Cardinal Goh: François a été «l'ambassadeur de l'amour du Christ» pour Singapour
Claudia Torres - Envoyée spéciale à Singapour
«Les messages clés du Pape concernent toujours la construction de l'harmonie dans le monde, l'inclusion et le fait de faire de l'Église un sacrement de la miséricorde et de la compassion de Jésus envers les autres».C'est ainsi que le cardinal William Goh, archevêque de Singapour, a résumé le voyage apostolique de trois jours du Pape François dans la cité-État asiatique, qui s'est achevé vendredi 13 septembre.
S'adressant à Vatican News, le cardinal a souligné la proximité du Pape avec les gens tout au long de sa visite et son message d'harmonie interreligieuse.
Le Pape François vient d'achever la dernière étape de son voyage apostolique en Asie et en Océanie. Quels ont été les principaux enseignements de la visite du Saint-Père à Singapour?
La visite du Pape a été une source d'inspiration, pas seulement pour les habitants de Singapour, mais je pense que ses messages clés ont été cohérents, à savoir la nécessité de tendre la main à l'ensemble de l'humanité. Je crois que le Pape François met en œuvre une action pastorale concrète dont ses prédécesseurs ont parlé. Comme saint Jean-Paul II, il a parlé de la nouvelle évangélisation, et le Pape Benoît a beaucoup écrit. Mais c'est le Pape François qui cherche réellement à apporter la bonne nouvelle à l'ensemble de l'humanité. Ses messages clés portent toujours sur la construction de l'harmonie dans le monde, sur l'inclusion, sur le fait de faire de l'Église un véritable sacrement de la miséricorde et de la compassion de Jésus à l'égard des autres.
Je pense que ce genre de messages, qui tendent la main aux marginalisés, aux pauvres, aux souffrants, aux vulnérables, au respect des autres religions, à la dignité de la vie, à la protection de la famille, à la jeunesse, au respect de la jeunesse et à l'encouragement des jeunes à l'aventure, sans oublier les personnes âgées, tous ces messages dont le Saint-Père parle constamment résonnent dans le monde entier, y compris pour nous, les singapouriens.
Quel impact à court et à long terme pensez-vous que la visite du Pape aura à Singapour?
À court terme, je suppose qu'elle a rajeuni la foi de nos concitoyens, qui se sont tous montrés très enthousiastes à l'idée de voir le chef des bergers parmi eux. Bien que nous ne soyons qu'un petit pays, une minuscule nation, le Pape s'est même rendu présent, non seulement auprès des grandes nations ou des nations qui traversent des difficultés ou lorsque les catholiques sont minoritaires dans ces grands pays, mais il se soucie également de Singapour. Nous apprécions beaucoup le fait qu'il se soit fait le berger de tous, quelle que soit la taille des nations, quelle que soit la population. Je pense donc que sa visite aura certainement ravivé la foi de notre peuple. Sa visite a amené un grand nombre de nos catholiques à travailler ensemble. Nous avons plus de 5 000 volontaires rien que pour cette visite papale.
C'est une occasion très rare où tous les catholiques se réunissent pour travailler côte à côte. Ils se sont tous montrés très enthousiastes et ont estimé que c'était un grand privilège de faire partie de ce comité d'organisation, de planifier et d'œuvrer au succès de la visite papale. Je suis sûr qu'en travaillant ensemble, ils contribueront à long terme à nous construire en tant qu'Église unique. En effet, notre Église suit actuellement le processus du Synode, comme le Saint-Père nous y a encouragés. Nous avons donc formé notre conseil pastoral archidiocésain et nous voulons impliquer de plus en plus de catholiques à différents niveaux, pas seulement la paroisse, mais tout le monde, afin que nous puissions vraiment cheminer ensemble, travailler ensemble et faire de l'Église de Singapour une Église vibrante, évangélisatrice et missionnaire. Sa visite sera certainement une source d'inspiration non seulement pour nos catholiques, mais aussi, j'en suis sûr, pour de nombreux catholiques et non catholiques qui sont à l'écart. Nombre d'entre eux ont en fait fréquenté les écoles missionnaires, les écoles catholiques. La graine de la foi a déjà été semée dans les jeunes années. Beaucoup d'entre eux essaient peut-être encore de trouver la foi dans leur vie. Je crois que cette visite a rendu les catholiques fiers, dans le bon sens du terme, fiers d'être membres de l'Église catholique, fiers d'avoir quelqu'un comme le Saint-Père pour unir toute l'Église, l'Église universelle. C'est donc vraiment un grand moment pour nous et je crois que l'impact à long terme se traduira par un désir plus dynamique de travailler ensemble et d'amener les autres à Lui.
