Méditation du 5ème dimanche de Carême, année B: «Jésus, la sagesse de Dieu»

Textes: Jr 31, 31-34; Ps 50 (51), 3-4, 12-13, 14-15; He 5, 7-9; Jn 12, 20-33

Alors que, jour après jour, nous nous approchons davantage du Mystère de la Passion du Christ, de sa mort et de sa résurrection, nous ne pouvons qu’être stupéfaits et à la fois démunis par le Drame qui s’apprête à se jouer devant nous: le Christ quitte ce monde «avec un grand cri et dans les larmes» comme le dit la lettre aux Hébreux (nous ne le verrons plus), et en même temps il accomplit définitivement et complètement les promesses des prophètes: Dieu avec nous, pour toujours, les péchés pardonnés, la connaissance de Dieu gravée dans nos cœurs. La mort de Jésus ouvre l’accès à la vie éternelle, et au moment même où il se détache de ce monde tel «le grain de blé tombé» et mourant en terre, il inaugure son Royaume et le maintient grand ouvert pour tous ceux qui croiront.

Peut-être n’avons-nous pas conscience de ce bouleversement pour chacun d’entre nous, pour l’humanité entière et pour le monde – bouleversement cosmique, théologique et profondément spirituel – et nous poursuivons nos projets, même très louables, en voulant, par exemple, simplement «voir Jésus» comme ces Grecs qui se présentent à l’apôtre Philippe dans l’évangile selon saint Jean. Mais le Christ a un autre plan: celui de Dieu, et il leur répond, de fait, sur un tout autre niveau, révolutionnaire. Le bouleversement qu’il s’apprête à accomplir est, en effet, d’abord cosmique: pour preuve, cette «voix» du Ciel, voix du Père tel un coup de tonnerre qui corrobore la Passion à venir et la gloire du Christ, la défaite de l’Adversaire et le jugement du monde. Toute la création est mise en branle, car ne l’oublions pas, lorsque Dieu sauve, il crée ; le Dieu créateur est le Dieu sauveur. Le bouleversement qui s’accomplit par la Passion est aussi théologique car le Christ est placé au Centre de ce grand chamboulement : il est la Clef de la victoire (la «cause du salut éternelle», dit la lettre aux Hébreux), celui qui attire désormais tous les hommes à lui pour leur donner la vie qu’ils avaient perdue suite aux séductions du «prince de ce monde», lequel est sur le point d’être «jeté dehors». Le bouleversement accompli par le Christ est enfin profondément spirituel car est infusée dans le cœur des croyants la connaissance qui donne accès au Royaume. Le prophète Jérémie parle de «Alliance nouvelle», inscrite dans les cœurs, qui consiste à connaître Dieu «des plus petits jusqu’aux plus grands». Il ne s’agit donc pas de connaissance livresque, intellectuelle ou gnostique puisque même (ou surtout) les petits ont accès à un tel savoir. Et quel est cette connaissance de Dieu ? Savoir qu’il pardonne: «Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés», dit le Seigneur par la bouche du prophète Jérémie. C’est le pardon infusé dans les cœurs, accepté et vécu, qui permet une nouvelle vie, qui transforme la création et ouvre le paradis. C’est lui, le pardon offert sur la Croix du Christ, qui est la Sagesse de Dieu, cette Sagesse que l’homme et la femme avaient perdue, il y a longtemps, en Eden, et que le Christ, aujourd’hui, nous redonne pour la vie éternelle. Connaître cela, c’est connaître Dieu, c’est vivre.