Cinq ans après le voyage du Pape, l’Église de la miséricorde au Maroc
Jean-Benoît Harel et Olivier Bonnel – Cité du Vatican
Ce week-end de Pâques coïncide avec l’anniversaire des cinq ans du voyage apostolique du Pape François au Maroc en mars 2019. Invité par le roi Mohammed VI, le Saint-Père avait alors encouragé l’Église catholique à être comme le levain dans la pâte de la société marocaine. Avec 30 000 fidèles pour un pays de 38 millions habitants, l’Église catholique au Maroc ne représente que 0,08% de la population, très majoritairement musulmane.
Une Église petite mais pas insignifiante
Curé de la cathédrale de Rabat, le père Daniel Nourissat se souvient de la venue du Pape dans la principale église de la capitale marocaine. «Un beau moment de grâce» se souvient-il, «nous avons vu François grimper les marches de la cathédrale, venir jusqu'à nous, nous saluer très chaleureusement, et immédiatement aller prier un petit moment devant le Saint-Sacrement».
Prêtre, originaire du diocèse de Dijon en France, Daniel Nourissat exerce son ministère depuis une vingtaine d’années au Maroc. Aussi avait-il été marqué par les encouragements du Pape envers sa communauté: «Nous sommes une Église toute petite dans un pays musulman qui fête actuellement le ramadan. Il nous a invités à être cette Église qui n'a pas peur d'être petite. Mais ce n’est pas parce qu'elle est toute petite qu'elle doit être insignifiante».
Un synode dans l’archidiocèse de Rabat
Cet appel du Pape avait été entendu par l’archevêque de Rabat, Mgr Cristóbal López Romero, devenu cardinal en 2019. Il avait lancé un synode dans son diocèse, rassemblant les catholiques jeunes et anciens, peu avant le synode sur la synodalité voulu par François. Le cardinal López Romero avait ensuite proclamé cinq orientations parmi lesquelles la volonté d’être une Église en sortie, attentive aux plus vulnérables et prophétique dans le domaine écologique.
De plus, l’Église du Maroc veut être témoin du Christ dans un esprit de dialogue explique le père Nourissat, «un dialogue avec les musulmans, avec les autres Églises chrétiennes, et avec le Seigneur».
Le dialogue interreligieux, dialogue de la beauté
Un autre moment fort de cette visite du Pape pour le curé de la cathédrale était la rencontre de François avec des théologiens catholiques et musulmans à l’institut Mohammed VI pour la formation des imams. Il se souvient d’un «moment de grâce et de prière» quand trois chants successifs ont résonné dans l’enceinte de l’institut: un appel à la prière musulman, un chant juif et l’Ave Maria de Cassini. Ce moment a permis, selon le père Nourissat, de prendre conscience que l’Église en Maroc vit parmi un peuple de priants et de renouveler les efforts interreligieux.
«Depuis, de nombreuses initiatives, des concerts, des expositions ou encore des conférences ont permis de faire progresser le dialogue interreligieux qui passe par le dialogue de la vérité, le dialogue de la charité mais aussi par le dialogue de la beauté» témoigne-t-il.
Une Église de la miséricorde
Le voyage du Pape s’était clôturé par une messe en présence d’environ 10 000 fidèles de 60 nationalités différentes. Dans le stade Prince Moulay Abdellah prêté par le Royaume du Maroc, les chrétiens et les musulmans se tenaient côte à côte pour s’unir à la prière du Saint-Père. Le prêtre français se souvient de l’Évangile du jour, celui du Fils prodigue, parabole qui illustre la miséricorde infinie du Père. «Le Pape François nous a invités à être une Église de la miséricorde» explique-t-il.
Cette miséricorde s’exerce au quotidien au Maroc, rendue particulièrement visible en septembre 2023, lorsque le Royaume a connu un terrible séisme dans les montagnes du Haut-Atlas, provoquant la mort d’environ 3 000 personnes. Le père Nourissat a vu la charité à l’œuvre dans «le nombre de personnes de toutes confessions qui se sont mobilisées pour pratiquer la miséricorde à l'égard de ces frères et sœurs complètement écrasés par ce tremblement de terre». «Je dis que ça a été vécu dans un chemin de miséricorde, c'est-à-dire aussi de foi en l'autre» conclut-il.
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