À Gaza, «l’injustice fait plus mal que la guerre»
Federico Piana - Cité du Vatican
De l'enfer de la bande de Gaza, déchirée par la guerre depuis plus de deux mois, la voix de Sœur Nabila Saleh est faible et pleine de douleur. La religieuse de la Congrégation du Rosaire de Jérusalem se trouve à l'intérieur de l’église de la Sainte-Famille, la seule paroisse latine de la ville palestinienne qui accueille une grande partie de la communauté chrétienne du territoire palestinien, soit quelques 400 personnes qui ont décidé de s'y réfugier pour tenter de sauver leur vie.
Sœur Saleh a le cœur brisé parce qu'elle garde imprimé dans sa rétine les visages des deux femmes tuées samedi par les militaires, lors d'une attaque que personne n'avait envisagée possible dans la paroisse. Les chars sont désormais aux portes de l'église et, tout autour d’eux, des tirs se font entendre. Il est difficile de sortir même pour chercher de la nourriture, rapporte la religieuse, une nourriture qui n'est plus «qu'un mirage dans l'édifice».
Abattue sans raison
La religieuse était présente lorsque les deux paroissiennes ont été assassinées samedi dernier. La mère était sortie pour aller aux toilettes, à l'extérieur de l'établissement hébergeant les réfugiés. «Elle a été abattue par des tireurs d'élite postés dans les maisons derrière nous. Dès que la fille a vu sa mère tomber, elle s'est approchée d'elle pour l'aider, mais elle a été abattue d'une balle dans la tête». Sœur Nabila ajoute un détail terrible: «à ce moment-là, il nous était difficile de sortir et c'est avec difficulté que nous avons récupéré un cadavre, tandis que nous avons dû attendre longtemps pour récupérer l'autre».
La peur de nouvelles attaques
Dans le quartier, explique Sœur Nabila, l'ordre a été donné de ne pas sortir après 16 heures. «Ici, dit-elle, des tireurs d'élite sont postés partout. Nous vivons dans une tension extrême: il n'y a pas d'électricité, pas d'eau potable. Cependant, nous remercions Dieu de ne pas avoir eu à déplorer d'autres morts pour l'instant et nous prions pour que cette guerre prenne fin rapidement». La religieuse et la communauté dont elle s'occupe avec d'autres sœurs et le vicaire de la paroisse, le père Yusuf, ne s'attendaient pas à une telle escalade. «Non, répète-t-elle trois fois, depuis le début de la guerre, les autorités ont été averties que la quasi-totalité de la communauté chrétienne est présente dans la paroisse. Il n'y a pas d'armes et pas de musulmans ici». Aujourd'hui, ajoute-t-elle, au cœur du drame en cours, «nous avons une nouvelle urgence. Il y a parmi nous sept blessés que nous ne savons pas comment soigner. Le père Yusuf a demandé l'aide de la Croix-Rouge, mais nous ne savons pas si et quand elle pourra arriver».
Noël, malgré tout
Parmi les réfugiés de la Sainte-Famille, il y a aussi de nombreux enfants, souvent handicapés et malades. Ils ont tous envie de préparer Noël, assure sœur Nabila. Evidemment, cette année, il ne sera pas possible de le faire aussi bien que les autres années. «La naissance de Jésus suscite toujours de la joie dans nos cœurs mais, malgré tout, nous essaierons de nous y préparer du mieux que nous pourrons. Par exemple, quand il y a un peu de calme, nous allons à l'église et nous prions le rosaire, mais c'est très difficile».
Appel à la communauté internationale
À la fin de la conversation, le ton de la voix de sœur Nabila devient plus fort et plus déterminé que jamais lorsqu'elle demande à la communauté internationale d'ouvrir les yeux «pour qu'elle puisse voir la destruction et la mort d'enfants et d'innocents. Les puissants de ce monde ne parlent pas de justice: cela fait mal, plus que la guerre».
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