Recherche

Le cardinal Péter Erdö. Le cardinal Péter Erdö. 

Cardinal Péter Erdö: la foi est ce qu'il y a de plus important

Dans un entretien avec Vatican News, le cardinal Péter Erdő, archevêque d'Esztergom-Budapest, évoque la dévotion populaire, son parcours personnel de foi sous le communisme, ainsi que des modèles de témoins de la foi, à l'approche des fêtes de l'Assomption et de Saint-Étienne de Hongrie (célébrée le 19 août dans le pays).

Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican

Plus de la moitié des Hongrois sont chrétiens et, après l'ère communiste, la foi des fidèles offre une graine d'espérance dans une Europe qui risque toujours plus de perdre ses racines chrétiennes.

Dans cet entretien, le cardinal Erdö évoque Saint Étienne et les raisons de sa grande dévotion, ainsi que sa propre éducation, sa foi et sa vocation, et notamment la manière dont il s'est confié à la prière et au Seigneur, même dans les moments les plus difficiles et les plus répressifs de l'histoire. «Il est certain que la foi est venue en premier», rappelle-t-il, tout en rassurant: «Cela n'a pas été vécu de manière tragique par mes parents, mais de manière naturelle, en sachant que Dieu est suprême».

Éminence, dans quelques jours, la Hongrie célébrera la fête de saint Étienne de Hongrie. Quels sont les principaux événements prévus? Et pourquoi cette fête est-elle si importante?

Saint Étienne a été le premier roi chrétien du pays. Sous son règne, il y a 1 000 ans, le pays a été christianisé avec des méthodes non pas dures, mais plutôt de conviction, d'organisation. Saint Étienne représente également l'unité de l'État hongrois. C'est pourquoi les catholiques croyants ne sont pas les seuls à le respecter, tout le monde le respecte, et cette fête, est la fête nationale. Concernant le programme, chaque année, la journée commence par un acte militaire. Les nouveaux officiers prêtent serment. Ensuite, il y a des évènements au niveau politique et, dans l'après-midi, des cérémonies religieuses, comme la sainte messe devant la basilique Saint-Étienne, puis la grande procession avec sa relique. La main droite de ce premier roi saint est conservée, et c'est avec cette relique que nous faisons la grande procession. Après la procession, en fin de soirée, il y a toujours des feux d'artifice et la journée se termine en fête populaire. 

Comment expliquer à un étranger qui est saint Étienne pour les Hongrois? Et pourquoi son culte est-il si répandu dans l'Église?

Pour les Hongrois en général, c'est le roi qui avait des principes chrétiens non seulement par opportunisme -il est devenu chrétien comme son père, le prince Géza-, mais aussi par conviction personnelle. Il a tout fait pour renforcer la culture et la vision du monde chrétiennes. En Hongrie, cela signifiait aussi le développement économique et une nouvelle relation avec les peuples qui nous entourent. C'est pourquoi les historiens sont convaincus que notre survie en tant que peuple dépendait de cette grande décision. Saint Étienne voulait que les Hongrois rejoignent la grande famille des peuples chrétiens d'Europe.

C'était une grande décision, car le roi demandait des missionnaires, en particulier de l'Ouest. Or, de son vivant, l'Occident et l'Orient chrétiens n'étaient pas encore séparés. Il est mort en 1038, donc avant le schisme d’Orient. C'est pourquoi l'Église orthodoxe le vénère comme un saint et un apôtre, comme un saint qui a converti son peuple.

La figure de saint Étienne nous ramène aux débuts de l'histoire de la Hongrie en tant que pays chrétien. Dans d'autres pays d'Europe, ce lien avec leurs racines historiques, marquées par le christianisme, est en train de se perdre. Parfois, ces racines semblent même être remises en question, supprimées ou volontairement désavouées. Que pensez-vous de cette tendance culturelle?

Pour nous, l'encyclique Mit Brennender Sorge, que le pape Pie XI a publiée avant la Seconde Guerre mondiale en 1937, reste fondamentale. Il y est dit clairement que les nations, en tant que communautés culturelles avec leur propre langue, leur propre mémoire, leur propre structure, leur propre culture, représentent une vraie valeur, qu'elles appartiennent à la richesse de la création et qu'elles sont donc chères au Créateur. En plusieurs endroits de la Bible, nous constatons que, même lors du jugement dernier, le Seigneur jugera les nations. Les peuples aussi, et pas seulement les individus. Les peuples ont donc un certain rôle dans le grand dessein de Dieu. Cependant, les nations ne représentent pas la valeur suprême. Considérer les nations de cette manière serait de l'idolâtrie. C'est pourquoi nous recherchons toujours cet équilibre indiqué par l'enseignement papal. Et cet enseignement semble être d'actualité, même à notre époque.

Dans ce contexte, quelle est la valeur de la célébration de la foi chrétienne de manière publique et solennelle, comme dans le cas d'une fête comme celle de la Saint-Étienne?

Il semble que le public et le privé ne soient pas séparables dans la vie humaine, dans la vie des sociétés, car les décisions, même privées, peuvent avoir des répercussions sur la société et vice versa. Et puis l'espace public, les rues, les places, ne restent jamais vides. C'est-à-dire qu'il n'est pas possible qu'il n'y ait pas de symboles qui expriment une certaine vision du monde. Même pendant le communisme, il y avait tant de statues qui exprimaient la vision communiste du monde. Je me souviens qu'en Albanie, où toutes les religions étaient interdites, Enver Hoxha, le dictateur communiste, s’était fait construire une pyramide dans le centre de Tirana pour que l'espace public ne reste pas complètement vide. Et les symboles chrétiens, par exemple les églises, indiquent que de nombreuses générations ont reconnu que la vie quotidienne n'est pas l'horizon suprême, mais qu'il existe un horizon supérieur qui donne un sens et une valeur aux petites choses de notre vie. Il est donc important de penser à cette réalité de temps en temps, au moins lors des grandes fêtes.

