Migration: le père Schöpf juge nécessaire de passer du débat à la rencontre
Marie Duhamel et Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Il y a dix ans, le 3 octobre 2013, non loin des côtes de l’île italienne de Lampedusa, un bateau chavirait, provoquant la noyade de 368 personnes, essentiellement des femmes et des enfants venant d’Erythrée. Ce naufrage fut suivi d’un autre, le 11 octobre, coutant la vie à près de 300 personnes, dont de nombreux enfants. Suite à ces naufrages qui secouèrent l’Europe, l’opération Mare Nostrum fut lancée par les autorités italiennes, afin de venir en aide aux embarcations en perdition et repousser les passeurs. Elle prit fin dès 2014.
Plus de 22 000 morts en dix ans
La Méditerranée centrale n’a cessé depuis d’être le théâtre de drames de la migration. En dix ans, l’Organisation internationale pour les migrations, le Haut-Commissariat pour les réfugiés et l’agence onusienne dédiée aux enfants ont comptabilisé plus de 22 300 décès. En 2023, 135 270 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes mais au moins 2000 migrants auraient perdu la vie, dont 289 mineurs - soit onze enfants morts chaque semaine, précise l’Unicef. Ces trois agences étaient ce mardi sur l’île sicilienne de Lampedusa pour participer à des cérémonies, en ce jour dit en Italie «de la mémoire et de l’accueil», en présence de représentants de la société civile et des autorités locales, nationales et européennes. Une veillée de prière était également proposée à Rome par la communauté de San’t Egidio.
Il y a quelques jours depuis Marseille, le Pape François, se recueillant devant la stèle des marins et migrants morts en mer, lançait un vibrant appel pour que les personnes qui font la traversée soient secourues, «un devoir d’humanité et un devoir de civilisation» soulignait-il.
Une indifférence toujours actuelle
Si des mécanismes de solidarité vis-à-vis de l'Etat membre confronté à ces arrivées sont prévus, avec notamment des relocalisations de demandeurs d'asile, le texte prévoit également la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile: il prolonge la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE, jusqu'à 40 semaines, et permet des procédures d'examen des demandes d'asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Passer du débat à la rencontre
«En ce moment, on vit une période de panique, une panique politique qui met en exergue ce que les États ne sont plus en mesure de faire, au lieu de se demander ce qu’il est possible de mettre en place», le nouveau directeur international du Service Jésuite pour les Réfugiés (JRS) suggère de «passer du débat à la rencontre» pour un changement de paradigme.
La question migratoire est bien souvent trop politisée, surtout à l’approche d’échéances électorales. Il faut pourtant avoir le courage, comme le propose François, de rencontrer ces migrants pour mieux saisir les enjeux de la question, explique le père Michael Schöpf. La rencontre permet, affirme-t-il, d’«entrer dans une relation qui à le potentiel de nous changer». Une certitude qui s’est confirmée alors que de nombreux citoyens européens se sont mobilisés pour accueillir les réfugiés ukrainiens.
Le JRS a proposé de mettre en place «une vraie procédure européenne» qui serait suivie par le Bureau européen pour les demandes d'asile et qui inclurait le point de vue des réfugiés, mais «le manque de volonté politique est un des grands obstacles en ce moment».
Le nouveau directeur du JRS invite également à ne pas oublier les autres points de tension autour de la question migratoire. Les Jésuites sont ainsi engagés à long terme notamment auprès des enfants rohingyas, ou de ceux nés dans le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya. «Il y a des gens qui disent ça ne vaut pas la peine d’investir là-bas dans l’éducation parce que les personnes ne peuvent jamais profiter de ce qu'on leur enseigne. Évidemment, c'est un message de mort. Or dans ces situations-là, il faut porter un message de vie.»
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