Comment pensez-vous que la visite du Pape François à Singapour et dans d'autres pays asiatiques influencera les relations entre le Saint-Siège et les différents pays asiatiques? Les voyez-vous évoluer dans un sens positif?
La visite du Saint-Père, pas seulement en Asie, mais dans les pays à majorité catholique, a été très importante pour les non-catholiques, pour que le monde comprenne la beauté de la foi catholique, dans la manière dont le Saint-Père se projette. C'est un homme ouvert à tous, un homme qui respecte les religions des autres, et quelqu'un qui défend des valeurs vraiment fondamentales et universelles, que toute personne humaine souhaiterait vraiment avoir. Toutes les religions parlent de l'importance de la miséricorde et de la compassion. Ainsi, lorsque le Saint-Père se rend dans un pays asiatique particulier, il ne s'adresse pas uniquement aux catholiques, mais de nombreux non-catholiques entendent également son message et commencent à réaliser que l'Église catholique n'est pas très soudée, ni triomphaliste, mais qu'elle est réellement accueillante et respectueuse des autres, qu'elle cherche à s'unir au reste de l'humanité et, surtout, à protéger ceux qui sont opprimés et à protéger la société pour le bien commun de tous.
Il nous dit et nous enseigne quelque chose que si les gens sont vraiment ouverts, et en particulier les gouvernements qui se méfient de l'Église catholique, je pense qu'en écoutant ses messages et en reconnaissant que l'Église est vraiment l'ambassadrice de la miséricorde et de l'amour du Christ, et que nous sommes ici pour aider les gens à grandir, et qu'il s'agit du bien commun, alors je pense qu'ils deviendront moins méfiants et plus ouverts à la religion et à la foi. Comme à Singapour, le gouvernement ne considère pas les religions comme une menace. En fait, nous sommes considérés comme des partenaires du gouvernement, parce qu'il considère la religion comme quelque chose de très important pour le bien-être de la population. C'est là que se pose la question du dialogue, du respect mutuel et de l'écoute réciproque, car en fin de compte, un bon gouvernement partage les mêmes valeurs, parce que nous voulons tous promouvoir le bien commun de la société. Nous voulons la paix, nous voulons l'harmonie, nous voulons que les gens travaillent ensemble et prennent soin les uns des autres.
Quelle est la contribution de l'Église d'Asie à l'Église universelle?
À mon humble avis, l'occident devrait peut-être essayer d'apprendre davantage de l'Asie, mais aussi de l'Afrique. Je pense que ces deux continents, en particulier l'Asie, où nous avons tant de cultures différentes et de formes de gouvernement différents, ainsi que des valeurs culturelles différentes. Et ce qui est important en Asie, c'est tout cela. Je suppose que c'est également cela pour les africains, mais je pense que pour les Asiatiques, nous sommes des gens qui ont cette dimension effective de notre foi. Pour nous, la rencontre avec Dieu n'est pas réductible à une expérience célébrable. Rencontrer Dieu, c'est le rencontrer avec son cœur. C'est pourquoi les asiatiques ont tendance à être religieux, tous les asiatiques. La religiosité est présente chez tous les peuples de différentes confessions. Pour nous, Dieu est réel parce que nous le rencontrons.
Permettez-moi de vous donner un exemple. La visite du Saint-Père, je suppose que peu de gens ont entendu tous les messages, mais vous pouvez voir partout où il va, ici aussi à Singapour, en le voyant de mes propres yeux, comment les gens l'aiment, comment les gens peuvent sentir la présence du Christ en lui. Je suis sûr que tous n'ont pas écouté les longs discours et les profonds enseignements théologiques, tous n'ont pas lu ses encycliques, mais ils savent que cet homme est un homme de Dieu. Ainsi, même pour ces personnes, voir le Pape, c'est vraiment voir Jésus. Il est vraiment un sacrement de Jésus. Ce que je veux donc dire, c'est que l'Asie a beaucoup à apporter à l'Église universelle. Pour aider les occidentaux, je pense que nous devons trouver un équilibre entre la connaissance céleste de Dieu, beaucoup d'études, de connaissances théologiques et de raisonnement. Mais on tombe amoureux de Jésus. On tombe amoureux avec son cœur, on ne tombe pas amoureux avec sa tête. Quand on veut épouser quelqu'un, il ne s'agit pas d'intellectualiser pour savoir si tu me conviens. Il s'agit de savoir ce que nous ressentons l'un pour l'autre; nous nous aimons, et l'amour est réel. Et l'amour nous aidera à nous unir. C'est pourquoi les apôtres, bien qu'ils soient si différents, de tempérament différent, de statut différent, aiment tous Jésus. Ils ont tous rencontré l'amour de Jésus, et c'est pourquoi ils sont capables de s'unir.
