La dévotion à l'Enfant Jésus et la grâce de l'innocence
Delphine Allaire - Cité du Vatican
Cette spiritualité est le don en particulier des carmélites qui modèlent leur vie intérieure sur le Divin Enfant dans la simplicité et l’humilité envers Dieu. Une piété mise à l’honneur au sanctuaire de Beaune en France, où il est nommé «Petit Roi de Grâce». L'Enfant-Jésus de Beaune est même lié à la Couronne de France, quand la carmélite mystique Marguerite du Saint-Sacrement prédit en 1637 la naissance du futur Louis XIV alors qu’Anne d’Autriche désespère d’offrir un héritier. L'Enfant-Jésus resplendit aussi à Prague, à Rome ou encore dans l'Espagne du Siècle d'or.
Sœur Huberta, religieuse polonaise, carmélite de l’Enfant Jésus, œuvre au sanctuaire de Beaune en pays bourguignon. Elle détaille le rayonnement et le sens spirituel de cette dévotion à l’Enfant-Jésus dont le monde s'apprête à célébrer la naissance.
Quelles sont les origines de la dévotion à l'enfant Jésus?
Le culte de l'Enfant Jésus nous vient du carmel de sainte Thérèse d'Avila en Espagne. Cette sainte a découvert l'humanité du Christ à son époque. Tout ce qu'elle avait traduit dans ses écrits était de mettre Jésus homme au cœur de la vie des sœurs. Même les constructions des chapelles du Carmel ont au centre Jésus. Sainte Thérèse de Jésus apportait toujours une statue de l'Enfant-Jésus lorsqu’elle fondait les différents couvents. Il y a des statues de différents types et tailles dans les carmels, comme par exemple la statue de l'Enfant-Jésus de Beaune, l’une des statues miraculeuses très connues dans le monde. Les deux autres sont la statue de l'Enfant-Jésus de Prague et la statue de l'Enfant-Jésus de Rome, à la basilique Santa Maria in Aracoeli.
Comment ce culte s'est-il ensuite répandu et s'est-il fondu dans une forme de piété populaire?
Je pense que l’on peut remonter jusqu'à la crèche. Les premiers éclairés par l'Enfant-Jésus, par la lumière de Dieu, étaient les bergers; des gens extrêmement simples qui avaient le cœur ouvert pour recevoir la lumière de Dieu. Eux-mêmes avertis par les anges, ils ont annoncé la Bonne Nouvelle. Approcher l'enfant Jésus signifie s'approcher de la vie et de la joie de voir un enfant. Dans les différentes crèches des églises ou des maisons, le saint enfant Jésus est entouré par les différents personnages pauvres, riches, simples, des enfants. Concernant le carmel de Beaune, c’est en 1643 que Gaston de Renty, l’un des personnages qui a découvert l'humanité du Christ et faisait partie de l'École française de spiritualité -mouvement issu de la Contre-Réforme-, a offert une statue de l'Enfant-Jésus à Marguerite du Saint-Sacrement. Cette statue se trouve au sanctuaire de l'Enfant-Jésus de Beaune.
Pourquoi comme Thérèse d'Avila ou Marguerite du Saint-Sacrement est-on attiré en particulier spirituellement par l'Enfant Jésus?
Le fait qu'il s'est fait enfant, que le Verbe fait chair vient habiter parmi nous, nous attire par une action divine mystérieuse. L'homme a besoin de Dieu. Marguerite du Saint-Sacrement, elle, avait des grâces extraordinaires. Elle disposait d’un contact avec l'Enfant Jésus qui lui parlait, qui lui expliquait des choses. Marguerite l’a transmis à ses sœurs. C’est ainsi qu’elle a fondé la famille de l'enfant Jésus dans la communauté de Beaune où elle vivait.
Quels sont les mystères de l'enfance divine du Christ et pourquoi les méditer?
