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La commission pontificale pour la protection des mineurs publie son premier rapport annuel. La commission pontificale pour la protection des mineurs publie son premier rapport annuel.  

Juan Carlos Cruz: de nombreuses victimes d’abus réclament justice

Le Chilien, victime d'abus répétés de la part d'un prêtre, commente le rapport annuel publié mardi 29 octobre par la Commission pontificale pour la protection des mineurs dont il est membre depuis 2021 par volonté du Pape. Il le qualifie de marathon de travail dont l'Église avait besoin. Il exprime sa gratitude au Pape François qui s'engage pour la douleur des êtres humains.

Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican

Il y a dix ans, Juan Carlos Cruz accusait l'Église d'être un «mal absolu», complice des abus qu'il a subis à plusieurs reprises dans son enfance de la part d'un prêtre chilien, Fernando Karadima renvoyé de l'état clérical par le Pape pour ses crimes contre les mineurs et les séminaristes. Aujourd'hui, Juan Carlos, architecte charismatique et journaliste, originaire du Chili mais résident d'abord aux États-Unis puis en Espagne, travaille au service de l'Église en tant que membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, où il porte la voix des victimes et des survivants.

Remerciement au Pape

En s'adressant aux médias du Vatican, Juan Carlos Cruz tient entre ses mains le premier rapport annuel de l'institution, publié le 29 octobre. Un document également fruit de sa contribution: «C'est quelque chose que nous souhaitions depuis longtemps». Il pose la main sur la couverture ornée de l'image stylisée d'un «baobab», un arbre africain symbolisant la résilience. Celui-là même qui a animé son combat pour la justice et qui l'a amené à ne pas sombrer dans la dépression et les addictions, ni même à se suicider «comme c'est arrivé à beaucoup de gens que je connais». Une résilience qui a poussé Juan Carlos à voyager en 2018 du Chili à Rome pour «affronter», avec deux autres victimes de Karadima, James Hamilton et José Andrés Murillo, le Pape qu'il accusait de n'avoir rien fait pour les survivants. Cette rencontre à la maison Sainte-Marthe  a changé la vie de Juan Carlos Cruz, l'a rapproché de l'Église et lui a fait découvrir un père, comme le définit aujourd'hui François, avec qui il entretient un contact constant. «Je connais le Pape François, je l'aime beaucoup, je le reconnais comme un homme vraiment exemplaire qui ne dit pas de paroles creuses, agréables à entendre, mais qui s'engage absolument pour la douleur des êtres humains. Dans ce cas-ci, il s’agit de victimes d’abus sexuels dans l’Église», explique Cruz.

Écouter et croire les victimes

C'est le Pape lui-même qui a demandé aux membres de la Commission après la session plénière de 2022 au Vatican de rédiger ce rapport qui voit le jour après «un marathon de travail». «Je pense que le produit final était quelque chose qui était nécessaire mais qui doit être beaucoup amélioré. Nous devons intégrer encore plus de voix de victimes à travers le monde, mais il est très difficile d'organiser un travail rigoureux et scientifique lorsqu'il n'y a pas de données sur les cas partout», observe Juan Carlos Cruz. Certes, ajoute-t-il, l'existence même du rapport est un «progrès». Il se dit «extrêmement heureux»: « Je pense que vous verrez des choses que les victimes ont toujours demandées et dont parfois elles n'ont jamais entendu parler. Ce type de justice, dans laquelle la victime est écoutée, indemnisée, est pour moi une grande avancée dont on n'a pas parlé. Les victimes étaient vues comme des gens qui voulaient de l'argent, qui faisaient des revendications… c'est terrible de voir une personne comme ça. Nous devons être attentifs, écouter, croire les victimes, les accompagner et suivre le processus de réparation -quel qu'il soit- de l'Église, afin de nous engager pour que cela ne se reproduise plus. François a été le premier à vouloir le faire, je lui en suis reconnaissant

«Il reste beaucoup à faire...»

Si d'un côté le rapport témoigne d'une «merveilleuse ouverture à parler honnêtement de l'état des abus dans le monde», de l'autre, il parle aussi d'«échecs» en matière de protection. «Je reconnais qu'il y a beaucoup à faire», déclare Juan Carlos Cruz. «Je suis inquiet, par exemple, de nombreux évêques dans le monde qui, malgré tout ce qui s'est passé, ignorent ces cas. Et il y a des victimes innocentes, invisibles au monde, qui n’osent pas parler parce que c’est douloureux. Personne ne leur présente un projet ou un lieu où ils puissent aller discuter et être accompagnés. Il y a de la peur.» Il y a des victimes «qui ont les moyens, qui peuvent contacter les médias ou les avocats», dit Juan Carlos Cruz, «mais beaucoup d'autres dans de nombreux pays n'ont pas ce luxe, pas même un avocat. Ils vivent dans la douleur, allant même jusqu’à se suicider, ce qui est la plus grande douleur quand on n’a plus d’espoir. J'ai des amis qui ont perdu tout espoir et se sont suicidés. Il n’est pas possible qu’il y ait encore des victimes qui implorent justice. Cela ne peut pas être le cas», conclut-il. 


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30 octobre 2024, 16:16