Saint Zénon, l'évêque maure venu évangéliser Vérone
Alexandra Sirgant - Envoyée spéciale à Vérone, Italie
C’est dans la basilique de Saint-Zénon, chef d'œuvre de l’art roman italien, que débutera la visite pastorale du Pape François samedi 18 mai à Vérone. Le Souverain pontife y rencontrera les prêtres et les personnes consacrées, avant de rejoindre enfants et jeunes sur la place portant également le nom du patron de la ville de Vénétie: saint Zénon. Vérone commémore cette année le 1650e anniversaire de la mort de cet évêque d’origine nord-africaine, qui fut déterminant dans le développement de son Église.
Un chrétien, venu d’Afrique du Nord, pour évangéliser Vérone
«Nous savons peu de chose sur lui avant son arrivée à Vérone», confie le père Silvio Moreno, curé au diocèse de Fréjus-Toulon et membre de l’Institut du Verbe Incarné «mais de par ses propres écrits, nous savons qu’il venait d’Afrique du Nord et qu’il a vécu au IVe siècle». Aucune certitude cependant sur son origine précise car l’Afrique d’alors est encore divisée en provinces. Mais des suppositions existent selon Silvio Moreno, également vice-président de l'Association archéologique de la Méditerranée antique: «On peut émettre l’hypothèse que Zénon venait de la Maurétanie césarienne, qui correspondrait à la moitié Ouest de l’Algérie et la moitié Est du Maroc, car il décrit, dans un de ses sermons, le martyr d’Arcadius de Césarée [qui correspond à Cherchell en Algérie], à la façon d’un témoin oculaire, ce qui laisse à penser qu’il était lui même originaire de Maurétanie». Cette hypothèse lui vaut par ailleurs le surnom d'«évêque maure».
Né au début du IVe siècle, saint Zénon traverse la Méditerranée pour se rendre à Vérone sous le règne de l'empereur romain Julien l’Apostat. Il devient alors le huitième évêque de la «petite Rome», où les chrétiens ne sont plus persécutés mais le paganisme est encore amplement pratiqué. «Zénon va s’occuper de prêcher la foi chrétienne, et grâce à sa prédication, une bonne partie de la ville s’est faite baptiser». Il est également l’auteur de 93 sermons, où figurent la doctrine trinitaire et l’acceptation des catéchumènes venant du paganisme, qui contribueront également au développement du catholicisme en Vénétie. L’évêque nord-africain prône plusieurs vertus, telles que la pauvreté, l’humilité et la charité. Également appelé patron des pêcheurs, certaines sources attestent que saint Zénon allait lui-même pêcher sur les rives de l’Adige, afin d’assurer sa propre subsistance et de servir d’exemple de pauvreté. Tant d’accomplissements qui lui vaudront les surnoms «d’évangélisateur ou pasteur de la ville de Vérone». Il mourra entre 372 et 380, en martyr selon certaines sources, où plus probablement comme «confesseur de la foi», car il ne vivait pas dans «une époque de martyre».
Témoignage de la puissance du christianisme africain
Saint Zénon serait l’un des premiers Africains à devenir évêque en Europe, mais il est loin de faire exception. «Il faut se rappeler qu’il y avait déjà un Libyen, le Pape Victor 1er, qui était évêque de Rome à la fin du IIe siècle», précise le père Silvio Moreno. «Pendant que Zénon est à Vérone, Marcellin [d’origine berbère] est consacré évêque à Embrun en France, et quelques années auparavant, en 313-314, le premier groupe d’évêques catholiques d’Afrique du Nord se déplace à Rome puis à Arles en concile». Selon l’archéologue d’origine argentine, ces échanges démontrent la force de l’Église africaine à la fin de l’Antiquité. «On pourrait même dire que l’accueil des évêques ou des chrétiens africains allant en Italie, en Espagne et en France, était beaucoup plus important que l’inverse!». Des échanges riches de part et d’autre du pourtour méditerranéen dont la figure de saint Zénon témoigne en promouvant une culture de la fraternité et du dialogue.
L'actualité du message de saint Zénon
Le père Silvio Moreno est convaincu que la saint africain est encore d’actualité aujourd’hui pour trois raisons: «Zénon nous apprend l’ouverture d’esprit. Tout comme d’autres évêques africains de l’époque, il a choisi d’aller vers une autre culture, afin d’essayer de prêcher l’Évangile de Jésus», souligne le père Silvio Moreno. «Deuxièmement, il a cette conviction profonde que le Christ est celui qui donne le salut, et c’est justement la prédication de Zénon, d’insister sur le baptême». Enfin, «Zénon évoquait dans ses sermons qu’il fallait que la charité soit spécifiquement donnée aux pauvres et aux souffrants», un discours qui rejoint celui de François aujourd’hui.
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