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La circulation sur les routes de Nouvelle-Calédonie est encore très difficile. La circulation sur les routes de Nouvelle-Calédonie est encore très difficile.   (AFP or licensors)

En Nouvelle-Calédonie, «le retour au calme va être long»

Après l’incendie de l’église Saint-Louis ce mardi 16 juillet, l’archevêque de Nouméa s’inquiète de la situation de tension dans cet archipel situé dans la partie sud de l’océan Pacifique, dont l’issue semble lointaine et incertaine. «On ne sait pas exactement que faire pour reprendre le contrôle de la situation» résume Mgr Michel-Marie Calvet.

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

Archevêque de Nouméa depuis 43 ans, Mgr Michel-Marie Calvet a connu de nombreuses périodes de troubles en Nouvelle-Calédonie. La dernière s’est ouverte à la mi-mai 2024 dans le contexte d’un projet de réforme électorale sur le territoire et aucune issue ne se profile clairement.

Deux mois après, les tensions sont encore palpables et le territoire soumis à un couvre-feu strict de 20h à 6h. La circulation sur les routes du Caillou reste très perturbée, les insurgés reconstruisant la nuit les barrages détruits par les forces de l’ordre le jour. Dans la nuit du mardi 16 juillet, dans la commune de Mont-Dore non loin de Nouméa, un pic a été atteint avec l’incendie de l’église Saint-Louis par une bande de jeunes, comme le rapporte Mgr Michel-Marie Calvet.

Entretien avec Mgr Michel-Marie Calvet, archevêque de Nouméa.

Dans la région de Saint-Louis, depuis début juillet, des dizaines de jeunes commettaient des exactions, notamment des vols de voiture à main armée. Puis ils se sont emparés des locaux de la mission de Saint-Louis, avant que le GIGN ne tue un des leurs, Rock Victorin Wamytan, surnommé “Banane“.

«C’est précisément cette bande qui a mis le feu à l'église, mais précédemment au presbytère, à la maison des sœurs», explique l’archevêque. En effet, les insurgés s’en sont pris à la Congrégation des Petites Filles de Marie, une congrégation locale qui date de 1875, «ce qui a étonné et scandalisé tout le monde ici», témoigne Mgr Michel-Marie Calvet.  

“Incendier cette maison, c'était quelque chose qui était impensable. Les sœurs qui étaient là étaient des océaniennes, des mélanésiennes, et elles ont été menacées, insultées de toutes sortes de façons, jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de les exfiltrer dans un blindé de la gendarmerie qui s'est fait tirer dessus.”

Aucun contrôle

Pour le missionnaire mariste, «le plus ennuyeux, c'est que ce sont des jeunes qui ont été organisés pour l'action mais qui maintenant n'ont plus du tout de commandement». Les insurgés opposés aux forces de l’ordre ne reconnaissent désormais plus aucune autorité.

«Même les responsables politiques sont en danger, y compris les responsables indépendantistes, parce que ces jeunes sont devenus indépendants par rapport à la machine militante indépendantiste», constate l’archevêque de Nouméa.

Si une tentative de médiation a été menée par les responsables coutumiers encore influents sur la Grande Terre, les médiateurs se sont fait tirer dessus par les insurgés. Après les tentatives des responsables coutumiers et du conseil des anciens, celles des différents clans et des familles ont également échoué.  

«Les coutumiers ont déjà perdu depuis longtemps le contrôle sur leur propre jeunesse et il faut qu'ils fassent très attention à eux parce qu'ils peuvent être menacés à leur tour», craint Mgr Calvet. Pour lui, ces bandes armées n’appliquent pas de cohérence stratégique et sont très imprévisibles.

“On a des jeunes de 15, 16, 17 ans qui reconstituent les barrages à chaque fois qu’ils sont démontés par les pouvoirs publics et qui vont descendre des barrages pour accompagner une grand-mère qui a ses sacs pour la reconduire chez elle. Mais ce sont les mêmes jeunes qui vont détruire avec enthousiasme le dispensaire médical où la grand-mère en question va se faire soigner. Il n'y a pas de logique, ce sont des choses insensées à proprement parler.”

Des engins de chantiers sont utilisés pour détruire les barrages construits par les insurgés.
Des engins de chantiers sont utilisés pour détruire les barrages construits par les insurgés.

L’union des chrétiens

Sur une île à plus de 90% chrétienne, les responsables religieux ont un rôle important dans la société. Mgr Calvet a d’ailleurs appelé à un rassemblement dans une des églises de Nouméa ce vendredi 19 juillet à 18h en signe de soutien aux paroissiens de l’église incendiée.

Toutefois, il constate une difficulté à trouver une sortie de crise. «Dans cette épreuve, on a des gens de tous côtés qui expriment leur sympathie mais pour le moment, on ne sait pas exactement que faire pour reprendre le contrôle de la situation», souligne l’archevêque. Craignant un nouvel embrasement, il mesure ses interventions car «cela pourrait repartir d'un peu n'importe où en Calédonie si on n'est pas extrêmement prudent dans ce qu'on fait, dans ce qu'on dit».

Une situation qui risque d’empirer

Approvisionné par de nombreux stocks de vivres pillées, les insurgés pourraient continuer longtemps leur lutte armée contre le pouvoir central, combat qui se déroule aussi sur les réseaux sociaux et qui suscite les intérêts et parfois les interventions de puissances étrangères. L’Azerbaïdjan a ainsi été accusé par le gouvernement français d'attiser les tensions.

«A priori, le retour au calme va être long», anticipe l’archevêque de Nouméa, «c'est quelque chose qui a été mis en route et que personne ne sait arrêter». Tout cela sans compter les bouleversements économiques qui se dessinent à l’horizon, avec le risque de la perte de 20 000 emplois, un trou béant pour une population de 260 000 habitants.

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17 juillet 2024, 11:57