Je pense que l'Asie pourrait contribuer à l'Église universelle en soulignant l'importance des religions populaires. Je pense que l'on insiste trop sur la théologie, sur la connaissance du Christ. Bien sûr, ce sont de belles choses, vraiment belles - j'aime moi-même lire tous ces livres - mais le simple fait de savoir ne vous change pas tant que vous ne le ressentez pas dans votre cœur. Et les religions populaires sont très importantes en Asie.
Je pense qu'il ne faut pas mépriser les religions populaires, car c'est par elles que les gens ont rencontré Jésus. Tous ne sont pas très instruits et tous n'aiment pas lire. Même la jeune génération d'aujourd'hui aime voir des images : Les gens veulent voir, sentir, toucher.
C'est pourquoi, lorsque les gens touchent le Saint-Père ou que le Saint-Père les touche, je peux voir les larmes et la joie. C'était comme si Jésus les touchait. Et c'est vrai.
C'est pourquoi en Asie, nous avons différentes expressions culturelles de notre foi, qu'il s'agisse de statues, de danses ou de différents modes de dévotion, il y a beaucoup de piété populaire.
Bien sûr, la piété populaire doit être guidée par l'Église, c'est vrai. Mais nous ne pouvons pas la rejeter, parce que je pense que la véritable piété religieuse, lorsqu'ils tombent amoureux de Jésus, nous pouvons les amener lentement à une plus grande connaissance de leur foi, pour purifier leur dévotion.
À mon humble avis - peut-être ai-je tort -, l'Europe a perdu cette dimension dévotionnelle. Dans l'Église primitive, au Moyen Âge, il y avait beaucoup de dévotions. Mais je pense que ces dévotions ont été en quelque sorte perdues, et je pense que nous devons retrouver toutes ces dévotions afin d'aider les gens à rencontrer Dieu plus profondément.
Il y a encore une chose que l'Asie peut apporter à l'Église universelle. Excusez-moi de le dire, mais je pense que l'Église devrait être moins légaliste en ce qui concerne la célébration de la liturgie.
Oui, il est important que certaines dimensions de la liturgie soient respectées, mais dans la liturgie, nous célébrons la vie, nous célébrons l'expérience de Dieu. Je pense donc que l'Église doit être plus ouverte à l'inculturation de la liturgie. Car c'est ainsi que les gens veulent exprimer leur amour pour Dieu. Les différentes cultures ont des manières différentes d'exprimer leur amour pour Dieu.
Je pense qu'il faut donner plus de liberté à l'Église locale pour qu'elle puisse être plus flexible dans la manière dont elle célèbre la liturgie, afin que notre liturgie soit vraiment vivifiante. Il ne s'agit pas seulement de suivre la liturgie, mais aussi d'écouter.
En Asie, nous voulons participer. Nous voulons chanter, nous voulons danser, nous voulons lever les mains, nous voulons nous exprimer. Nous ne voulons pas simplement nous asseoir et écouter. Ce n'est pas asiatique. Je pense donc que nous voulons participer de tout notre esprit, de tout notre cœur, de tout notre corps, pour aimer le Seigneur de Dieu de tout notre esprit, de tout notre cœur, de toute notre force. Je pense que l'Église devrait peut-être être plus généreuse, plus inclusive, et aider l'Église asiatique à conserver cette vitalité liturgique.
Quel a été votre moment préféré de la visite papale?
Lorsque j'ai voyagé avec le Saint-Père dans différents endroits, j'ai d'abord été bouleversé en voyant le Saint-Père: Il était vraiment non pas comme un père, mais comme un saint père. Son nom est vraiment Saint-Père. Et la façon dont il a montré son amour paternel à ceux qui étaient malades, aux petits enfants, et il arrêtait son véhicule juste pour bénir les enfants, pour demander d'amener ce petit garçon ici, et ceux qui étaient malades. Je pouvais voir les larmes, la joie immense de ces personnes qui avaient le grand privilège d'être bénies par Lui et d'être priées par Lui.
J'ai vu cela partout, et en particulier dans le stade pour la Sainte Messe. Lorsque je suis entré, j'ai pu voir la joie et l'amour que les gens avaient pour Lui, et comment il a vraiment touché et ému leurs cœurs. Beaucoup d'entre eux voulaient vraiment que le Saint-Père leur donne une bénédiction. J'ai vu deux femmes qui apportaient l'enfant, elles étaient tellement heureuses et elles pleuraient. J'ai pleuré avec elles aussi, et j'ai retenu mes larmes, parce que je pouvais vraiment voir à quel point ces gens étaient ravis et reconnaissants que Dieu leur ait envoyé le Saint-Père. Et dans le Saint-Père, comme je l'ai dit, nous voyons vraiment Jésus.
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