Le conflit en Terre Sainte n’est pas «une guerre juste»
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Le concept est très ancien, - il remonte à l’Antiquité – mais il est invoqué actuellement, dans le cadre de la guerre dans la bande de Gaza. La «guerre juste», d’abord développée par saint Augustin, puis bien plus tard par saint Thomas d’Aquin, ne correspondant cependant pas à ce qu’il se passe dans les territoires palestiniens, estime la commission Justice et Paix de l'assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte. Dans sa mise au point datée du 30 juin, elle rappelle qu’aucun théologien catholique n’a jamais affirmé que les actes du Hamas du 7 octobre ni la réponse militaire israélienne ne répondaient aux critères décrits par le Catéchisme de l’Église catholique pour définir une guerre juste: «que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain; que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces; que soient réunies les conditions sérieuses de succès; que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer; que la puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition».
Qu'est-ce qu'une guerre juste?
La commission souligne que «les guerres justes doivent clairement différencier les combattants de civils, un principe qui a été ignoré dans cette guerre d’un côté comme de l’autre avec des résultats tragiques. Les guerres justes doivent aussi employer un usage proportionné de la force, ce qui ne peut pas être facilement dit d’une guerre lors de laquelle les taux de décès des Palestiniens est des dizaines de milliers de fois plus haut que celui d’Israël, et au cours de laquelle une nette majorité des pertes palestiniennes sont des femmes et des enfants», relève la note.
Au-delà de cet argument, la commission Justice et Paix met en garde contre «ceux qui manipulent le concept de guerre juste pour l’adapter à leurs besoins». «Nous sommes indignés que des acteurs politiques en Israël et à l'étranger mobilisent la théorie de la "guerre juste" afin de perpétuer et de légitimer la guerre en cours à Gaza,» écrit-elle, dénonçant son emploi pour justifier la mort de dizaines de milliers de personnes. La commission critique fortement le fait d’invoquer la règle de la «proportionnalité» qui pense que des vies israéliennes pourraient être sauvées à l’avenir si la guerre est menée jusqu’au bout, privilégiant ainsi «la sécurité d'hypothétiques personnes dans le futur par rapport à la vie d'êtres humains vivants et respirants qui sont tués tous les jours». Loin d’être une simple manipulation de langage n’est pas qu’une question de mots, «elle a des résultats tangibles et fatals» souligne le texte. En outre, une guerre, pour autant juste soit elle, doit-elle être tout simplement menée? Or, cette question n’est pas nécessairement posée, relève la commission. Comme le rappelle fréquemment le Pape François, note-t-elle, «la guerre est toujours une défaite pour l’humanité».
Une question de justice
Pour la commission Justice et Paix de Terre Sainte, cette mise au point est donc loin d’être une simple question de langage, car en défendant «l’intégrité» de la langue, elle est convaincue «qu'une véritable justice est encore possible si nous savons tenir sa promesse. Lorsque les mots sont pervertis, le langage lui-même devient incapable de dessiner un avenir débarrassé des fléaux du présent. Une prétendue "guerre juste" qui perpétue l'injustice et aggrave la destruction, risque de tourner en dérision le mot "justice". Mais la justice n'est pas une dérision et sa promesse n'est pas encore éteinte».
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