Recherche

Un migrant dans un centre de rétention à Melilla après avoir traversé le Maroc Un migrant dans un centre de rétention à Melilla après avoir traversé le Maroc  (AFP or licensors)

Le difficile retour des migrants passés par les mains des trafiquants

La traite des personnes est présente sur tous les continents et concernent tous les publics et en tout premier lieu les migrants. Au Maroc, le réseau Talitha Kum est engagé auprès des personnes originaires d’Afrique subsaharienne qui espèrent y obtenir une vie meilleure ou tenter la traversée de la Méditerranée. Entre les trafiquants et les dangers du voyage, l’Église fait son possible pour les aider.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Ils sont arrivés en avion pour étudier, ils ont traversé illégalement le désert ou la montagne dans l’espoir d’une vie meilleure, ou pour faire étape avant de reprendre leur route vers l’Europe. Ils sont des milliers d’Africains subsahariens à être arrivés au Maroc et à être tombés entre les mains de trafiquants sans scrupules qui les exploitent. Le réseau international de lutte contre la traite des personnes Talitha Kum, promu par l’Union internationale des supérieures générales et l’Union des supérieurs généraux et soutenu par différents organismes de l’Église, tente de les aider sur place.

Le père Albert Kondémoré, des Missionnaires d’Afrique, est le coordinateur du réseau pour l’Afrique du Nord. Depuis Rabat, la capitale marocaine, il dirige une équipe internationale d’une vingtaine de personnes. À l’occasion de la Journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des personnes, dont le thème cette année est «Cheminer en dignité. Écouter. Rêver. Agir», il nous partage son action en faveur des migrants qui subissent «d’énormes épreuves».

Entretien avec le père Albert Kondémoré, des Missionnaires d'Afrique sur la traite au Maroc

Même si ces migrants en situation irrégulière échappent aux trafiquants, ils sont confrontés à plusieurs problèmes pratiques: se soigner et se loger d’abord et avant tout. «Pour être soigné, on demande parfois certains papiers» explique le père blanc. Et les propriétaires rechignent à louer un logement à des clandestins qui deviennent des proies faciles pour les trafiquants. Ces derniers leur proposent leur aide en échange d’un travail qui se transforment très vite en exploitation pure et simple.

Parfois, les migrants arrivent au Maroc grâce aux trafiquants qui «font venir des gens du même village, de la même famille ou du même clan». À leur arrivée à destination, ces personnes doivent rembourser les passeurs et se retrouvent pieds et mains liés, leur passeport confisqué.

Écoute et aide au retour

Pour les membres de Talitha Kum, le premier pas envers ces migrants pris au piège est d’écouter. «Nous avons des cellules d’écoute pour qu’ils nous racontent leur histoire, comment ils sont arrivés ici et comment ils sont tombés dans les mains des trafiquants», explique le père Kondémoré. «Après, on leur demande s’ils veulent rentrer chez eux ou s’ils veulent rester». En cas de retour, l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, est saisie pour qu’elle les aide à rentrer chez eux. Mais cette option reste minoritaire.

La grande majorité veut rester au Maroc mais surtout continuer leur route vers l’Europe, que ce soit en passant par l’Espagne, Ceuta ou Melilla, par les Canaries, ou par l’Italie, via l’île de Lampedusa. «On leur montre le danger qu’ils courent et que même arrivés en Europe, ce n’est pas l’Eldorado, que les choses ne sont pas aussi faciles,» précise le missionnaire d’Afrique. «Ils ont tellement vécu de choses atroces qu’ils ne pensent qu’à foncer». Autre facteur favorisant leur départ: «Ils ont souvent des amis qui ont déjà traversé et qui les incitent à venir». Enfin, l’option du retour est pour beaucoup inenvisageable, assimilée à l’échec et synonyme de honte, quand le retour est tout simplement impossible, n’ayant plus de biens, de maison ou de terres à cultiver.

Face à l’ampleur du phénomène de la traite, le père Kondémoré et son équipe ne se découragent pas. «Même si on ne sauve qu’une seule personne, c’est déjà beaucoup» reconnait-il. Leurs efforts ne sont pas vains.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

08 février 2024, 14:17