Fiducia supplicans: des évêques d’Afrique donnent des orientations
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Publiée par le dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF) le 18 décembre, la déclaration intitulée "Fiducia supplicans" continue de faire couler beaucoup d’encre sur le continent africain, où son accueil a été plutôt mitigé. Les chrétiens continuent à réagir et à demander des clarifications. Des prêtres, religieuses, religieux, théologiens et d’autres personnes tentent tant bien que mal de fournir des explications, mais beaucoup de fidèles, hommes et femmes d’Église ne semblent pas satisfaits. Certains se disent surpris, perdus, perplexes, d'autres se sont dits choqués et confus au sujet des propos exprimés dans ce texte.
Bien que le document affirme que dans l’Eglise catholique le mariage reste «une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants» et que «la doctrine de l'Église sur ce point reste ferme», ce que les fidèles ont du mal à accepter est la possibilité concédée de bénir les couples de même sexe.
«Dans l'horizon ainsi tracé, il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage», a écrit le dicastère pour la Doctrine de la Foi.
C'est dans ce contexte que beaucoup d'évêques africains se sont exprimés. Les réactions de certains épiscopats du continent laissent ouverte la question sur l'application du document doctrinal dans le contexte africain.
Être clair, pour éviter la confusion
Face à de nombreuses inquiétudes exprimées par leurs fidèles, les évêques de certains pays africains se sont exprimés, à la fois pour clarifier des interprétations erronées de "Fiducia supplicans" et donner des directives à suivre.
«Pour des raisons pastorales, les bénédictions de toute nature et les unions entre personnes de même sexe de toute nature ne sont pas autorisées au Malawi», ont écrit les évêques de ce pays d’Afrique australe. Leurs confrères du pays voisin, la Zambie, interdisent la mise en pratique de cette bénédiction, en évoquant trois raisons: éviter la confusion et l’ambiguïté pastorales, le respect des lois du pays et l’héritage culturel. C’est en ces termes que la Conférence des évêques catholiques de la Zambie s’est exprimée: «afin d'éviter toute confusion et ambiguïté pastorales, de ne pas enfreindre la loi de notre pays qui interdit les unions et activités entre personnes de même sexe», et «tout en tenant compte de notre héritage culturel qui n'accepte pas les relations entre personnes de même sexe», la Conférence juge que la déclaration, «concernant la bénédiction des couples de même sexe est pour une réflexion plus approfondie et non pour une mise en œuvre en Zambie».
Le 21 décembre 2023, les évêques du Cameroun se sont exprimés, «face à la vague d’indignation, d’interrogation et d’inquiétude que suscite au sein du peuple de Dieu la Déclaration "Fiducia supplicans" sur la bénédiction des couples de même sexe». Dans une déclaration signée par Mgr Andrew Nkeya, archevêque de Bamenda et président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, les prélats interdisent «formellement toutes les bénédictions des "couples homosexuels" dans l’Eglise du Cameroun».
Les évêques du Togo ont indiqué suivre de près les interrogations, inquiétudes et remous provoqués par la déclaration du DDF. Dans leur mise au point, «en ce qui concerne la bénédiction des couples homosexuels, les évêques du Togo recommandent aux prêtres de s’en abstenir»
L’enseignement de l’Église sur le mariage n’a pas changé
Pour leur part, les évêques du Nigeria ont tout d’abord expliqué le contenu du document, qui porte sur les différentes formes de bénédiction, «qui peut être étendue à tous les enfants de Dieu, quelque soit leur condition morale, lorsqu’ils le demandent». «Demander la bénédiction de Dieu ne dépend pas de la qualité de l'individu. L’imperfection est la raison pour laquelle nous recherchons la grâce de Dieu», ont-ils expliqué. En conclusion, les prélats nigérians «assurent à tout le Peuple de Dieu que l’enseignement de l’Église catholique sur le mariage reste le même. Il n’y a donc aucune possibilité dans l’Église de bénir les unions et activités homosexuelles. Cela irait à l’encontre de la loi de Dieu, de l’enseignement de l’Église, des lois de notre nation et des sensibilités culturelles de notre peuple».
Après avoir expliqué le contenu du document du DDF, les évêques du Ghana ont conclu que «les prêtres ne peuvent pas bénir les unions ou les mariages entre personnes de même sexe».
La déclaration Fiducia supplicans «n'approuve pas le "mariage entre les personnes de même sexe" et ne veut pas donner une certaine reconnaissance à une telle union. Elle ne cherche pas non plus à donner une alternative de "bénédiction des unions" pour remplacer le mariage sacramentel», écrivent les évêques du Kenya. Dans notre contexte, précisent-ils, «la situation sociale du mariage homosexuel n'est pas acceptée dans notre culture». En bénissant une personne, on ne bénit pas les actes immoraux qu’elle peut poser, mais on espère que les prières offertes pour lui peuvent le ramener sur le chemin de conversion, expliquent-ils, appelant les peuples à fixer le regard sur le Christ, qui va bientôt naître à Bethlehem.
Dans sa déclaration du 21 décembre, la Conférence des évêques catholiques d’Afrique du Sud (SACBC) déplore tout d’abord les spéculations autour de Fiducia Supplicans, certaines avançant que l’Eglise a entamé un processus visant à permettre le mariage entre les personnes même sexe. Se basant sur le document du DDF, ils soulignent que «le mariage reste exclusivement entre un homme et une femme». La SACBC recommande de prendre les suggestions de ce texte avec prudence, en attendant ses prochaines recommandations.
Solliciter l’autorisation de l’évêque pour éviter le scandale et la confusion
S’exprimant à ce sujet, l’évêque de Matadi, en République Démocratique du Congo, a commencé par rappeler le premier paragraphe du canon 1055 pour souligner que «l’Église n'a pas changé de doctrine sur le mariage. Le mariage entre un homme et une femme, ordonné au bien des époux et à la procréation et à l'éducation des enfants, reste la seule union sacramentelle (cf. can. 1055 s1) dans l'Église». S’exprimant au sujet des bénédictions spontanées qui peuvent entre imparties aux «couples qui ne vivent pas selon les normes de ta doctrine morale chrétienne ou des couples de même sexe», Mgr André-Giraud Pindi Mwanza souligne que «cette bénédiction n'est pas une reconnaissance de leur union par l'Egtise».
Dans le contexte de Matadi, et pour éviter des abus dans la célébration des sacrements et des sacramentaux, «j'exige que le prêtre qui sera confronté à ta demande de bénédiction d'un couple de même sexe sollicite d'abord l'autorisation de l'évêque diocésain. J'exhorte les prêtres de ne pas conférer spontanément une telle bénédiction pour éviter, auprès du peuple de Dieu, "toute forme de confusion et de scandale"».
Dans l’archidiocèse d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, le cardinal Jean Pierre Kutwã demande d’être «patient», en recommandant «d'attendre» et de se «conformer» à ses dispositions.
Préparer une déclaration commune du SCEAM
Dans une lettre signée le 20 décembre, le cardinal Fridolin Ambongo, président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) demande aux présidents des Conférences épiscopales de lui faire parvenir leurs avis, afin de «rédiger une seule déclaration synodale, valable pour toute l’Eglise d’Afrique». «L’ambiguïté de cette déclaration, qui se prête à des nombreuses interprétations et manipulations, suscite beaucoup de perplexité parmi les fidèles», écrit-il. Le président du SCEAM souligne ainsi la nécessité pour l’épiscopat africain de s’exprimer clairement afin de donner une orientation claire aux fidèles. Les avis doivent parvenir au Secrétariat du SCEAM avant la deuxième quinzaine de janvier 2024.
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