Ukraine: l’église d'Antonivka dévastée par une attaque russe
Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican
Le dimanche 11 août, une attaque russe a dévasté l'église gréco-catholique dont le père Ihor Makar est le curé. «Tout était en feu, raconte-t-il, les maisons brûlaient et le feu approchait déjà de l'église. Les gens se sont précipités dehors, il n'y avait pas de pompiers, et c’était dangereux d'y aller. Les gens ont essayé de faire de leur mieux pour sauver l'église». «Le feu s'est arrêté à un mètre de la chapelle... Mais, poursuit-il, je ne sais pas ce qui a motivé les auteurs à attaquer à nouveau l'église. Peut-être ont-ils vu qu'elle unit les gens». Rien n’a pu être fait, «parce qu'il y a eu un bombardement qui a touché directement la chapelle, aujourd'hui détruite complètement».
Une histoire qui ne s'arrête pas aux bombardements
Nous avons rencontré le père Ihor il y a environ un mois, lors de l'enregistrement d'un entretien sur son ministère pastoral dans la région de Kherson, l'une des plus durement touchées par l'armée russe. Il y évoquait des paroisses de la périphérie de Kherson, à Zelenivka, Antonivka et Inzhenerne, où il exerce son ministère depuis près de vingt ans. Le prêtre a décrit les paroissiens comme sa famille. La chaleur et l'amour pour ces personnes lui sont immédiatement revenus à l'esprit lorsque la triste nouvelle de la destruction de la chapelle a été annoncée. Joint à nouveau par les médias du Vatican, le père Ihor Makar retrace l'histoire de la paroisse gréco-catholique d'Antonivka. Une histoire qui ne s'arrête certainement pas à la destruction de la petite église, car le plus important est qu'elle a été construite au fil des ans comme un «temple dans le cœur». Ni les drones, ni les missiles, ne peuvent donc la détruire.
Les débuts
Arrivé dans la région de Kherson le 19 août 2005, le père Ihor a été ordonné prêtre le 25 septembre de la même année et est devenu curé de la petite communauté gréco-catholique d'Antonivka. «À l'époque, raconte-t-il, ma femme et moi louions un appartement à Kherson, car il n'y avait pas de maison paroissiale à Antonivka, et nous célébrions la messe dans une petite maison. Au bout de quatre ans, on nous a demandé de quitter les lieux». En 2006, «grâce au soutien de notre évêque et de la fondation Aide à l’Église en Détresse, nous avons acheté une petite maison paroissiale. Lorsque nous nous sommes retrouvés sans lieu de culte, nous avons trouvé une solution: dans la cour de la maison paroissiale, nous avions une cabane d'été d'environ 10 mètres sur 4. Elle était très vieille, il n'y avait même pas de plancher. Mais nous l'avons aménagée pour célébrer la messe et les gens venaient ici tous les dimanches».
Le père Ihor a alors commencé à la rénover pour en faire une chapelle paroissiale: «Nous avons réussi! Le 17 mai 2014, l'évêque Mykhailo Bubniy, exarque d'Odessa, a consacré la chapelle. C'est ainsi que j'y ai vécu avec ma femme et mes enfants, qui sont au nombre de quatre et sont tous nés sur place. Jusqu'à l'invasion massive de l'Ukraine en 2022... De nos fenêtres, nous pouvions voir très clairement le pont sur le Dniepr où les combats ont commencé, et nous avons dû partir parce que nos vies étaient en très grand danger».
La famille paroissiale
Avant l'occupation russe et les combats dans la région de Kherson, l'église gréco-catholique célébrait régulièrement la Divine Liturgie et menait des activités catéchétiques et caritatives. En raison du vide religieux créé par le système athée soviétique dans la majeure partie de l'Ukraine, peu de gens allaient à l'église. «Le dimanche, dix à quinze personnes assistaient à la messe. Parfois, à Pâques, il y en avait jusqu'à cinquante. En revanche, beaucoup demandaient le sacrement du baptême. Dans la cour de la paroisse, nous nous réunissions, nous nous soutenions et nous nous entraidions autant que nous le pouvions, et c'est ainsi que nous vivions», affirme le curé.
