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Le président de MAGIS, Ambrogio Bongiovanni, salue une mère avec son bébé dans la banlieue de Colombo, la capitale. Le président de MAGIS, Ambrogio Bongiovanni, salue une mère avec son bébé dans la banlieue de Colombo, la capitale. 

Le Sri Lanka, une île qui a faim de dignité et d'avenir

Au Sri Lanka, les missionnaires jésuites espèrent un nouveau leadership qui mettra en œuvre les aspirations du peuple et abandonnera la corruption dans le pays en banqueroute. Rencontre avec le provincial jésuite dans les centres coordonnés par le MAGIS (Mouvement et Action des Jésuites Ensemble pour le Développement) qui vise à soutenir les couches les plus pauvres et les plus exploitées de la population.

Antonella Palermo - Colombo (Sri Lanka)

Renforcer le système éducatif pour construire le bien-être intégral de la personne et construire un nouveau leadership attentif aux besoins réels d'un peuple assoiffé de dignité, d'opportunités d'emploi et de conscience de soi, c'est ce que propose au Sri Lanka la Fondation MAGIS (Mouvement et Action des Jésuites Ensemble pour le Développement) une œuvre de la province euro-méditerranéenne de la Compagnie de Jésus qui coordonne et promeut des activités missionnaires et la coopération internationale avec 47 projets dans 22 pays grâce à l'engagement et à l'action de jésuites et de laïcs.

Une île blessée

À Colombo, capitale sri-lankaise, le père Angelo Sujeewa Pathirana, provincial jésuite, se réjouit de l’accord du gouvernement italien pour un programme de promotion de l’éducation, de l’écologie intégrale et de la réconciliation pour plus d’un million d’euros. «C'est une nouvelle étape de coopération. J'en tire beaucoup d'espoir» assure-t-il.

En effet, le pays reste meurtri par la guerre civile qui opposa Tamouls et Cinghalais. L'un des défis prioritaires consiste à apaiser les blessures en favorisant les échanges, la collaboration, le dépassement des préjugés, entre les minorités religieuses et entre les différents groupes ethniques.

La coopération est très importante, comme elle l'était au moment du tsunami qui a causé la mort de plus de 230 000 personnes sur les rives de l'Océan indien, rappelle le père Angelo Sujeewa Pathirana. La population sri-lankaise avait souffert de cette catastrophe naturelle et doit désormais se libérer de la pauvreté accablante. 

Former des générations pour un nouveau leadership

Aujourd'hui, la pauvreté est endémique. «L'augmentation de 18% de la TVA met à genoux les familles qui se plaignent de coûts devenus insoutenables et inabordables», assure le provincial jésuite. Elle empêche les jeunes de se former: le prix du papier a augmenté de 300%, les importations de papeterie diminuent, les librairies historiques licencient. «Il nous faut transmettre les outils de base de la connaissance, notamment un bon niveau d'anglais, d'offrir aussi un moyen de partager les valeurs chrétiennes», explique le père Angelo, mais aussi de développer une «vision politique, une posture attentive aux maux de la société».

Il veut préparer les nouvelles générations à affronter les problèmes avec un esprit nouveau, en donnant aux jeunes les clés pour devenir des leaders conscients de leurs droits et de leurs devoirs.  

«Le pays a faim»

Alors que l’élection présidentielle vient d’être repoussée à 2025, le jésuite espère un changement pour que les politiques privilégient les intérêts communs à leur intérêt personnel: «Nous sommes curieux de voir à quoi ressemblera la nouvelle équipe dirigeante, quel sera son programme, si elle répondra aux aspirations de la population qui traverse une grave crise économique, si elle encouragera la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion de l'État.»

Ces mots sont comme un écho à ceux prononcés par l'archevêque de Colombo le 4 février, jour de l'anniversaire de la République. Dans l'église All Saints, le cardinal Malcolm Ranjith s'interrogeait sur l'intérêt de célébrer la liberté alors que la nation est en proie à la tourmente économique et à l'impasse politique. «Le peuple a faim», tonnait-il.

Le Sri Lanka s'est déclaré en faillite en avril 2022, accumulant des dettes de plus de 83 milliards de dollars. La démission de Mahinda Rajapakse en tant que président a conduit le gouvernement intérimaire actuel à contracter un prêt de 2,9 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international. Après une inflation de 95 %, le pays semble montrer des signes de reprise. Le Sri Lanka a actuellement le taux de paiement le plus bas de toute la région Asie-Pacifique et Océanie et, depuis 2022, le pays a connu un exode massif de travailleurs qualifiés et non qualifiés à la suite de l'effondrement de la monnaie. Une situation économique qui engendre une crise sociale de grande ampleur, que tente d’endiguer de nombreuses missions humanitaires, comme le centre Shanti à la périphérie de Colombo.

Drapeaux sri-lankais sur les routes de Colombo à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance du pays (4 février).
Drapeaux sri-lankais sur les routes de Colombo à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance du pays (4 février).

Le centre Shanti

Fondée en 1977, l’ONG Shanti Community Animation Movement, est active dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale, Dehiwala. Sujeewa est bouddhiste et enseigne dans le centre depuis 1999. «Nous nous occupons de 56 enfants. Avec le programme extrascolaire, nous en avons environ 400. Ils sont très à l'aise ici, l'environnement est très convivial. Les petits sont très heureux», explique-t-elle. «Les gens ici sont très pauvres. Ils gagnent 10 à 15 000 roupies (environ 50 euros par mois) et vivent dans de très petites maisons. Il y a peu d’hommes: ils  sont en prison, décédés, disparus, alcooliques, à la dérive. Parfois, il y a aussi une mère disparue, qui peut être partie à l'étranger pour chercher de nouvelles opportunités de travail. Dans ce cas, il ne reste que des enfants seuls, l'aîné s'occupant du plus jeune».

Pour Sujeewa, Colombo est un environnement «dégradé et dangereux». Elle explique que le centre propose des programmes de renforcement des capacités, de formation professionnelle et d'éducation pour les enfants et les adultes, en mettant l'accent sur l’aide aux femmes, aux victimes de la guerre et des catastrophes naturelles. «Jouer et apprendre» est la devise avec laquelle elle essaie de stimuler les compétences artistiques des enfants inscrits. Une mission éducative décisive dans un pays qui comptera sur de futurs leaders.

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20 février 2024, 18:03