Marguerite du Saint-Sacrement vivait en contemplation des mystères de l'Enfant-Jésus. Elle a composé une prière intitulée «La Petite Couronne» sous forme de méditation des douze mystères de l'enfance de Jésus. Parmi les douze, il y a l'incarnation de Notre-Seigneur, ensuite le deuxième, le séjour dans le sein de sa sainte Mère; troisième mystère, la naissance; quatrième, la demeure dans l'étable; cinquième, la circoncision; sixième, l'Épiphanie; septième, la Présentation au temple; huitième, la fuite en Égypte; neuvième, son retour d'Égypte; dixième, sa vie cachée à Nazareth; onzième, ses voyages avec sa sainte Mère et saint Joseph, et le douzième, son séjour au temple au milieu du désert.
Ce sont les mystères détaillés qu'on retrouve évidemment dans l'Évangile, et que la vie de l'Enfant Jésus a dès ses premiers instants, dès son incarnation dans le sein de Marie. Ils nous aident à méditer sa vie, à s'approcher de lui et à les vivre au quotidien. Par exemple, dans l’un des mystères de l'enfant Jésus, l’on trouve «vivre dans le bonheur que nous sommes aimés de la Sainte Famille»; ou bien cet enfant Jésus voyageant avec ses parents, nous disons qu'il sanctifie tous nos pas. En allant à la messe ou en accomplissant nos simples devoirs, nous pouvons offrir nos pas au Seigneur. Méditer ces mystères, c'est approfondir ce que Jésus a vécu lui-même sur la terre.
Que nous dit le divin enfant de la royauté du Christ?
Il nous montre que Dieu le Père a voulu donner son Fils enfant pour qu’en lui aussi, nous puissions devenir des fils de Dieu. Jésus enfant est aussi appelé par ses différents titres Enfant-Jésus Roi. Justement le XVIIe siècle était un temps où la dévotion au Sacré-Cœur et la dévotion à l'Enfant Jésus se sont répandues. Jésus règne dans notre cœur d’une manière forte et puissante. Évidemment, le style de la royauté du Christ passe par l'humilité, par l'obéissance, par la simplicité, par la pauvreté, par l’innocence, par la confiance et l’espérance. Ce sont les principales vertus de l'Enfant Jésus. Jésus est doux et humble de cœur, et de cette manière-là nous devons nous aussi nous mettre, en tant qu’enfants de Dieu, au service les uns des autres. C'est Lui en tant que Roi qui nous a montré comment faire.
Comment atteindre, préserver, cultiver, l'esprit d'enfance dans la foi?
Notre naissance à l'enfance divine nous vient par la foi, par un acte de foi que nous pouvons poser. Même si nous traversons des nuits, nous pouvons reconnaître la lumière de Bethléem par cette grâce qui nous est donnée de Dieu et qui l'emporte sur les ténèbres. Nous sommes des enfants de lumière, les bergers, les premiers convives autour du nouveau nés sont des hommes simples et tenus à l'écart. Tout le contraire d'une élite et personne ne songe à vérifier s'ils sont en état de grâce. Venez comme vous êtes, c'est pour nous sauver que Dieu envoie son propre fils, dit père Philippe Lefebvre dans le Magnificat. S'il fallait être digne du salut pour en bénéficier, qui serait concerné? Il nous invite ensuite à oublier que nous avons oublié les bonnes résolutions de l'Avent, puisque tout est dans la lumière de Dieu qui vient visiter en douceur les cœurs disponibles. Nous sommes tous attendus à la crèche pour nous réjouir et nous émerveiller.
L'Enfant Jésus de Prague porte un globe dans sa main. Dans notre monde meurtri par les guerres, crises et violences, la dévotion à l'Enfant Jésus dans toute son innocence et sa pureté est-elle une bonne réponse spirituelle?
Nous expérimentons tous que l'attitude de violence des guerres, qui apporte en fait la mort, ne s'accorde pas avec l'enfant qui est pureté et innocence. Les anges annoncent aux bergers que l'enfant Jésus sera un signe de la présence de Dieu pour eux. Nous avons la chance de vivre ce temps de Noël pour nous apprendre à être simples et petits devant Dieu, pour s'accueillir mutuellement et cesser la violence. Car chaque être humain a sa dignité d'enfant. Et sur l'enfant, on ne lève pas la main, on ne lui fait pas mal car il est innocent.
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