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Des évêques rwandais le 6 juillet 2024 à la paroisse de Zaza dans le diocèse de Kibungo. Des évêques rwandais le 6 juillet 2024 à la paroisse de Zaza dans le diocèse de Kibungo.  

Rwanda: un double jubilé dans la réconciliation

L’Église au Rwanda célèbre un double jubilé: la célébration des 2025 ans de la rédemption de l’humanité et les 125 ans de l’évangélisation du pays. Ce double événement se veut une occasion de faire un bilan de la marche de l’Église et de la réconciliation dans un pays qui a vécu un génocide en 1994.

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

L’Église au Rwanda a ouvert, le 10 février 2024, les festivités marquant les 125 ans de l’évangélisation du pays. Cette double célébration, est pour tout le pays un grand moment de joie et d’action de grâce à Dieu. En se focalisant sur le jubilé de l’évangélisation de son pays, le cardinal Antoine Kambanda, archevêque de Kigali et président de la Conférence épiscopale du Rwanda, a dans un entretien accordé à Vatican News, souligné notamment la signification, les objectifs et les différentes étapes de ce jubilé célébré sous le signe de la réconciliation, de la fraternité et de la paix dans le pays.

Entretien avec le cardinal Kambanda, président de la Conférence épiscopale du Rwanda

L'Église au Rwanda célèbre un double jubilé, les 2025 de la rédemption de l'humanité et celui des 125 ans de l'évangélisation. Que présente cette double célébration de l'Église rwandaise?

Moment d’action de grâce, le jubilé est un moment d’arrêt, de bilan de notre relation avec Dieu ainsi qu’avec nos frères. Il nous faut nous interroger sur notre engagement chrétien à être des témoins de l’Amour, de la Parole de Dieu dans notre société. Le Jubilé est en outre, l’occasion d’un retour à Dieu pour nous réconcilier avec lui et avec nos frères. Ce jubilé nous projette absolument dans l’avenir avec la grâce et la miséricorde de Dieu.

Pouvons-nous considérer le jubilé des 125 ans de l’évangélisation comme une occasion de bilan et de projection pour l’Église au Rwanda?

C’est bien cela! D’une part, pour le bilan, c’est l’occasion de rendre grâce à Dieu pour la croissance de l’Église dans notre pays. Une croissance qui se vérifie à travers les vocations sacerdotales et religieuses, le nombre de paroisses et autres structures d’Église. Nous n’avons qu’à remercier le Seigneur pour tous ses bienfaits.

D'autre part, ce jubilé est pour nous l’occasion de demander pardon, pour notre infidélité au Seigneur. Dans notre histoire, il y a eu des moments où nous n’avons pas su témoigner de l'Évangile comme il le faut. En outre, parce que la grâce et la miséricorde de Dieu nous accompagnent, nous ne pouvons que nous projeter dans l’avenir avec confiance et espérance.

Quels sont justement les objectifs du jubilé de l’évangélisation?

Il s’agit pour nous de célébrer la fidélité et la grâce de Dieu durant tout ce parcours, mais aussi de parvenir au renouvellement et au renforcement de la pratique de la foi au Rwanda. Nous venons de terminer un cheminement sur la pastorale de la réconciliation après l'histoire douloureuse du génocide qui a engendré une communauté déchirée et divisée. Cette situation a nécessité de gros efforts pour notre réconciliation avec Dieu, mais également avec soi-même, avec notre histoire et avec les autres. Alors, pour nous l’objectif reste la poursuite de l’évangélisation dans la réconciliation des cœurs, dans la fraternité, la paix et l’espérance. Et l'Église qui s'adresse au cœur a donné une contribution importante dans la reconstruction de la communauté et du pays.

Alors, ce double jubilé sera l'occasion de célébrer la réconciliation pas seulement par les fidèles catholiques, mais au cœur même du pays?

Le jubilé, comme je l’ai souligné plus haut, est toujours un moment de réconciliation. Et cette réconciliation pour moi est à trois niveaux. D’abord la réconciliation avec Dieu, parce que chaque péché, chaque infidélité est une offense à Dieu. Deuxièmement, la réconciliation avec soi-même. Nous avons vécu des périodes tragiques avec des expériences douloureuses du fait du génocide, ce qui fait qu’on peut être en conflit avec soi-même. Enfin, nous devons nous réconcilier avec notre histoire, ce que nous appelons la purification de la mémoire, après s’être réconcilié avec Dieu et avec soi-même. De la sorte, nous serons en mesure de nous réconcilier avec les autres. C'est un processus très complexe que nous sommes en train de vivre. Notre pays en a besoin pour son développement dans la paix.

Des fidèles rwandais à l'ouverture du double jubilé le 10 février à Kabgayi
Des fidèles rwandais à l'ouverture du double jubilé le 10 février à Kabgayi

Justement, quel bilan peut-on dresser de l'action de l'Église dans la vie du pays?

L’Église continue d’apporter sa contribution au développement social du Rwanda, surtout au niveau de l'éducation et de la santé, et l’enseignement catholique au Rwanda est très apprécié. Nos écoles catholiques accueillent en son sein les enfants d’autres confessions religieuses. Pour cela, nous avons besoin d'un grand nombre d’enseignants. Nous souhaitons avoir plus de religieux et de religieuses engagés dans l’éducation pour faire face à tous nos besoins et relever les nombreux défis dans ce domaine. Notons également que dans le domaine de l’éducation et de la santé, nous avons une franche collaboration avec l’État rwandais, ce qui assure un service d’ensemble pour tous les Rwandais, qui sont tous couverts par l’assurance médicale. Là aussi, l’Église assiste les personnes démunies pour qu’elles puissent adhérer à cette assurance médicale.