Les jeunes Hongrois d'aujourd'hui n'ont peut-être pas connu les mêmes difficultés que les générations précédentes, comme la vôtre, pour vivre et témoigner de leur foi à une époque où le pouvoir politique aurait voulu éradiquer le christianisme de l'identité nationale. Durant cette période difficile de votre jeunesse, qu'est-ce qui vous a aidé à ne pas perdre la foi?

Tout d'abord, ce sont mes parents, notre famille, car non seulement nous priions à la maison, nous parlions des fêtes religieuses, nous allions à l'église ensemble, mais mon père nous faisait aussi la catéchèse. Et puis nous avons appris que mon père, qui était juriste, ne pouvait pas exercer sa profession parce qu'il était considéré comme trop religieux. Et ma mère, qui était institutrice, ne pouvait pas enseigner parce qu'elle était considérée comme trop religieuse.

Nous avons vu ainsi ce qui est le plus important dans la vie. Il est certain que la foi passait avant tout. Mes parents n'ont pas vécu cela de manière tragique, mais de manière naturelle, en sachant que Dieu est suprême. Il est naturel que la religion soit la chose la plus importante dans notre vie.

L’histoire de vos parents qui se sont vus interdire d'exercer leur profession car ils ne suivaient pas le communisme a-t-elle été un exemple pour vous? Comment cet exemple a-t-il joué un rôle pour vous lorsque vous avez accepté la vocation à la prêtrise? Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont vous avez découvert votre vocation dans tout cela?

Oui, certainement. En effet, si la foi est la chose la plus importante dans la vie, alors servir la foi des autres, transmettre la foi, enseigner la foi, et surtout exercer le ministère de la liturgie, sont les plus grandes choses de la vie, les choses les plus importantes que l'on puisse faire, et les plus utiles, également pour le salut des autres. C'est la principale motivation que j'ai ressentie dès mon enfance. C'est ainsi que j'ai progressivement pris la décision d'entrer au séminaire.

Photo de la rencontre du pape François avec le clergé de la basilique Saint-Étienne lors de son voyage apostolique en Hongrie en 2023.
Photo de la rencontre du pape François avec le clergé de la basilique Saint-Étienne lors de son voyage apostolique en Hongrie en 2023.

Le Pape François a voulu que cette année qui précède le Jubilé soit une année spéciale de prière. Pouvez-vous nous dire comment vous vivez cette année? Et quelque chose de personnel sur votre vie de prière?

Ma vie de prière a commencé lorsque j'étais au lycée. Je commençais toujours la journée par l'hymne à la charité de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens et je la terminais en priant le Te Deum. La prière donnait déjà un cadre à ma journée. Je peux vous dire aussi que mon père spirituel m'a recommandé de méditer un peu les Saintes Écritures, pas plus de 10 minutes chaque jour, sur un passage du Nouveau Testament. Cela m'a aussi beaucoup aidé à m'orienter dans la vie. 

En cette année de la prière, la prière du Rosaire est récitée tous les premiers samedis du mois à dix heures du matin. Et il y a une prière, un chapelet devant la basilique Saint-Étienne, sur la place, où les gens s'agenouillent, ce qui est un grand témoignage devant le monde. Et puis, dans l'église de l'Adoration perpétuelle, il y a une adoration tous les jours, de huit heures du matin à six heures du soir. Dans une autre église, l'église des Saints Anges, jour et nuit a lieu l’adoration perpétuelle. Et puis tous les premiers vendredis du mois, à 18 heures, dans la paroisse de Cristina, la Communauté de l'Emmanuel organise une soirée de prière avec la Sainte Messe et aussi la possibilité de se confesser. Tous les jeudis, de 20 heures à 5 heures le vendredi matin, dans la basilique Saint-Étienne, il y a aussi l'adoration. Les premiers jeudis, il y a également une prière dans l'église de l'Adoration perpétuelle pour les vocations sacerdotales et religieuses. Et chaque premier samedi, il y a un rosaire et une messe pour les familles et les jeunes. Je peux continuer ainsi... Nous essayons à présent d'identifier les églises où l'on peut obtenir les indulgences accordées par le Saint-Siège pour le Jubilé.

Éminence, pour revenir un instant à saint Étienne, nous sommes presque à la fête de l'Assomption et nous savons que saint Étienne avait lui aussi une grande dévotion à la Vierge. Avez-vous des souhaits ou des prières à formuler en vue de cette solennité et de la fête de votre saint patron?

Oui, saint Étienne a dédié sa couronne et son pays à la Vierge. La Hongrie a été le premier pays qui, selon la tradition, a été consacré à Notre-Dame et, par conséquent, Notre-Dame est également vénérée en Hongrie en tant que patronne de notre peuple et de notre pays. C'est une joie de savoir qu'il y a beaucoup d'autres peuples qui ont également choisi la Vierge Marie comme patronne, car une même Mère peut avoir plusieurs enfants.

 

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

14 août 2024, 11:02