L’appel des évêques mexicains contre l’interférence des cartels dans les élections
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Les élections fédérales du 2 juin s’annoncent historiques tant pour leur record d’inscrits que de postes à pourvoir. Les Mexicains éliront un nouveau président et les 628 membres des deux chambres du Congrès, mais aussi neuf gouverneurs d'État sur 32, et d’autres responsables locaux pour un total de 20 000 élus. Pour la première fois, deux femmes se disputeront la succession de l’actuel président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), arrivé au terme de six ans de mandature. La maire sortante de Mexico, Claudia Sheinbaum, dauphine de l’actuel président de gauche et favorite du scrutin, affrontera la sénatrice de droite, Xochitl Galvez, dans un climat de violence inédit dans le pays. La campagne électorale est déjà entachée de sang par la mort dès son premier jour, vendredi, de 4 militaires dans une attaque à l'explosif contre une patrouille de l'armée dans l'ouest.
«La démocratie électorale mêlée au crime organisé est une combinaison totalement inacceptable, un signe de la corruption la plus déplorable qu'il faut éviter à tout prix», ont donc averti les plus de 120 évêques qui composent la conférence épiscopale mexicaine (CEM).
Ne pas pactiser avec le crime organisé
Ils ont souligné dans un message à la nation mexicaine paru dimanche 3 mars «la gravité d'un pacte avec le crime organisé et les groupes criminels pour prétendre organiser des élections pacifiques». Dans ce pays qui enregistre 30 000 homicides par an, la plupart liés au narcotrafic, les 120 évêques appellent à des campagnes électorales pacifiques et invitent les citoyens à éviter «l'apathie, l'indifférence et l'abstentionnisme».
«Les conditions que traverse le pays ne sont malheureusement pas les meilleures, car il est évident que, depuis un certain temps, nos problèmes sont nombreux en termes de sécurité, d'inégalité sociale, de croissance économique, d'insuffisance d'emplois formels et décents, de couverture et de qualité de l'éducation et de la santé, de migration, de polarisation sociale, et d'autres problèmes», ont-ils constaté, forts du désir «de construire ensemble, soutenu par la vérité et la justice, l'environnement adéquat pour célébrer cet important processus politique dans la paix».
Un exemple de civilité conforme à la démocratie mexicaine
Dans ce processus électoral, les évêques rappellent que la grandeur de cette nation, providentiellement bénie par «l'événement de Guadalupe», «nous appelle, dans des moments spéciaux, à donner le meilleur de nous-mêmes, comme cela se produira sans aucun doute dans le processus électoral de cette année 2024, qui culminera dimanche 2 juin». Ils affirment être «conscients de certains risques qui menacent la stabilité démocratique à travers la violence criminelle et qui, en même temps, affectent la liberté des citoyens.» Le 14 février dernier, l’on apprenait la rencontre de quatre évêques mexicains avec des chefs de cartels dans l’État de Guerrero (sud-ouest) pour négocier un accord de paix. Une proposition de médiation appuyée par AMLO, mais rejetée par les organisations criminelles.
Les évêques espèrent aujourd’hui que le processus électoral de 2024 sera «un exemple de civilité conforme à la culture démocratique que les Mexicains ont construite et perfectionnée ces dernières décennies». Ils estiment qu’il revient aux responsables des institutions électorales, l'Institut national électoral (INE), le Tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la Fédération (TEPJF) et le Bureau du procureur spécial pour les délits électoraux (FISEL) d'agir avec impartialité et justice, avec éthique et compétence professionnelle, afin de garantir que le processus se déroule en toute légalité et que les anomalies éventuelles soient corrigées en temps voulu.
Une violence électorale accrue
L’objectif est d’éviter pour des raisons électorales, les agressions, les attaques et les assassinats regrettables de candidats, de politiciens, de parents, de journalistes et d'autres citoyens, qui se sont multipliés ces dernières semaines. 33 personnalités politiques locales ont été assassinées entre le 4 juin et le 7 février dernier, d'après le groupe de réflexion Laboratorio Electoral cité par l’AFP, dont seize futurs candidats.
L’épiscopat mexicain a enfin indiqué que les campagnes électorales doivent favoriser l'exercice d'un vote libre, informé et secret, sans manipulation ni tromperie, sans ingérence indue de la part des autorités gouvernementales ou de toute autre nature.
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