Quelles sont les grandes lignes de célébration des 125 ans de l’Évangélisation au Rwanda?

C’est à Kabgayi le 10 février 2024 qu’a eu lieu l’ouverture officielle de ce double jubilé. Le diocèse de Kagbayi est le siège du premier évêque du Rwanda. Nous avons 9 diocèses dans ce pays et pour pouvoir mobiliser la participation de tous, il y a des célébrations au niveau diocésain. Mais au niveau national, nous avons un programme qui parcourt tous les diocèses suivant l'histoire, les événements historiques qui marquent chaque coin du pays.

D'abord, le 6 juillet 2024, nous avons célébré le sacrement du baptême à Zaza dans le diocèse de Kibungo, la deuxième paroisse créée en novembre 1900. Le premier baptisé, le premier prêtre et le premier évêque rwandais sont originaires de cette même paroisse. Ensuite, le 25 août 2024, nous célébrerons le jubilé de la Jeunesse dans le diocèse de Ruhengeri, au nord du pays. Il faut souligner que la jeunesse constitue plus de 65 % de la population rwandaise, et de ce fait, nous sommes très engagés dans la pastorale de la jeunesse.

Puis, le 8 décembre prochain, nous célébrerons le jubilé de l’Eucharistie qui marquera la clôture du congrès eucharistique national. Nos enfants ne sont pas en marge, avec un jubilé qui leur est dédié le 27 décembre à Kibeho dans le diocèse Gikongoro, le lieu des apparitions de la Vierge Marie au Rwanda. La suite de ce programme nous conduira au 2 février 2025 pour la célébration du jubilé de la vie consacrée. Ça sera une occasion de rendre grâce à Dieu pour la vocation de la vie religieuse. La première religieuse rwandaise a été consacrée en 1919. 

Enfin, le 15 juin 2025, à Shangi, une paroisse du diocèse de Cyangugu nous célébrerons le jubilé de sacerdoce. C’est là où les missionnaires ont célébré la première messe en terre rwandaise, un événement historique et très important pour nous. Le 2 août 2025, ce sera le jubilé de la famille à Nyundo dans le diocèse de Nyundo, le deuxième diocèse du Rwanda. La famille est très importante pour l'Église, elle constitue le pilier même de l'Église et de l'évangélisation.

Quant au jubilé du laïcat, il sera célébré le 8 novembre 2025 à Byumba. Cette circonscription ecclésiastique est considérée comme le plus vaste en étendue avec des laïcs beaucoup engagés. L’apothéose est prévue pour le 6 décembre 2025 à Kigali avec la messe solennelle des 125 ans de l’évangélisation du Rwanda. C’est donc un double jubilé qui est célébré sur deux années.

Au regard de ce dense programme, quelles sont les attentes de la Conférence épiscopale rwandaise par rapport au peuple de Dieu?

De tous et de nous tous, nous attendons d'abord le renouvellement et le renforcement de la pratique de la foi. Chaque jubilé doit produire de bons fruits dans le domaine de la foi, à travers les sacrements et d’autres actions. Deuxièmement, nous attendons la participation active du peuple de Dieu dans la vie et les activités de l'Église. Troisièmement, nous devons tous fournir encore plus d’effort dans la communion et la participation à la mission d'évangélisation, car chaque baptisé a la mission de partager la Bonne Nouvelle aux autres. Et quatrièmement, nous invitons à plus de créativité dans l'expérience quotidienne pour une évangélisation plus soutenue, surtout dans les témoignages de charité fraternelle.

Quel est le thème de ce double jubilé?

Le thème est tiré de celui du jubilé de l'Église universelle proposé par le Saint-Père, «Pèlerins de l’espérance». En tenant compte de la réalité locale, nous avons choisi le thème suivant: «Fixons notre regard sur Christ, source d'espérance, de fraternité et de paix». Pour nous, le jubilé des 125 ans porte un cachet de l'histoire de l'Église locale et de notre pays. Aussi, à travers ce thème, nous gardons notre regard fixé sur le Christ qui est la source de notre fraternité, de notre paix et surtout de l’espérance de notre pays. Nous les Rwandais, nous sortons d'une expérience douloureuse de division et de violence. Aujourd’hui, nous avons à cœur de vivre dans un pays de fraternité et de paix.

Une procession d'enfants à la messe d'ouverture du double jubilé à Kabgayi
Une procession d'enfants à la messe d'ouverture du double jubilé à Kabgayi

Pour terminer, quel est votre appel, votre invitation à toute l’Église du Rwanda pour vivre pleinement ce jubilé?

Mon appel à l’Église universelle et particulièrement à l’Église comme famille de Dieu au Rwanda est tout d’abord de prendre soin de la pastorale de la famille. Car elle est la fondation même de toute l'Église et de toute la société en général. Alors il nous faut prendre un grand soin de la pastorale, de la famille. En outre, il nous faut travailler à une bonne préparation des jeunes au mariage et également à leur accompagnement. La première évangélisation commence en famille.

Aussi, nous devons œuvrer au renforcement notre fraternité. Il y a tant de conflits qui divisent le monde d’aujourd’hui. De par notre foi en Dieu, nous, fils d’un même père, nous sommes une seule famille et une famille de Dieu. Le vivre-ensemble de cette fraternité nous conduit à la joie et à la paix de Dieu. Mais comme je disais, il nous faut commencer par la famille. Un enfant qui est aimé et, qui grandit dans cet amour de paix, de joie et d'amour familial, ne peut être qu’un messager de paix. Une paix dont a besoin notre pays dans le pardon et la réconciliation des cœurs dans l’unité des fils de Dieu.

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25 juillet 2024, 10:21