En RDC, la pastorale des Bilenge ya Mwinda célèbre 50 ans d’existence
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Structure d’encadrement et d’initiation chrétienne des jeunes, la pastorale des Bilenge ya Mwinda –Jeunes de Lumière– offre à la jeunesse une formation intégrale, humaine et chrétienne, inspirée des valeurs des cultures négro-africaines. Née en République démocratique du Congo (RDC) dans la mouvance de la théologie de l’inculturation, et répandue ensuite dans d’autres pays africains, cette pastorale auprès des jeunes est communément appelée Bilenge ya Mwinda (BYM). Fondée dans les années 1970 par Mgr Ignace Matondo Kwa Nzambi, elle fut officiellement reconnue en 1974 par le cardinal Joseph-Albert Malula, alors archevêque de Kinshasa. En cette année 2024, elle célèbre ses 50 ans d’existence, a fait savoir l’abbé Pérenne Musimu, prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa et initiateur diocésain de ce siège métropolitain qui couvre la capitale congolaise et ses environs.
Une initiation qui se distingue d’autres mouvements des jeunes
L’initiation Bilenge ya Mwinda est «une pastorale spécialisée pour l’évangélisation en profondeur des jeunes», a précisé l’abbé Musimu. Elle a été voulue par les évêques congolais, comme une formule négro-africaine d’encadrement des jeunes ou une inculturation de l’encadrement humain et chrétien de la jeunesse, ce qui le rend différent d’autres mouvements des jeunes. L’initiateur diocésain a évoqué deux traits spécifiques pour montrer cette différence. Tout d’abord, cette initiation se veut une continuité de la catéchèse pré-sacramentel. Elle est donc une sorte de «catéchèse post-sacramentelle, ou en des termes techniques, une sorte de catéchèse mystagogique», finalisée à poursuivre la formation chrétienne et humaine des jeunes commencée avec l’enseignement catéchétique de base. Le but est d’aider les jeunes à approfondir leur relation avec le Christ, à donner une bonne orientation à leur vie. Cette pastorale accompagne ainsi les jeunes dans la découverte et la prise de conscience de leur vocation et les prépare à prendre des engagements concrets dans l’Eglise et dans la société.
Une école de vie chrétienne, qui offre une formation intégrale
Un autre trait qui fait la différence, est que la pastorale des BYM «est une sorte d’école de vie chrétienne qui offre une formation intégrale», a poursuivi l’abbé Musimu. Ceci la distingue de plusieurs mouvements des jeunes venus de l’Occident par exemple ou issus des initiatives ecclésiales ou extra-ecclésiales, qui mettent l’accent soit sur une formation morale calquée sur le modèle militaire, à l’instar du scoutisme; soit sur une formation spirituelle qui met l’accent sur une dévotion particulière, comme le mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) ou les Xavériens. Le parcours des BYM est échelonné sur six années de formation, parsemées des temps de retraites spirituelles, occasion de l'approfondissement de la relation avec le Christ. C’est ainsi que, pour le fondateur, «l’initiation Bilenge ya Mwinda n’est pas vraiment un mouvement mais une pastorale spécialisée des jeunes», explique l’initiateur diocésain de Kinshasa. Un jeune peut ainsi faire partie d’un mouvement et suivre en même temps la formation proposée par les BYM: «les deux ne s’excluent pas».
50 ans après, quel bilan dressé de l’initiation Bilenge ya Mwinda?
50 ans après sa fondation, l’abbé Musimu dresse de la pastorale des Bilenge ya Mwinda un bilan largement positif, satisfaisant et constructif pour l’Eglise et la société congolaises, mais aussi pour d’autres pays d’Afrique. 50 ans après, «elle a apporté une classe des chrétiens très engagés. Le laïcat très engagé et très attaché à l’Eglise que nous avons aujourd’hui en RD Congo est constitué d’une bonne fraction des héritiers des Bilenge ya Mwinda», déclare le prêtre de Kinshasa. Beaucoup de papas, de mamans et des jeunes engagés sont passés par cette école de vie, souligne-t-il. Cette initiation a aidé beaucoup de consacrés, de prêtres et même des évêques à découvrir leur vocation à la vie consacrée, «au point qu’aujourd’hui, près d’un tiers ou d’un quart de l’épiscopat congolais est constitué des anciens Bilenge ya Mwinda». Concernant le mariage, l’initiation a donné naissance à une communauté de spiritualité conjugale et matrimoniale appelée Communauté Libala Mwinda – Communauté Mariage de Lumière. On retrouve aussi les Bilenge ya Mwinda dans le social et dans la sphère économique. Beaucoup d’ONG au Congo-Kinshasa sont inspirée de cette spiritualité. Au Congo-Brazzaville, une grande structure financière a été fondée et est tenue par des anciens BYM. Les héritiers de cette initiation s’illustrent aussi dans la gestion de la chose publique et dans la lutte politique, particulièrement en RDC. Malgré des déviations de la jeunesse comme le phénomène dit des kulunas (i-e des gangs de jeunes), les BYM s’adonnent à la préservation d’une frange importante de la jeunesse congolaise, indique encore l’abbé Musimu, lui-même héritier de cette initiation.
