L’Église catholique de Belgique invite les victimes d’abus à se faire connaitre
Jean Charles Putzolu – Cité du Vatican
Émoi en Belgique après la diffusion par la télévision flamande en octobre, puis la télévision francophone le 29 novembre, de “Godvergeten” ("Les oubliés de Dieu"). Ce documentaire en quatre épisodes donne la parole à une vingtaine de survivants qui ont été abusés dans leur enfance par un prêtre ou une personne en lien avec l'Église, en particulier en Flandre. Suite à la première diffusion du documentaire en néerlandais, le Parlement belge a mis en place une commission spéciale sur les abus chargée de rendre un rapport fin mars 2024.
Cependant, depuis plus de deux décennies, l’Église catholique en Belgique est en première ligne dans la lutte contre les abus. Contacté, le père Tommy Scholtès, porte-parole francophone des évêques belges, rappelle que dès le début, «on a voulu aller d'emblée au-delà des questions juridiques et assumer des questions qui étaient finalement de la responsabilité morale de l'Église». De fait, dans sa démarche, l’Église belge n’a pas pris en compte les délais de prescription, faisant ainsi le choix de recevoir et d’écouter toutes les victimes. «Beaucoup de personnes arrivaient en déclarant des abus subis mais dont les faits étaient juridiquement prescrits, les parquets judiciaires s'étant prononcés», explique le prêtre jésuite. «Nous avons mis en place, avec l'accord du Parlement belge, un tribunal d'arbitrage, et des points de contact où les personnes pouvaient se manifester. Une fois les choses déclarées prescrites, il y avait un temps d'écoute et une forme de compensation financière», poursuit Tommy Scholtès.
De nombreuses victimes toujours enfermées dans le silence
À ce jour, environ 1400 victimes se sont manifestées, mais le documentaire met en lumière le fait que nombreuses sont celles qui ne sont toujours pas parvenues à rompre le silence. L’épiscopat belge réaffirme sa disponibilité vis-à-vis des victimes. Une position adoptées dès le début de la lutte contre les violences sexuelles: «Nous avons voulu, comme épiscopat, encourager le signalement des personnes qui souhaitaient se faire connaître comme des personnes ayant été abusées par un membre du clergé ou par un homme ou une femme d'église» précise le père Scholtès. «On se rend compte que beaucoup de personnes ont vécu des choses extrêmement graves et que toutes ces personnes ne se sont toujours pas manifestées. Et donc, si elles ne se sont pas encore manifestées, il faut qu'elles le fassent et que l'Église puisse les recevoir, les rencontrer et éventuellement envisager d'une manière ou d'une autre une réparation».
Assumer la responsabilité morale de l’Église
La conférence épiscopale souhaite évidemment clore ce dramatique dossier, sans urgence cependant, car «ce n'est pas en déclarant que le dossier est clos que l'on vit la réalité. On va attendre que les personnes soient accompagnées», tient a souligner le père Tommy Scholtès. «Quand quelqu'un vit une grosse épreuve, ce n'est pas à quelqu'un d'autre de dire "maintenant c'est terminé". C'est la personne elle-même qui peut dire "je vais mieux" ou "je suis guéri", mais nous n’en sommes pas encore là. Je pense qu'aujourd'hui nous sommes dans un accompagnement qui est de long terme, qui n'est pas non plus réglable par une quelconque forme de transaction, car les personnes sont en fait beaucoup plus blessées que ce que l'on croit».
Le porte-parole estime que l’Église doit continuer d’assumer ses responsabilités, et d'être «partenaire d'un processus de guérison qui sera lent». Un autre travail qui reste à faire vis-à-vis cette fois de ceux au sein du clergé qui «n'ayant pas fait l'expérience personnelle, n’ayant pas entendu des victimes, ne se rendent pas compte de l'état de la gravité de la situation, des dommages corporels, psychiques, spirituels». Cependant, au niveau de la Conférence épiscopale, «il y a unanimité pour avancer et pour prendre toutes les dispositions qu'il faut pour que l'Église de Belgique assume véritablement sa responsabilité morale».
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