Quatre martyrs ont été béatifiés à Uvira en RD Congo
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Depuis plusieurs mois, le diocèse d’Uvira dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), se préparait à accueillir ce grand événement. Pendant toute la semaine, la ville située au nord du lac Tanganyika, dans la province du Sud-Kivu, a vécu au rythme de l’accueil des dizaines de milliers d’hôtes, venus participer à la béatification des quatre martyrs. Ils sont venus de la RD Congo, du Burundi, du Rwanda, de France, d’Italie et d’autres pays. Un triduum de prière et deux jours de conférences sur la béatification ont également ponctué cette préparation. Dimanche, dès l’entame de son homélie, le cardinal Ambongo, chargé de représenter le Pape à cette célébration, a rendu grâce et dit sa joie de procéder à la béatification de l’abbé Albert Joubert, prêtre du diocèse d'Uvira, des pères Luigi Carrara et Giovanni Didonè, prêtres Xavériens et du frère Vittorio Faccin, profès du même Institut.
Un événement de grande portée ecclésiale
Le parvis de la cathédrale Saint-Paul d’Uvira était bondé de monde ce dimanche 18 août. De nombreuses délégations de fidèles et pasteurs bien préparés ont participé «avec foi et ferveur» à cet «heureux événement de grande portée ecclésiale». Parmi les concélébrants se trouvaient l’évêque d’Uvira, Mgr Sébastien-Joseph Muyengo, le nonce apostolique en RDC, Mgr Mitja Leskovar, de nombreux évêques et prêtres, dont le Supérieur Général des Missionnaires Xavériens, le père Fernando Garcia; ainsi que le postulateur, le père Faustino Turco. Quelques autorités politico-administratives, dont le gouverneur de la Province du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, étaient également présentes. Les familles des quatre nouveaux bienheureux ont aussi pris part à cette célébration.
L’Église peut désormais recourir à l’intercession de ces bienheureux
«Cette béatification signifie que nos Églises locales, en particulier celles de la RD Congo, de l'Italie et de la France, peuvent désormais recourir à leur intercession et leur vouer une dévotion publique», a expliqué le cardinal Ambongo au début de son homélie. Les lectures proposées pour ce 20è dimanche du Temps ordinaire nous éclairent sur le sens du martyr et la portée de la vie bienheureuse pour l’Église et pour le monde, a indiqué l’archevêque de Kinshasa. Notre Dieu, a-t-il souligné, se soucie en premier lieu de notre sort final, Il désire, pour chacun et chacune de nous la vie pleine et bienheureuse avec et auprès de Lui. À ceux qui sont mis à mort à cause de leur foi, Il accorde la joyeuse espérance de la résurrection. Les martyrs, qui lavent leurs robes et les blanchissent par le sang de l'Agneau, font désormais partie de la foule immense que nul ne peut dénombrer, ils chantent le salut qui appartient «à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l'Agneau» (Ap 7,10) et contemplent «sans fin sa face, en compagnie des anges et dans la communion des Saints». L’Évangile de ce dimanche nous dit aussi que «communier au Corps et au Sang du Christ, c'est prendre sa part à ses souffrances et à sa mort, afin de vivre éternellement en lui» . Ainsi, «en déclarant officiellement une personne bienheureuse, comme c’est le cas aujourd’hui… l'Église reconnaît et confesse que la mort physique n'a pas été victorieuse et que Dieu n'a pas abandonné ses serviteurs», a déclaré le prélat congolais.