Les «Bilenge ya Mwinda», un outil important pour la pastorale des jeunes
«Consolidons les acquis de l’initiation Bilenge ya Mwinda pour bâtir un peuple de lumière et un monde de lumière» est le thème choisi pour la célébration de ce jubilé d’or. Le choix de ce thème, explique l’initiateur diocésain, est motivé par le fait que certains «commençaient à prédire la fin de cette pastorale. On disait que la pastorale avait déjà fait son temps et qu’aujourd’hui, elle était tombée en désuétude». Et pourtant, déclare l’abbé Musimu, malgré la diversification des structures d’encadrement des jeunes dans l’Eglise du Congo et de l’Afrique, l’initiation Bilenge ya Mwinda reste un outil pastoral d’évangélisation en profondeur des jeunes. Elle a apporté beaucoup de valeurs humaines et chrétiennes que la jeunesse continue à vivre et à expérimenter dans plusieurs domaines de la société et dans l’Eglise. «Voilà pourquoi nous avons voulu que 50 ans après, nous prenions conscience de cette grâce du ciel pour la jeunesse de notre siècle et que nous puissions consolider ces acquis, afin que cette pastorale continue à former un peuple de lumière qui aura pour mission de transformer notre monde en monde de lumière», indique le prêtre de Kinshasa.
Un colloque international et plusieurs autres activités pour célébrer ce jubilé
Parmi les activités retenues pour la célébration de ce jubilé, il est prévu l’organisation d’un colloque international au mois d’avril 2024, auquel seront invités les représentants de tous les pays et de tous les diocèses qui organisent cette pastorale. Les organisateurs attendent encore la décision de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) «qui a certainement inscrit… [ce jubilé] dans sa session du mois de février». Outre cette grande activité, il est prévu, le 14 avril prochain, la messe d’ouverture célébrée par le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM). La clôture aura lieu au cours des célébrations dans chaque diocèse de la RDC, suivant le calendrier qui sera communiqué par la CENCO. Au programme des activités, il y a aussi des activités culturelles sportives, de formation et spirituelles comme des neuvaines de prières, etc.
Contrecarrer la crise des modèles par l’enseignement des valeurs humaines et chrétiennes
Comme beaucoup de pays africains, la RD Congo est reconnue comme un pays à majorité jeune. Une bonne tranche de la population est composée de jeunes, pleins d’ambitions et de potentialités, mais qui se trouvent parfois désœuvrés. Pour l’abbé Musimu, l’un des grands problèmes auxquels fait face cette jeunesse est la crise des modèles et des repères. L’initiation Bilenge ya Mwinda contribue à résoudre ce problème en offrant aux jeunes des valeurs humaines et chrétiennes à cultiver dans leur vie concrète, pour ne pas se laisser pervertir par la crise multiforme que connaissent les pays d’Afrique. «Cette formation des Bilenge ya Mwinda vise un certain pragmatisme et un engagement à impact réel». La pastorale des BYM incite ainsi les jeunes à «s’engager dans l’auto prise en charge, dans l’entreprenariat, … dans la mutualisation pour unir les efforts, etc». Ces thématiques sont développées à la fin de la formation des BYM.
Malheureusement, regrette le prêtre de Kinshasa, cette pastorale n’est pas subventionnée par l’Etat congolais, malgré les apports et initiatives pour impulser un nouvel élan dans la jeunesse congolaise. L’initiateur diocésain conclu en confiant à la providence les activités de ce jubilé et en appelant à la générosité de ceux qui peuvent les accompagner spirituellement, matériellement et financièrement.
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