Le temps des épreuves
Le père Ihor Makar se souvient que, pendant l'occupation, les militaires russes ne sont venus à l'église qu'une seule fois, cherchant à voir le prêtre, mais n'ont commis aucun mal. «Lorsque le territoire a été libéré, je me suis immédiatement rendu à Antonivka, mais lorsque j'ai vu que la ligne de front était très proche, j'ai eu peur pour les gens eux-mêmes, et j'ai décidé de ne plus célébrer là pour ne pas les mettre en danger. Je prie toujours pour eux car je suis toujours leur curé, même si la chapelle a été détruite. J'ai également toujours essayé d'y envoyer diverses aides que nous avons reçues de la Fondation Mudra sprava ou des Chevaliers de Colomb». «Par exemple de l'eau, parce qu'il n'y a pas d'électricité, d'eau ou de gaz là-bas. Même en tant que directeur de Caritas, l'année dernière, lorsque nous avons distribué du bois, j'ai essayé de m'assurer qu'ils en recevaient, parce qu'ils avaient besoin de chauffer leurs maisons car ils n'avaient pas d'autres moyens de subsistance».
Un moment plein d'amertume
Parlant de la destruction de la chapelle dimanche, le prêtre rappelle que deux jours plus tôt, le vendredi, le lieu de culte avait failli brûler à cause d'un tir de drône russe. «Aujourd'hui, les incendies font rage dans la région de Kherson, également parce que certaines zones n'ont pas été déminées et que, par conséquent, à la suite de bombardements ou de tirs de drônes, le bois mort s'enflamme et tout brûle». «Les pompiers, explique le père Ihor, ne peuvent pas éteindre le feu parce que l'endroit peut être miné, alors ils restent près des routes».
«Les larmes aux yeux»
Le pasteur raconte qu'il a appris la triste nouvelle par un voisin qui l'a appelé alors que le bombardement se poursuivait. «La connexion était très mauvaise et il était difficile d'entendre», dit-t-il. «Le voisin m'a dit que le toit avait disparu et je me suis dit que ce n'était pas si grave, que nous allions le réparer. Mais lorsqu'ils m'ont envoyé les photos, je ne l'ai même pas dit à ma femme... lorsque je les ai vues, je me suis assis: j'ai vu qu'il n'y avait pas que le toit, mais que tout avait été détruit et qu'il ne restait plus rien... Ma femme et moi avons travaillé dur pour rénover ce bâtiment et en faire une chapelle. J'ai fait le plâtre moi-même, parce qu'il n'y avait pas d'argent. J'en ai eu les larmes aux yeux... C'est là que j'ai passé mes plus belles années, ainsi que celles de mes enfants. Ils sont nés là, ils ont grandi là, ils sont allés à l'église là, parce que c'était tout près: 7 mètres de la maison à la chapelle». C'était donc difficile, «mais la vie continue, je ne perds pas espoir et je dis toujours que, grâce à Dieu, tout le monde est resté en vie, que personne n'a été blessé là-bas».
Les personnes âgées
Le père Ihor explique qu'environ 600 adultes, pour la plupart des personnes âgées, vivaient encore à Antonivka. Tous les enfants ont été évacués. Il a lui-même proposé à certains habitants de s'installer dans un autre village, dans sa maison paroissiale, mais ils ont refusé et lui disaient: «Non, père Ihor, nous ne pouvons pas partir... Et puis qui restera ici pour surveiller? m'a dit un voisin. Vous voyez, quelque chose brûle et nous l'éteignons, nous aidons à sauver quelque chose. Peut-être que demain la guerre se terminera et que tout ira bien».
«Je ne peux ni les juger ni dire que c'est une bonne décision: chacun décide pour soi», déclare le prêtre, «je les comprends, parce qu'ils ont passé toute leur vie là-bas, ils ont fait tant de sacrifices pour construire une maison, et ils espèrent tellement qu'elle ne sera pas touchée. Au lieu de cela, nous voyons ce qui se passe».
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