L’Église de France demande au Vatican d’enquêter sur le cas de l’abbé Pierre
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Ce que le Vatican savait de l'abbé Pierre, je ne sais pas quand le Vatican l'a découvert (…) mais certainement après la mort c’est certain.» Les propos du Pape François dans l’avion de retour de son voyage en Asie et en Océanie ce vendredi 13 septembre n’ont pas manqué de faire réagir en France. Depuis deux mois, l’abbé Pierre décédé en 2007 est accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles.
L'ouverture des archives en France
Dans une tribune publiée sur le site du journal Le Monde et celui de l’Église de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort reconnait d’abord que «quelques évêques au moins» étaient au courant des comportements graves de l’abbé Pierre à l’égard des femmes «dès 1955-1957». Des mesures qu’on «peut juger insuffisantes» ou «regretter qu'elles aient été gardées très confidentielles» avaient été prises, notamment une cure psychiatrique et l’imposition d’un adjoint, chargé de le surveiller (un socius). L’archevêque de Reims souhaite faire la lumière sur le suivi des mesures prises à l'égard du fondateur des communautés Emmaüs.
Pour cela, le vendredi 13 septembre, sur la matinale de RCF-Radio Notre Dame, la Conférence des évêques de France (CEF) a annoncé ouvrir ses archives concernant l’abbé Pierre, sans attendre le délai de communicabilité de 30 ans. De plus, Mgr Éric de Moulins-Beaufort «forme respectueusement le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su».
Un processus de «starification» à interroger
Ensuite, le président de la CEF questionne le fait qu’aucune des biographies écrites ou réalisées sur l’abbé Pierre ces dernières années n’évoque ces agressions sexuelles dont il est accusé. Plus largement c’est toute la société qui est pointé du doigt par l’archevêque: «des journaux, des magazines, des cercles variés, y compris politiques, ont érigé l’abbé Pierre en figure sociale et construit pour lui, à partir des années 1990, une nouvelle stature de “personnalité préférée des Français“». Il constate encore que cette «starification» n’a pas aidé les personnes victimes à dénoncer les faits commis par l’abbé Pierre.
Rappelant sa «proximité» avec les victimes, et les assurant de sa «détermination à ce que leur parole produise un effet», Mgr Éric de Moulins-Beaufort estime que «les personnes victimes peuvent enfin parler avec l’assurance d’être entendues et accompagnées» grâce au travail mené par les différentes instances de l’Église de France. «C’est un immense progrès social», assure-t-il.
«Réfléchir à ce qu’est la sexualité»
Enfin, l’archevêque de Reims balaie les remises en question du célibat sacerdotal: une accusation «pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre nous obligent encore à voir». «Ne croyons pas tenir un jour un coupable sur qui l’on pourra faire reposer tout le poids de l’opprobre», insiste le président de la CEF, qui constate qu’il existe une «violence toujours possible».
Il demande à toute la société de s’interroger «sur ce qu’elle montre de la sexualité aux jeunes générations, sur ce qu’elle prépare et comment elle les prépare à vivre des relations qui les rendent toujours mieux humains». Ainsi, s’il faut comprendre comment l’abbé Pierre «a été laissé à ses pulsions mauvaises», estime Mgr Éric de Moulins-Beaufort, il faut surtout, à l’échelle de la société entière, «réfléchir à ce qu’est la sexualité et à la manière d’en vivre au mieux».
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