Les martyrs ne tombent pas du ciel
En célébrant et en accueillant aujourd'hui nos nouveaux Bienheureux Martyrs, a poursuivi le cardinal Ambongo, «nous prenons conscience de notre vocation et de ce à quoi Dieu nous destine, car être martyr, c’est être témoin, c’est rendre témoignage». Le chrétien est celui qui témoigne de sa foi au Christ partout où il se trouve, et il tient bon malgré les hostilités, les persécutions et les tentations. Il reste fidèle à sa foi, même au prix de sa vie. Ceci fait voir que «les martyrs ne tombent donc pas du ciel. Ils ne sont pas non plus des êtres extraordinaires, mais plutôt des chrétiens comme vous et moi». La seule différence est qu’ils ont vécu leur foi de manière exceptionnelle, «faisant preuve de fidélité à Dieu et à sa parole, dans un environnement parfois hostile», a expliqué l’archevêque de Kinshasa.
«Nos quatre Frères Martyrs sont proclamés aujourd’hui Bienheureux et, donc portés à l'honneur de l'autel, et proposés comme modèles de vie chrétienne» parce qu’ils n’ont pas trahi leur foi, a souligné le prélat, avant de décrire le contexte de leur martyr. C’est au plus fort de la rébellion des années 1960 en RD Congo qu’ils ont été martyrisés, alors qu'ils avaient la possibilité de s'enfuir. Ils ont choisi «de témoigner de leur fraternité évangélique en demeurant aux côtés de leurs fidèles de Fizi et Baraka, jusqu'à l'effusion du sang». Leur sang est devenu depuis lors «une semence» pour «l'évangélisation en profondeur» de ce pays et de toute l'Église. Ils rejoignent ainsi aujourd’hui la lignée des personnes vêtues de blanc et qui se tiennent devant le trône du Seigneur.
L’Église de la RD Congo a quatre nouveaux bienheureux
Dans une attitude d’action de grâce, le cardinal Ambongo a rappelé que ces quatre bienheureux que l’Église du Congo s’ajoutent aux deux autres déjà connus: le bienheureux Isidore Bakanja, décédé sous le fouet en 1909, et la bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite, massacrée la même année que les nouveaux bienheureux, en 1964, dans les circonstances similaires de la rébellion «muleliste». L’Église congolaise célèbre cette année le jubilé des 60 ans de son martyre. «Tous ces Bienheureux martyrs font notre fierté et sont l'expression de la vitalité de notre Église», a lancé l’archevêque de Kinshasa.
Que les bienheureux martyrs nous obtiennent le don de la paix
«Je suis convaincu que le sang de nos Bienheureux martyrs nous obtiendra le don de la paix», a dit le cardinal Ambongo. Leur vie nous interpelle aujourd'hui: «Assez de violences! Assez de barbaries! Assez de tueries et de morts sur le sol congolais! et dans la sous-région des Grands Lac! Les violences et les guerres sont le fruit de l'étourderie. Elles sont menées par des personnes qui s’écartent du chemin de l'intelligence, par des gens insensés, qui n'ont ni la crainte de Dieu, ni le respect de l'homme, créé à l'image de Dieu!», a déclaré le prélat. À la suite de la première lecture, tirée du livre des Proverbes, il a invité à «quitter l'étourderie», car «Dieu n'aime pas les guerres» et «les conflits armés avilissent l'homme et le privent de la dignité d'enfant de Dieu. Ils sont l’œuvre du diable et de ses acolytes qui sèment la désolation et la mort».
Cesser avec les rivalités et privilégier la voix du dialogue
À la faveur des nouveaux bienheureux, le cardinal Ambongo a lancé un appel pressant à quitter «l'étourderie de la volonté de puissance, de la domination et du contrôle (armé) des richesses». Il a exhorté à privilégier la voix du dialogue et du règlement pacifique des conflits, car «là où les hommes se parlent en vérité, on finit toujours par s'entendre». Il a invité à cesser avec les rivalités et les violences et à se rassembler tous autour des projets qui assurent le développement des populations. Ainsi faisant, la mémoire des Bienheureux martyrs qui ont versé leur sang au nom de la foi au Christ sera honorée, a encore dit le représentant du Pape, qui a conclu en demandant la bénédiction du Seigneur au nom des bienheureux Albert Joubert, Luigi Carrara, Giovanni Didonè et Vittorio Faccin.
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