Au Soudan, la guerre n'arrête pas l'Église
Marco Guerra - Cité du Vatican
L'appel du Pape François à ne pas oublier le Soudan «qui souffre tant», prononcé mercredi 15 novembre, à la fin de l'audience générale, ravive l'attention sur ce pays africain, affligé par une guerre civile qui a commencé le 15 avril dernier et qui a fait jusqu'à présent plus de 9 000 victimes, environ 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays et plus d'un million de réfugiés ayant fui vers les États voisins comme le Tchad, l'Égypte, le Soudan du Sud, l'Éthiopie et la République centrafricaine.
Les parties en conflit
L'armée régulière soudanaise du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) dirigés par Mohammed Hamdan Dagalo, s'affrontent dans différentes régions du pays et dans la capitale, Khartoum. La situation s'aggrave de semaine en semaine et les affrontements sont particulièrement sanglants dans la région du Darfour, où les forces rebelles contrôlent de vastes zones.
ONU: une situation épouvantable
«Nous nous dirigeons vers le mal absolu», a expliqué la semaine dernière Clémentine Nkweta-Salami, coordinatrice de l'ONU pour les urgences humanitaires au Soudan, dans un rapport adressé au siège de l'ONU pour définir ce qui se passe dans le pays africain. L'intensification des affrontements entre l'armée et les groupes paramilitaires a abouti à une «situation épouvantable», en particulier au Darfour, a-t-elle déclaré. «Nous manquons de mots, vraiment, pour pouvoir décrire les horreurs», a souligné la représentante de l'ONU, parlant «d'atrocités, de viols, de disparitions, de graves violations des droits de l'homme et de l'enfant».
La déclaration témoigne d'une «escalade de la violence au Darfour sur une base ethnique», faisant écho aux propos du Haut-Commissaire pour les Réfugiés, Filippo Grandi, qui, dans une note, a parlé d'une «dynamique similaire» au génocide qui a eu lieu en 2000. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, a rapporté qu’au moins 800 personnes ont été tuées par des bandes armées au Darfour-Occidental ces derniers jours, tandis que quelque 8 000 autres ont fui vers le Tchad voisin.
Missionnaire Combonien: population fuyant les combats
Dans ce contexte, l'Église locale a été frappée par la violence et la destruction ; des bombes ont frappé des églises et des missions dans plusieurs villes, et une partie du clergé a été obligée de se déplacer. Il assiste maintenant les réfugiés et les personnes déplacées dans les lieux où ils ont fui, comme Port-Soudan. Vatican News a joint par téléphone un religieux combonien travaillant dans la région et qui, pour des raisons de sécurité, parle sous couvert d'anonymat.
«Il y a deux types de situations sur le terrain, les lieux où se déroulent les combats et ceux où fuient les personnes déplacées», précise d'emblée le prêtre combonien, expliquant que les affrontements armés se déroulent principalement dans la capitale Khartoum, dans la région environnante et dans la région occidentale du Darfour, et en particulier dans la ville d'Al-Fashir, parce que presque toutes les autres localités principales du Darfour ont été conquises par les Forces de Soutien Rapide (FSR).
L'ecclésiastique parle également d'affrontements dans le sud, dans la ville d'El-Odeid, où se trouve une communauté de comboniens. «Le centre urbain est contrôlé par les forces gouvernementales et à la périphérie, des rebelles tentent de prendre le contrôle de la ville», précise le missionnaire.
Les déplacés aggravent l'urgence humanitaire
Il s'attarde ensuite sur les «zones qui ne sont pas le théâtre d'affrontements mais qui subissent des déplacements, sans avoir la capacité de les gérer», en se référant aux villes de Port-Soudan sur la Mer Rouge, et de Madani au sud de la capitale. «Dans ces villes, les conditions sanitaires sont très difficiles», ajoute le combonien, expliquant que cela est dû au fait que «les hôpitaux gouvernementaux fonctionnent au minimum, le personnel médical n'étant pas payé régulièrement et les fournitures n'étant pas suffisantes pour soigner les patients». Selon le religieux combonien, les services essentiels sont menacés dans tout le pays à cause des combats, mais l'urgence humanitaire est également présente là où il n'y a pas de combats, car de nombreuses familles accueillent des parents qui ont fui les zones de guerre et la population a pratiquement doublé dans ces endroits. «Il y a ceux qui ont de la famille dans des zones sûres leur demandent un abri» et «d'autres qui n'en ont pas occupent des écoles ou des installations publiques, si bien que même dans de nombreuses régions où la guerre n'a pas éclaté, l'année scolaire n'a pas pu commencer à cause des personnes déplacées», poursuit-il.
L'activité de l'Église au milieu des complications de toutes sortes
Le prêtre confirme la présence et l'activité de l'Église malgré la guerre. «À Khartoum, il y a une paroisse qui continue à assurer le service à Omdurman, avec des messes, des mariages, des cours de catéchèse.
Aussi à la capitale il y a une maison salésienne qui a été bombardée il y a quinze jours, mais les missionnaires continuent à porter assistance à plus d'une centaine de personnes qui se sont réfugiées dans la cour de la structure», fait-il remarquer.
«Nous comboniens», ajoute le religieux, «nous avons des communautés dans les lieux où arrivent des milliers de personnes, comme Port-Soudan et Kosti, cette localité étant située dans le sud du pays constitue un carrefour pour les réfugiés qui tentent de rejoindre le Soudan du Sud».
Le missionnaire explique également que les activités pastorales continuent quand il n'y a pas d'affrontements, tandis que des cours en ligne ont été lancés pour les étudiants de l'Université combonienne de Khartoum. «Maintenant que nos étudiants et nos professeurs se trouvent dans des camps de réfugiés ou dispersés hors du Soudan, nous essayons de donner un peu d'espoir avec ces cours en ligne».
Enfin, revenant à l’appel du Pape à ne pas oublier le conflit soudanais, le religieux combonien regrette que depuis l’éclatement de la guerre au Moyen-Orient, «les médias internationaux ne parlent plus du Soudan, mais la guerre continue de tuer et le voile de silence qui s'est abattu sur ce pays ne fait que perpétuer la dynamique destructrice en cours».
«N'oublions pas le Soudan et frappons à la porte de ceux qui détiennent les clés de ce conflit » a-t-il conclu.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici