L’Église péruvienne s’inquiète de la nouvelle loi sur les crimes contre l’humanité
Adopté début juillet par le parlement péruvien, le texte met un terme aux centaines d'enquêtes en cours sur les crimes présumés commis pendant le conflit qui a fait quelque 69 000 morts et 21 000 disparus entre 1980 et 2000.
Selon la nouvelle loi, entrée en vigueur le 10 août, «nul ne peut être poursuivi, condamné ou puni pour crime contre l'humanité ou crime de guerre pour des actes commis avant le 1er juillet 2002», date d'entrée en vigueur au Pérou du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale qui stipule que les crimes les plus graves sont imprescriptibles.
Face à cette modification juridique, les évêques péruviens haussent le ton. «Nous souhaitons exprimer notre profonde perplexité et notre déception, car une fois de plus, avec cette décision, le respect de la vie et la défense de la justice sont sacrifiés», précise le Conseil permanent de la conférence épiscopale dans une note.
La nouvelle loi cause «un préjudice irréparable aux victimes de la violence, aux familles touchées et à tous ceux qui attendent de nos autorités qu'elles œuvrent pour le bien commun, en particulier pour les plus vulnérables, au sein d'un État régi par l'État de droit», ajoutent les évêques.
Un besoin de justice
Pour l’Église péruvienne, le pays ne peut contredire ou s'écarter des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme qu'il a signés et ratifiés. «Le contenu de cette loi est inacceptable car il compromet gravement l'application d'une véritable justice, ainsi que la responsabilité des préjudices causés et la réparation des victimes et de leurs familles pour les graves violations des droits de l'homme», relève encore la conférence des évêques.
L’Église péruvienne rappelle par ailleurs que le droit positif ne saurait porter atteinte au droit naturel, à la valeur de la vie, qui est d'origine divine, comme l'exprime la Genèse lorsqu'elle dit: «L'Éternel lui dit: Qu'as-tu fait? Le sang de ton frère crie de la terre vers moi».
Le Conseil permanent de la Conférence épiscopale péruvienne lance ainsi «un appel urgent» aux autorités péruviennes, mais aussi aux différents organismes responsables de l'État de droit au Pérou et à la société civile organisée, «pour qu'ils utilisent les mécanismes constitutionnels afin de rechercher les moyens d'obtenir la nullité de cette loi dans les plus brefs délais, en veillant à ce que les victimes de tous les crimes et assassinats commis dans notre pays aient accès à la justice et à la réparation correspondante à laquelle elles ont droit et que l'État péruvien a l'obligation de garantir», peut-on lire encore dans la note publiée.
Condamnation de l’ONU
Adoptée par la majorité de droite qui contrôle le parlement unicaméral, la loi devrait bénéficier à l'ancien président Fujimori (1990-2000), poursuivi pour l'assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d'avoir des liens avec la guérilla maoïste du Sentier lumineux. L’ancien homme fort du pays avait été condamné en 2009 à 25 ans de prison pour avoir commandité deux massacres perpétrés en 1991 et 1992 par des escadrons de la mort. Il avait été libéré en décembre 2023 pour raisons de santé.
Après la promulgation de la nouvelle loi, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, avait fait part de ses profonds regrets. Selon le haut responsable onusien, cette nouvelle législation «contrevient aux obligations du pays en vertu du droit international et constitue une évolution troublante dans le contexte d'un recul plus large des droits humain et de l'État de droit au Pérou».
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