Samedi Saint: les Haïtiens ont foi dans leur Résurrection
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Dimanche, Pâques va arriver et le pays va ressusciter». Cette parole de Mgr Joseph Gontrand Décoste révèle l’espérance de tout le peuple haïtien dans un relèvement proche. Pourtant, les adjectifs apocalyptiques ne manquent pas pour décrire la situation en Haïti: une situation «cataclysmique» pour l’ONU, une situation proche de «Mad Max» selon la référence cinématographique osée par l’Unicef. L’évêque de Jérémie, dans le sud-ouest du pays, explique que les célébrations permettent au peuple haïtien de s’identifier à la souffrance du Christ.
Comment se déroulent les célébrations de la Semaine Sainte dans votre diocèse de Jérémie, au sud du pays?
Par exemple pour le Chemin de Croix, les paroisses de la ville se mettent ensemble pour traverser les rues de la ville. Nous passons surtout dans les quartiers les plus pauvres et les plus délaissés. Et là, nous avons toujours un message de réconfort, de consolation, d'encouragement et d'espérance. Les gens aiment beaucoup la célébration du Chemin de la Croix dans les rues et dans les églises parce que cela rejoint ce qu'ils vivent comme souffrance, comme passion et comme croix dans leur vie de chaque jour. Et puis nous vivons des joies aussi, comme l’ordination de cinq nouveaux diacres lors de la messe chrismale.
Dans notre diocèse, nous n’avons pas de couvre-feu comme à Port-au-Prince (l’archevêque de Port-au-Prince a autorisé les célébrations de la Vigile pascale anticipée, ndlr). Nous célébrons les offices de la Semaine Sainte comme d'habitude, bien que les routes soient toujours bloquées par les gangs.
Quelle est la résonance particulière du Vendredi Saint pour les Haïtiens?
Le peuple haïtien vit un véritable chemin de croix et se retrouve dans le Chemin de Croix de Jésus, le portement de sa Croix, les chutes, les humiliations et les insultes, les oppressions, les mauvais traitements. C'est un peuple opprimé qui vit dans l'insécurité alimentée par la violence des gangs locaux lourdement armés qui veulent prendre le contrôle de tout. Et ça rend la vie des gens pratiquement indigne, invivable, intenable, insupportable même.
Les Haïtiens sont toujours dans le Vendredi Saint et espèrent qu’il y aura un dimanche de Pâques, c'est à dire la résurrection, le relèvement, la vie et l'espérance. Mais maintenant c'est le Vendredi Saint. La Passion de Jésus, c'est leur souffrance, c'est leur Passion aussi comme peuple. Les fidèles trouvent dans le Chemin de Croix et la célébration de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ le courage dans la détresse, la force dans les épreuves et la capacité à souffrir.
Est-il possible pour le peuple haïtien de garder espoir, de croire qu’un relèvement est proche?
C'est une crise qui apparaît interminable. Mais étonnamment, c'est un peuple qui est animé par l'espérance. Nous avons même des proverbes, un dit par exemple que tant qu’une tête n'est pas coupée, il y a l'espoir un jour de porter un chapeau.
Les gens sont habités par l'espérance et les gens trouvent dans la foi chrétienne et dans la célébration des grands mystères de notre foi, une source d'espérance. L’espérance que tout n'est pas fini, que la victoire de Jésus sera leur victoire aussi, qu'aujourd'hui nous vivons notre Vendredi Saint, mais que dimanche de Pâques n'est pas loin. Dimanche, Pâques va arriver et le pays va ressusciter. Le peuple pourra se relever et sortir de tous ces malheurs, de cette situation désastreuse, catastrophique, chaotique d'aujourd'hui.
Quel est votre message aux fidèles haïtiens dans ce jour de Samedi Saint?
Nous invitons les gens à tenir bon, à tenir ferme dans la foi et dans l'espérance en contemplant le mystère du Christ Jésus qui se laisse conduire à la Passion, qui porte sa Croix et qui tombe, qui se lève pour nous, pour aller jusqu'au supplice de la Croix par amour pour nous.
Nous invitons les gens à se soutenir mutuellement et à cesser toute tout acte de violence, à choisir le chemin de construire ensemble notre pays et nos communautés, nos paroisses. Nous espérons qu’avec Pâques et la Pentecôte aussi, l'Esprit de Dieu soufflera avec encore plus de force et de puissance sur ce cher Haïti, notre cher pays pour le libérer et le sanctifier.
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