfugiés. «Les motivations et les conséquences de ces guerres font aussi partie des causes qui trainent nos communautés dans la pauvreté», constatent-ils. Les évêques et délégués de l’ACEAC réaffirment leur conviction selon laquelle «les peuples du Burundi, de la RD Congo et du Rwanda veulent vivre ensemble en sécurité, en collaborant entre eux et avec les Gouvernants pour la fin des conflits entre Etats et entre Communautés». Ils les invitent à cheminer ensemble pour rénover la convivialité, le respect de la vie et la dignité de chacun. Les membres de l’épiscopat d’Afrique centrale prient pour «rendre effective la vision de l’ACEAC selon laquelle "les peuples des Grands Lacs, soulagés de leurs souffrances, assument leurs diversités, vivent en sécurité, collaborent entre eux et avec les autorités pour la bonne gouvernance, la dignité de chacun, la consolidation de la paix et le développement humain intégral"».

Trouver des voies alternatives pour la construction de la paix

L’épiscopat d’Afrique centrale renouvelle son «engagement à trouver des voies alternatives pour la construction de la paix, la résolution pacifique des conflits, l’unité dans la diversité des peuples». Il assure qu’il continuera à accompagner les peuples et les autorités publiques de la région dans la recherche des voies de sortie de la crise sécuritaire, spécialement aux zones-frontières des trois pays et dans la mise en œuvre des mécanismes de consolidation de la paix et des programmes de développement. Son engagement vise, en outre, «le renforcement de la conscience de notre destin originellement lié entre frères et sœurs de toute la région des Grands Lacs, voire de l’humanité entière». C’est ainsi qu’il souhaite redynamiser ses structures et commissions «pour accentuer la culture de la paix et l’éducation à la non-violence active afin de prévenir l’escalade des conflits, ou de les gérer par des approches positives de régulation des différends». La déclaration mentionne à cet effet quelques initiatives de l’ACEAC, qui engagent déjà les populations des trois pays à aller au-delà des frontières ethniques, idéologiques, générationnelles et territoriales. Ces actions sont, par exemple, le forum des jeunes, les Commerçantes Solidaires pour la Paix (COSOPAX), l’initiative de Wa Mama wa Mwangaza, etc.

L’abbé Jean Pierre Badidike, prêtre de Kisangani en RD Congo, secrétaire général de l’Association des Conférences Épiscopales d’Afrique Centrale (ACEAC)

L’Association des Conférences Épiscopales d’Afrique Centrale assure, par ailleurs, qu’elle continuera à collaborer avec toutes les institutions nationales, régionales et internationales «animées d’une volonté à sortir la région des Grands Lacs de la spirale de la violence qui endeuille au quotidien les populations et les astreint à la misère dans un environnement pourtant béni de Dieu par de nombreuses richesses».

Exhortations et recommandations

L’ACEAC a conclu sa déclaration en formulant quelques exhortations et recommandations. Conscients que la construction de la paix est une œuvre, non pas isolée, mais commune et collective, qui implique diverses couches de la société et des structures de divers ordres, les membres de cette structure régionale réitèrent leur gratitude, et ce dans un esprit de collaboration, à toutes les personnes qui, dans la communauté internationale, au sein des gouvernements, des institutions nationales et communautés de vie, «s’investissent sans relâche, parfois au prix de leur vie, à redonner l’espoir de justice et de paix à nos peuples». Ils exhortent tous ceux qui, de façon proche ou lointaine, continuent à semer la mort, la désolation, la division et d’autres maux dans la région des Grands Lacs, à «écouter l’appel de l’Eglise à la solidarité universelle, et à se laisser guider par la recherche du développement humain intégral». Puisque nous bénéficions tous de bonnes actions des générations qui nous ont précédés, attelons-nous, non pas à détruire nos semblables et la nature, mais «à planter d’autres arbres pour les générations futures».

Mettre fin aux souffrances des populations de l’Est de la RD Congo

Les membres de l’ACEAC lancent, par ailleurs, un appel aux autorités politiques de la Région, afin qu’elles fassent de leur mieux pour «mettre fin aux souffrances des populations de l’Est de la RD Congo», qui subissent un martyre depuis plus de trente ans. Ils les encouragent à jeter des passerelles de paix entre les Etats et les peuples en mettant sur pieds des conditions propices au vivre-ensemble. Ils recommandent aux peuples burundais, congolais et rwandais, et «particulièrement aux jeunes et aux femmes, de ne pas céder à la manipulation, au discours de haine et de division». Ils encouragent les organisations internationales et régionales comme la CIRGL, l’EAC, la SADC, l’Union Africaine, les Nations-Unies, «à considérer la situation sécuritaire actuelle comme une priorité, et à accompagner sagement les processus de paix en cours afin qu’ils aboutissent à la restauration d’une paix pérenne dans la Région».

A cette rencontre de l’ACEAC, ont participé des structures d’aide et d’entraide qui travaillent à la consolidation de la paix dans le monde, comme Catholic Relief Service (CRS), CAFOD, Pax Christi International, Catholic Peacebuilding Network  (CPN), une représentation de la Conférence épiscopale des Évêques catholiques des Etats-Unis d’Amérique, et la Coopération helvétique.