«Le monde laisse mourir le peuple syrien», estime Mgr Mourad
Jean-Charles Putzolu et Francesca Sabatinelli - Cité du Vatican
«Le peuple syrien est condamné à mourir sans pouvoir rien dire», tel est le constat dramatique de Mgr Jacques Mourad, archevêque de Homs depuis un an, la troisième ville de Syrie. «C'est une décision terrible et injuste», poursuit le prélat -après la décision du Programme Alimentaire Mondial (PAM) de suspendre son aide au pays-qui se demande pourquoi l’on en est arrivé là. «Pour nous, c'est comme si le monde disait au peuple syrien "vous êtes condamnés à mourir, sans élever la voix, sans rien dire. Pour quelle raison? Quelle est la faute du peuple syrien?», s’interroge-t-il.
L'Église ne peut pas couvrir tous les besoins
Pour Mgr Mourad, cette décision «a été prise pour plonger le peuple syrien dans le désespoir le plus complet, pour éteindre toute lumière qui pouvait rester allumée grâce à notre foi et grâce à l'espérance». Des paroles sincères de l'archevêque de Homs, qui pense aux souffrances que le peuple a enduré toutes ces années, et qu'il continuera d'endurer. Une douleur générée par une guerre qui ne semble pas vouloir se terminer et qui continue de briser toute espérance.
Ces dernières années, les organisations non gouvernementales et l'Église catholique ont en effet fait des «miracles», en soutenant la population de toutes les manières possibles. Aujourd’hui, face à la suspension de l’aide humanitaire qui a servi à près de 2/3 de la population, l’on se demande s'il y a encore de l'espérance pour empêcher les gens de mourir de faim.
«Des finances limitées»
«L'Église, ainsi que les organisations non gouvernementales, ne peuvent pas couvrir tous les besoins du peuple syrien», poursuit Mgr Mourad, «leur capacité de financement est limitée». De plus, il est impossible de faire entrer de l'argent en Syrie, en raison des sanctions imposées par les Etats-Unis et l'ONU. «Alors que faisons-nous? Comment le peuple syrien peut-il vivre? De nombreuses familles syriennes ne mangent déjà qu'une fois par jour. Nous avons oublié ce qu'est le chauffage, parce que nous ne pouvons pas acheter du diesel ou du bois, nous avons oublié ce qu'est l'eau chaude, ce qu'est une société. Et nous vivons dans l'obscurité totale, les villes de Syrie sont sans lumière», déplore Mgr Mourad, précisant que les quartiers riches qui ne comptent que 5 % de la population, ne sont certainement pas représentatifs de la situation du peuple syrien.
«Qu'avons-nous fait de mal pour être condamnés à mourir?»
Pour l'archevêque de Homs, la solution ne doit pas venir seulement l'Église catholique. Le prélat espère que l'Union Européenne prenne une position claire, dictée par «une sensibilité humaine et sincère». «Pourquoi voulez-vous que ce peuple meure?», une question que pose Mgr Mourad au monde: «Il n'est pas possible que le monde entier abandonne le peuple syrien, qu'avons-nous fait de mal pour être condamnés à mourir?»
Supension de l'aide du PAM en Syrie
Il y a six mois, le PAM avait déjà diminué de presque la moitié, le nombre de bénéficiaires de colis alimentaires: ceux-ci n’avaient été alloués qu’à 3,2 millions de Syriens. Depuis le 1er janvier, le plan d'aide de l'agence des Nations unies chargée de l'assistance alimentaire dans le monde à la Syrie a donc été suspendu.
Plus de cinq millions de personnes dépendaient de l’approvisionnement en nourriture et produits de première nécessité, dans un pays qui entre dans sa treizième année de guerre (mars 2024) et qui a été encore plus affaibli en février 2023 par un tremblement de terre dans les régions limitrophes de la Turquie. À l'origine de cette décision, explique le PAM, il y a le manque de fonds, mis en péril par l'épidémie de Covid, la guerre en Ukraine et maintenant aussi celle à Gaza, qui ont réduit à néant le budget disponible. Aujourd'hui, le nombre de personnes en situation grave d'insécurité alimentaire en Syrie est estimé à plus de 12 millions.
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