Pour l'Ordre de Malte, il faudra beaucoup de temps pour reconstruire Gaza
Antonella Palermo - Cité du Vatican
La frontière entre Israël et le Liban est secouée par les bombardements continus de l'aviation et de l'artillerie israéliennes, qui frappent particulièrement les habitations dans les zones proches de la ligne de front avec le Hezbollah allié à l'Iran. Parallèlement, la détérioration de la situation en Palestine, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, inquiète de plus en plus ceux qui s'occupent depuis longtemps de l'aide humanitaire dans ces régions. Les garnisons de l'Ordre de Malte ont subi des dommages dans le sud du Pays du Cèdre, mais ne manquent pas de soutenir la population.
Liban: un coup porté à une économie défaillante et à un gouvernement en sursis
Maria Emerica Cortese, ambassadrice de l'Ordre au Liban, rapporte «qu'un de nos dispensaires a été bombardé à deux kilomètres de la frontière. Le 19 janvier, un autre a été bombardé mais nous continuons à travailler».
Au micro de Radio Vatican – Vatican News, elle a déclaré que le matériel a été transféré dans un hôpital de campagne situé à proximité de la Croix-Rouge. «Nos unités mobiles s'occupent non seulement de nos patients, mais aussi des réfugiés», a-t-elle précisé, expliquant que le projet alimentaire consiste à fournir des semences aux agriculteurs afin que, lorsque les produits sont mûrs, ils puissent les utiliser pour nourrir leurs familles. Et puis, il y a la roue du partage: c'est le projet social qui déploie trois minibus pour distribuer des repas chauds tous les jours. «Nous travaillons aussi beaucoup avec des associations d'autres confessions et d'autres religions», a-t-elle souligné. Puis de préciser que «dans les quatre dispensaires du sud du pays, beaucoup de nos médecins sont chiites et portent la croix de Malte sur leur uniforme. Nous travaillons avec des chiites et des sunnites. Nous aidons tout le monde, c'est cela notre mission première».
L’ambassadrice Emerica Cortese a alerté sur la guerre qui amplifie la situation déjà très critique au Liban, dont le gouvernement est «suspendu». «L'inflation est telle que les gens ordinaires ne peuvent même pas acheter suffisamment de nourriture. Sur un salaire moyen, 70 % sont consacrés à l'achat de produits de première nécessité». En ce qui concerne les scénarios envisagés pour le Moyen-Orient, elle insiste: «Je ne pense pas que l'intention, dans cette guerre, est d'atteindre Beyrouth. La guerre se déroule actuellement entre Israël et l'Iran. Le front libanais est le plus important». Il est important de savoir si «nous pourrons assister à la mise en œuvre de la résolution 1701 du conseil de sécurité des Nations unies, qui exige que le Hezbollah se retire au nord de la rivière Litani. Ce dont le Liban a besoin, c'est d'une souveraineté totale, et non d'une "souveraineté limitée"», a-t-elle lancé.
Une situation pénible en Palestine
Persévérer, dans l'espoir d'une réconciliation. C'est ce que pense l’ambassadrice de l'Ordre de Malte en Palestine, Michèle Bowe, qui a commencé à se rendre dans ce pays dans les années 1970. À l'époque, il n'y avait pas de mur. «On pouvait circuler librement», a-t-elle confié, «c'était un endroit complètement différent. L'économie était plus solide». Selon elle, à Bethléem, dans les marchés, «les Juifs venaient de Jérusalem et des régions voisines pour faire leurs courses. Les gens se mélangeaient, alors qu'aujourd'hui, un grand mur de 30 mètres entoure la ville».
Elle revient de là, après avoir passé les premiers jours de fête de la nouvelle année, l'Épiphanie, le Noël orthodoxe. «C'était magnifique d'être avec les familles et dans notre hôpital», a-t-elle dit, «mais en même temps, c'était absolument déchirant de voir à quel point les choses se sont militarisées, de voir les points de contrôle, de voir des chômeurs qui avaient déjà passé deux ans et demi sans travail pendant le Covid». Michèle Bowe parle d'une situation très inquiétante et souligne qu'en réalité «les gens ne savent pas ce qui se passe, si la guerre arrive en Cisjordanie». À Gaza, «c'est déchirant, surtout les enfants morts», a-t-elle poursuivi, dénonçant ensuite le nombre très élevé d'enfants orphelins. En novembre dernier, ils étaient un peu plus de 17 000, aujourd'hui ils sont deux fois plus nombreux: «la situation humanitaire requiert l'attention du monde entier».
La poudrière en Cisjordanie
Alors que le monde a les yeux rivés sur Gaza, a poursuivi l'ambassadrice, «nous oublions que dans des endroits comme Bethléem, les femmes souffrent énormément». Elles se rendent à l'hôpital de l'Ordre de Malte pour donner naissance à des bébés qui n'ont pas été nourris correctement. «Notre unité de soins intensifs néonatals est pleine. Notre personnel travaille douze heures par jour. L'argent de l'Autorité palestinienne est bloqué par le gouvernement israélien en raison d'un différend fiscal», a expliqué l’ambassadrice. Michèle Bowe se souvient que lorsqu'elle a présenté ses lettres de créance au président Mahmoud Selman Abbas, celui-ci avait fait savoir que l'hôpital de la Sainte-Famille était une «usine de l'espérance». Personnellement, a-t-elle déclaré: «je crois que la personne responsable de l'espérance en Terre sainte, en Palestine, naîtra, ou, je l'espère, est déjà née, à l'hôpital de la Sainte-Famille. Et que cette personne lancera une grande initiative pour parvenir à une paix plus durable pour les mères, les enfants et les familles de toute la région».
Reconstruire la coexistence, reconstruire la paix
L'ambassadrice ressent également une grande peur car, a-t-elle reconnu, les gens ne se connaissent pas. «Pourtant, au fond, ce sont des gens comme les autres. Ils aiment leurs enfants, ils veulent les éduquer, ils veulent avoir un avenir, et le mur les empêche de se connaître». Quelle est la solution? «Je pense que chaque personne a le droit à l'autodétermination à un avenir et à l'espoir. Et je pense que le mur doit être abattu. Nous avons besoin d'une solution à deux États, de diplomatie et d'un État fondé sur la paix et la coexistence. Il faudra beaucoup de temps pour reconstruire Gaza, et j'espère qu'il ne faudra pas plus de temps pour reconstruire la coexistence que j'ai vu se détériorer des années 1970 à aujourd'hui».
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