Recherche

Cardinal Dieu Donné  Nzapalainga, archevêque de Bangui en République Centrafricaine Cardinal Dieu Donné Nzapalainga, archevêque de Bangui en République Centrafricaine 

Cardinal Nzapalainga: «Si les hommes vous ont oubliés, Dieu ne vous a pas oubliés!»

Le cardinal Dieudonné Nzapalainga parcourt son pays marqué par la guerre civile en pèlerin de paix. L'archevêque de Bangui voyage jusqu’aux «périphéries», à la rencontre «d’une population abandonnée» dont une partie de la jeunesse peine à lâcher les armes, afin de reprendre le chemin de l’école. Dans un entretien accordé à la Fondation Aide à l’Église en détresse, le prélat a évoqué la situation de son pays et la nécessité d'investir dans l’éducation des jeunes.

Vatican News

«Le gouvernement en place n’est plus menacé, la crainte d’un coup d’État qui existait en 2020 n’est plus d’actualité», a fait remarquer le cardinal centrafricain, qui estime que «la société Centraficaine porte des blessures terribles et a besoin de se reconstruire».

Une situation à guérir

«Je voyage dans tout le pays, jusque dans des lieux où l’on ne voit aucun fonctionnaire. Les voies de communication étaient mauvaises avant la guerre civile, à présent elles sont impraticables. Il y a des coupeurs de routes qui gênent beaucoup la circulation et qui peuvent être dangereux», déplore le cardinal Nzapalainga. Face à une telle situation, le prélat dit compter sur son véhicule qui, pour le moment, ne l’a pas lâché.

«Lors de mes voyages, je vois des populations abandonnées. Ces gens ont l’impression que personne ne se soucie d’eux. Ils meurent comme des bêtes sans même un dispensaire. Il faut leur rappeler qu’ils sont des enfants de Dieu. C’est pourquoi j’abandonne mon habit de cardinal, je me fais petit, je sillonne le pays et je leur dis: si les hommes vous ont oubliés, Dieu ne vous a pas oublié», a-t-il déclaré.

Un système éducatif délaissé

Évoquant la question de l’éducation, le cardinal centrafricain regrette qu’un grand nombre de jeunes ne puissent plus retrouver le chemin de l’école. «Nous possédons une telle jeunesse dans notre pays! Tant et tant de jeunes gens. Mais pendant les années d’instabilité depuis 2013, ils ne sont pas allés à l’école; et même à présent, la scolarité demeure très lacunaire».
Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que «les enseignants souvent ne veulent pas aller dans les régions éloignées parce qu’ils ont peur des rebelles».
Parlant de la situation salariale de ces enseignants, le cardinal a dénoncé le fait qu’ils sont mal payés. «Ceux qui sont vraiment payés, ce sont les militaires parce qu’ils ont des kalachnikovs et qu’il ne faut pas mécontenter celui qui en a. Les enseignants, eux, n’ont que des craies», a-t-il déploré.

«Pour les professeurs qui vivent loin des grandes villes, il faut faire de longs et périlleux voyages pour aller chercher sa paie, car il n’y a pas de banque. J’en connais qui dépensent les deux tiers de leur salaire pour le moto-taxi et le voyage leur prend jusqu’à deux semaines, si bien qu’ils ne donnent leur cours que pendant la moitié du mois. Et encore, ceux-là sont les titulaires qui reçoivent une paie de l’État. Leur nombre est très insuffisant», a déploré le cardinal Nzapalainga.

Pour pallier cette situation, l’on recrute des «maîtres parents» pour assurer les cours. Ces derniers ne gagnent que ce que les parents des élèves veulent bien leur donner. Et cela génère des traitements injustes entre les enfants, car les parents qui paient s’attendent à ce que leurs enfants reviennent avec de bonnes notes en échange.
Par ailleurs, l'archevêque de Bangui a relevé une autre faille du système éducatif centrafricain, qui est le manque d’infrastructures adéquates. «Nous manquons même de bâtiments», a-t-il fait observer. Il a indiqué que beaucoup d’écoles ont été brûlées faisant place à des cours dispensés sous les manguiers. «Ce ne sont pas des conditions normales pour apprendre», a-t-il ajouté.

L’action de l’Église

Face à une telle ampleur de ce contexte éducatif, «nous aidons avec nos moyens. L’un de mes prêtres donne des cours de très bon niveau gratuitement afin d’aider ceux qui veulent entrer au séminaire», a déclaré le cardinal. «L'éducation est d'une importance cruciale, car elle détermine en fin de compte la présence de séminaristes, de responsables de communautés et de cadres dans notre société … sans oublier les catéchistes», a-t-il précisé, soulignant leur importance pour maintenir la flamme de la foi dans les villages centrafricains. Aussi, pour le prlélat, la question de l’éducation des jeunes filles reste une préoccupation particulière, étant souvent victimes de viols par des jeunes armés. «Lors de mes sermons, j’ai pointé cette catastrophe et j’ai demandé s’il y avait des gens qui pourraient m’aider à extraire les jeunes filles de ces situations». Un appel qui a été entendu car, selon le cardinal Nzapalainga, «un donateur camerounais nous a aidé pour tout, les études, le logement. 30 jeunes filles ont été envoyées au Cameroun. Aucune ne nous a déçus. Nous avons des étudiantes en médecine, des ingénieures…Elles sont à la hauteur», a-t-il conclu sur une note de satisfaction.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

21 novembre 2023, 16:20