À Beyrouth, la renaissance de l'école du patriarcat grec orthodoxe
Olivier Bonnel - Envoyé spécial à Beyrouth
En ce mardi ensoleillé de mars, une ambiance particulièrement joyeuse flotte dans la cour de l'école Zahrat El-Ihsan située dans le quartier chrétien d'Achrafieh de Beyrouth. Après de long mois de travaux, la charpente de l'école, flambant neuve, peut enfin être inaugurée. Comme tant d'autres bâtiments alentours, l'école n'a pas été épargnée par le souffle de l'explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. La déflagration a fait 235 morts et plus de 6500 blessés et provoqué des dégâts considérables au patrimoine beyrouthin. Dès le lendemain de l'explosion, des associations se sont pressées à l'école orthodoxe pour évaluer les dégâts et l'aide à apporter, parmi lesquelles l'Œuvre d'Orient. En collaboration avec l'archevêché grec-orthodoxe, l'ONG travaille avec l'aide de la Direction générale des Antiquités du Liban (DGA) et de la fondation Aliph, spécialisée dans la restauration du patrimoine en zones de conflits. Comme dans tout Beyrouth, les manches se retroussent.
Un chantier de longue haleine
Il a fallu d'abord restaurer les bâtiments endommagés, changer les portes et les fenêtres, colmater les fissures, mais c’est la charpente de l’école qui a le plus souffert. Les premières inspections montrent des problèmes d’infiltration d’eau. Décision est prise de refaire entièrement la structure. Un cabinet d’architecte et la société d’ingénierie "Sight" pilotent les travaux de restauration. Le projet reçoit aussi le soutien de Hungary Helps, le fonds national hongrois d'aide au développement. Les travaux vont débuter en novembre 2022 et durer un an. Il faut compter sur les aléas de la région comme la pénurie de matériaux consécutive au séisme de février 2023 en Turquie et en Syrie. Mais l'ouvrage est refait à l'identique, en cèdre du Liban et de Turquie. «Quand vous voyez cette charpente, vous sentez le bois, on revit les mêmes émotions qu'avant» confie Soha Choery, la directrice de l'établissement.
«Le terme qui vient à l'esprit c'est renaissance», explique Vincent Cayol, directeur des opérations de l'association, venu de Paris pour l'inauguration de la charpente restaurée, «c'est un grand jour de voir des projets aboutir, souligne-t-il, et c'est pour nous très symbolique que ce soit un lieu d'éducation pour notre association qui s'est d'abord appelée l'Œuvre des écoles d'Orient». Pour l'Œuvre d'Orient, le soutien apporté à la restauration de la charpente est un témoignage de l'engagement de l'association à soutenir les écoles libanaises, en grande difficulté. «Notre idée est de soutenir ces jeunes Libanais et de leur dire que leur avenir est aussi dans leur pays» souligne Vincent Cayol.
L'école grecque-orthodoxe reste un symbole de ces écoles chrétiennes du Liban, où l'éducation mêle à la fois l’excellence et la cohabitation entre les communautés. Aujourd'hui, l'établissement, devenu mixte accueille plus de 930 élèves. Si une majorité d'entre eux sont de confession chrétienne, certains sont musulmans. L'école mise par ailleurs sur l’égalité des chances pour tous. «Mgr Elias, (le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, ndlr), n'accepte pas qu'un élève soit mis à la porte parce qu'il ne peut pas payer la scolarité» précise la directrice Soha Choery.
Zahrat El-Ihsan, inclusion et coexistence
Fondée en 1880 par une religieuse grecque-orthodoxe, dans un Liban alors sous domination ottomane, l'association Zahrat El-Ihsan (La fleur de l'excellence) a pour objectif d'assurer l'éducation des jeunes filles. En 1897, y est créé un couvent pour les religieuses enseignantes puis un orphelinat afin d'accueillir les élèves les plus défavorisés. Des structures qui perdurent aujourd'hui. «Notre école n'est pas seulement un lieu académique, c'est aussi un lieu d'inclusion sociale avec son orphelinat» se félicite Soha Choery.
«Quand ont voit ce travail réalisé par les ingénieurs et les artisans, on ne peut être qu’ému», confie Bariza Khiari, vice-présidente de la fondation Aliph. Selon elle, la restauration «est importante pour les gens touchés, elle permet une forme de résilience, c'est un geste d'humanité et d'espoir pour eux». Pour de nombreux Libanais, la renaissance de l'école, symbolisée par sa charpente, est un signal envoyé pour l'avenir, dans un pays marqué par le poids des difficultés. Après l'explosion du port, une loi a été votée pour geler les projets de rachats des bâtiments anciens afin d'en faire des espaces plus contemporains. Une mémoire et un patrimoine qui aujourd'hui retrouvent une seconde vie.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici