Otage au Mali: «Ma captivité a renforcé mon engagement au dialogue»
Marie José Muando Buabualo – Radio Vatican
«C'était le 20 novembre 2022, solennité du Christ Roi. Je me rendais dans une paroisse de Bamako pour y célébrer la messe. Alors que je sortais de ma voiture, une autre est arrivée à grande vitesse et s'est placée derrière la mienne. Trois hommes en sont sortis. Ils m’ont embarqué dans leur véhicule me disant “mon père, vous êtes en état d’arrestation”. Quand je leur ai expliqué que je devais dire la messe, ils m’ont demandé de me taire et nous avons roulé pendant trois heures dans la campagne… Et à cette occasion, ma petite croix que je portais autour du cou est probablement tombée, et on l'a retrouvée après…». Le père Hans-Joachim Lohre raconte ainsi les premiers instants de son enlèvement.
Le père Lohre situe cet enlèvement comme une célébration particulière de sa foi. «J’ai du enlever tous mes habits et ils m’ont donné un t-shirt où était écrit: “I love my King”, j’aime mon Roi et, je me suis dit: “ça c’est un clin d’œil du Seigneur”, maintenant on peut me prendre tout, je suis devenu un objet de marchandage, mais on ne peut pas me prendre ma foi”», poursuit-il.
Mu par la conviction de conserver sa foi quoi qu’il arrive, le père Ha-Yo prend plusieurs décisions pour transformer ce temps de captivité en une année sabbatique qu’il avait demandé à ses supérieurs et qu’il aurait ainsi commencée plus tôt que prévu. «Je n’aurai pas de stress, pas de rendez-vous, pas de travaux à faire. J’aurai tout le temps, tout le loisir pour prier. Et j’ai pensé aussi à l’histoire de Joseph dans l’Ancien Testament. Lui aussi a été vendu par ses frères. Ce n’était pas la volonté de Dieu. Le fait que je sois enlevé n’est pas la volonté de Dieu. Mais, Dieu peut s’en servir pour faire le bien, comme Joseph le dit à ses frères: “le mal que vous m’avait fait, Dieu en a fait sortir un bien”. Je crois que Dieu a fait sortir de cela un bien pour moi et aussi pour les autres», dit-il, situant ce moment de violence extrême dans une dimension religieuse de paix.
Il qualifie le temps de captivité comme une mission au service du dialogue interreligieux
Sa conviction dans le dialogue s’est-elle développée pendant ce temps? Même si son enlèvement a eu comme motivation le fait qu’il soit blanc et originaire d’Allemagne, pays que ses ravisseurs considéraient un État en guerre, le père Lohre considère avoir continuité son apostolat: «Dès le début de ma captivité, je me suis dit, “ici, je suis en mission”. L’année de formation que j’ai faite à l’institut islamo-chrétien de Bamako m’a préparée à cela parce qu’on a eu des cours sur le fondamentalisme et sur les différents mouvements djihadistes. Je sais ce qu’ils visent. J’était pendant les premières six semaines avec cinq ou six jeunes, entre 17 ou 22, maximum 25 ans. C’était comparable à un camp scout, avec de très bonnes relations. Chaque jour, ils passaient leur journée à écouter des homélies sur le djihad en arabe... Nous avons passé le temps à discuter de la foi en bambara, une des langues locales du Mali. Et j’ai admiré leur sincérité. Les gens sont désœuvrés, il n’y a pas d’écoles, il n’y a pas de perspective d’avenir. Et quelqu’un arrive pour affirmer que tout ceci arrive parce que le gouvernement du Mali ne respecte pas les lois de Dieu…»
Le père Ha-Yo conclut l’entretien en considérant ce temps de captivité comme un chapitre positif dans son engagement religieux. Cette expérience pourra-t-elle modifier sa vision sur le dialogue islamo-chrétien? Sa réponse est un non catégorique et rejoint sa comparaison avec l’expérience de Joseph dans l’Ancien Testament: «Non, au contraire cela m’a renforcé. Par ricochet, j’étais peut-être plus utile au dialogue islamo-chrétien étant en captivité au désert que présent physiquement. Par la suite, tous les groupes musulmans avec qui j’ai été en contact ont demandé à leurs adhérents de continuer à prier pour la libération du père Ha-Yo. Ils ont publié des poèmes des articles dans les journaux à l’endroit des djihadistes: «Libérez le père Ha-Yo, c’est un homme de paix et de dialogue. Eux ne veulent pas le dialogue, ils veulent que tout le monde soit musulman. Je vais voir, par la suite, peut être ici en Europe, comment trouver une insertion dans une communauté pour continuer avec le dialogue islamo chrétien.»
Après une expérience traumatique, le père Hans-Joachim Lohre reste ancré dans sa foi et dans son engagement religieux du vivre ensemble entre les croyants de plusieurs confessions religieuses.
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