En Mauritanie, une petite Église vivante sans prétention de prosélytisme

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

Il y a six mois, Mgr Ndione, actuellement vicaire général de Nouakchott, pensait se retirer de l’administration du diocèse, espérant changer d’activité pastorale. À sa grande surprise, sa nomination le 10 février 2024 par le Pape François pour prendre la tête de cette circonscription ecclésiastique, est venue tout relancer. «Il y a six mois à peu près, je déclarais à Mgr Harpe, auquel je suis appelé à succéder aujourd'hui, que je l’aiderais dans le gouvernement pastoral de notre église diocésaine, mais que son successeur ne pourra pas compter sur moi». Mi-janvier, en participant à la rencontre de la Conférence des évêques de la région Nord de l’Afrique (CERNA) tenue à Rabat, au Maroc, l’évêque nommé faisait ses adieux, en soulignant que c’était probablement sa dernière rencontre. «La nouvelle de ma nomination a été bouleversante», a-t-il indiqué, déclarant se confier à la grâce de Dieu pour cette nouvelle charge.

Prêtre Fidei Donum, puis évêque

Mgr Ndione sera le premier africain à diriger le diocèse de Nouakchott. Prêtre originaire du diocèse de Thiès, au Sénégal, l’évêque nommé avait été envoyé dans ce diocèse en 2003 comme Fidei Donum, deux ans après son ordination presbytérale. Il s’est définitivement incardiné dans l’unique diocèse de la Mauritanie le 19 mars 2014. Après ses études au Mali et à Rome, il est nommé, en 2018, vicaire général et chargé de la formation continue de cette église locale.

Des défis de l’Église de la Mauritanie

Parlant des défis de son diocèse, Mgr Ndione souligne que certains problèmes sont permanents, comme celui du renouvellement constant des agents pastoraux. Ce cas «reste préoccupant», car cette Église est exclusivement composée d’étrangers. Il est ainsi difficile de trouver des prêtres ou autres agents pastoraux à qui confier des responsabilités. Il y a aussi la grande mobilité qui caractérise ce diocèse où les communautés de fidèles se renouvellent continuellement, des nombreux chrétiens ne s’y établissant que de manière transitoire. Ceci a pour conséquence la répétition de l’action pastorale: «on ne peut pas compter sur des responsables formés de manière durable. Il est ainsi difficile de se projeter dans l’avenir», souligne le futur évêque. Le diocèse de Nouakchott est aussi un carrefour où se rencontrent les chrétiens de divers horizons, entraînant «une multiculturalité impressionnante» qui, pour Mgr Ndione constitue une richesse. «Il faut seulement savoir s’aimer et maintenir l’unité pour que cela ne devienne pas un obstacle à la pastorale», a-t-il fait observer. L’immigration clandestine et le manque de moyens matériels et financiers sont deux autres défis majeurs de cette Église, qui n’a pas de possibilité de trouver sur place des fonds pour la marche de la mission.

Une Église présente, sans prétention de prosélytisme

En termes d’opportunités, Mgr Ndione relève que la présence des chrétiens est une occasion d’être des témoins de l’amour du Christ dans ce pays, où plus de 99% de la population est composée de musulmans. C’est une église présente dans le silence, la prière, et qui fait briller l’amour du Christ «au milieu de ce peuple», sans prétention de prosélytisme. «C’est ainsi que nous faisons nôtre la devise de saint Paul: le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile (1Co 1,17)». Ce contexte est aussi favorable pour témoigner, dans le quotidien, les valeurs de la fraternité universelle ainsi que tout l’enseignement du magistère dans le domaine du dialogue entre les différentes traditions religieuses, «ce qui constitue une part importance pour la concorde et la paix dans le monde», souligne l’évêque nommé.

En Mauritanie, le Carême est vécu dans la ferveur et le partage

La petite communauté catholique de la Mauritanie, constituée d’à peu près 4 500 chrétiens, assez jeunes et tous étrangers, vit le temps de Carême dans la ferveur et dans le retour à Dieu à travers la prière et l’écoute de la Parole de Dieu, souligne Mgr Ndione. Durant cette période, indique-t-il, même ceux qui ont une pratique religieuse irrégulière retrouvent le chemin des églises, en faisant pénitence et en se confessant régulièrement. Au cours des journées, les fidèles fréquentent les églises, tenant en main une Bible, et des chemins de Croix rassemblent des foules immenses. Dans le diocèse de Nouakchott, le temps de Carême est aussi un moment de partage. Les fidèles manifestent leur générosité et le sens du partage à travers ce qu’on appelle “les marmites de Carême”: «dans la discrétion, ils apportent aliments, vêtements, argent et autres biens dont on a besoin pour la vie ordinaire. Cette récolte est distribuée par les structures caritatives des paroisses aux plus nécessiteux, sans distinctions d’origine ou de religion».

Mgr Ndione remercie tous ceux qui le soutiennent, l’encouragent et prient pour lui depuis l’annonce de sa nomination. Des nombreux «amis musulmans et chrétiens» lui affirment leur soutient a-t-il confié, en informant que son ordination épiscopale est prévue le 14 avril 2024.