Des dominicaines belges fusionnent avec leurs sœurs d'Afrique
Jean-Benoît Harel - Cité du Vatican
«Nous les appelons mamans ou grands-mères», sourit sœur Clémence Atangayo, à propos des dominicaines missionnaires de Namur. Depuis la maison-mère à Kigali, la prieure générale des sœurs dominicaines missionnaires d'Afrique se réjouit de la fusion de sa communauté avec les sœurs de Namur, qu’elle perçoit comme l’achèvement d’une collaboration commune.
En 1983, différentes congrégations dominicaines européennes œuvrent en Afrique, notamment au Rwanda et au Burundi. Cette «famille dominicaine» décide de fonder une congrégation pour l’Afrique, selon la règle de saint Dominique qui s’attache à la prédication sous toutes ses formes. C’est l’acte de naissance des dominicaines missionnaires d'Afrique. «Pour accompagner la fondation de cette nouvelle communauté, les sœurs de Namur sont désignées comme fondatrice», explique sœur Clémence. Avec comme programme, des études pour l’apostolat missionnaire dans les écoles, les hôpitaux, les œuvres sociales.
Une transmission progressive des missions
Les sœurs belges forment les jeunes sœurs africaines, structurent la communauté et les accompagnent jusqu’en 2005. Ensuite, les liens entre les deux congrégations restent forts: «Dans les missions, au Rwanda, en RDC… Nous étions toujours ensemble pour travailler ensemble. Puis, elles étaient trop fatigués et sont retournées à Namur», raconte l’actuelle prieure générale. Petit à petit, les sœurs africaines investissent les différentes missions de leurs ainées belges comme le raconte sœur Clémence. «En 2010, nous nous sommes installées en République centrafricaine avec pour mission de s’occuper des écoles, d’évangéliser les pygmées et de s’occuper d’un foyer de filles. Mais désormais, nous avons aussi un externat pour filles, donc nous avons intensifié cette mission».
Au-delà des missions pastorales, les deux congrégations s’entraident. En Belgique, les sœurs africaines viennent pour étudier ou se faire soigner, mais également pour aider les sœurs les plus âgées de la communauté belge. En Afrique, les sœurs dominicaines de Namur qui le peuvent poursuivent leur mission de formation.
Une fusion demandée par les sœurs de Namur
Mais, en 2018, les dominicaines de Namur appellent à l’aide, le nombre de sœurs ne cessant de diminuer. Pour répondre à cette demande, «nos sœurs sont allées en Belgique pour les aider à vivre, pour les soutenir parce qu'elles n'avaient plus beaucoup de force» explique sœur Clémence Atangayo, d’origine congolaise. Puis vient la demande de fusion de la part de la communauté de Namur.
Une surprise pour les religieuses africaines qui s’attendaient plutôt à rejoindre la congrégation belge, fondée à la suite de saint Dominique au XIIIe siècle. «Quand nous avons reçu la demande de nos sœurs, pour nous, ça a été d'abord étonnant. Nous disions: ''c'est vous les formatrices et vous acceptez de venir chez nous que vous avez formé''. Petit à petit, nous y avons réfléchi» témoigne la prieure générale. Les liens tissés depuis 1983 et le même charisme dominicain des deux congrégations ont permis de faciliter la fusion entre les deux communautés.
Pour les sœurs belges, après avoir transmis leur expérience et leur mission, se fondre dans la congrégation des Dominicaines Missionnaires d’Afrique relève d’une poursuite de cette transmission. Comme si la congrégation-mère venait mourir dans les bras de sa fille. «Elles sont devenues comme nos mamans parce que nous avons été formées comme leurs petites filles» raconte la prieure générale de la communauté africaine.
Après divers tracassements administratifs et canoniques, la fusion se tient le 6 août 2023, jour de la fête de la Transfiguration. «Comme par hasard» soulignent malicieusement les dominicaines de Belgique. Par un vœu d’obéissance prononcée devant sœur Clémence Atangayo, les sept sœurs belges, âgées entre 87 et 95 ans, rejoignent les 50 sœurs Dominicaines missionnaires d’Afrique, leurs six novices et trois postulantes. «C’est un vrai bain de jouvence» se réjouissent alors les ex-soeurs Domicaines missionnaires de Namur.
Désormais, la maison belge dans le quartier de Salzines accueille deux sœurs belges et trois sœurs rwandaises, chargées de veiller sur les sœurs belges les plus malades dans une maison de repos. Sœur Marie-Pascale, ancienne prieure générale est partie pour le Rwanda, comme promotrice de formation à Kigali.
Une ouverture au monde entier
Présente au Rwanda, en RDC et en République centrafricaine, les dominicaines missionnaires d’Afrique fêtent cette année les 40 ans de leur congrégation et poursuivent leur travail d’évangélisation, avec un nouvel élan missionnaire. «Cette fusion, nous a donné un esprit d'ouverture. Notre mission s’est élargie, elle n'est plus seulement pour l'Afrique, mais pour le monde entier. Cette fusion a réveillé en nous l'esprit missionnaire».
La question de la transmission pour les communautés sur le déclin reste un sujet très brûlant pour les congrégations européennes. «Beaucoup de congrégations en France ont la majorité de leur membres au Sud», constate sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). De nombreuses questions se posent pour ces congrégations en bout de souffle: «Comment penser la fin institutionnelle de son institut? Que veux dire l’accomplissement?»
La communauté de sœur Clémence Atangayo donne un exemple de cet accomplissement. Avec l’expérience d’une fusion réussie, elle encourage les communautés qui se questionnent sur leur avenir: «Je veux dire aux autres congrégations qui hésitent, que tout est possible avec Dieu. Il faut avoir le courage de faire un pas, d'oser, de risquer, pour que l'Église aussi grandisse».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici