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Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar (SCEAM). Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar (SCEAM).  (AFP or licensors)

Les victimes des minerais de sang en Afrique, martyrs des temps modernes

A l’occasion de la commémoration du 60è anniversaire de la canonisation des martyrs de l'Ouganda, le cardinal Fridolin Ambongo a tenu une conférence à Rome, lors d'un séminaire hybride organisé par la Société des Missionnaires d'Afrique. L’archevêque de Kinshasa a levé le voile sur des nombreuses situations difficiles vécues par les Congolais, à la merci des bandes armées, des mercenaires et des entreprises minières multinationales, déterminées à extraire des minerais quel qu’en soit le coût.

Fabrice Bagendekere, SJ avec Paul Samasumo – Cité du Vatican

A la fin de la messe de canonisation dimanche 20 octobre et avant la prière de l’Angélus, le Pape François a souligné la présence d'une «importante» délégation ougandaise venue pour le 60ème anniversaire de la canonisation des martyrs de l'Ouganda.

Cette année, l'Église commémore, en effet, la canonisation des martyrs de l'Ouganda par le pape Paul VI le 18 octobre 1964, dans la basilique Saint-Pierre de Rome. Pour marquer cet événement, la Société des Missionnaires d'Afrique a organisé un séminaire hybride sous le thème «Le sang des saints martyrs, graines d'espoir pour une écologie intégrale». L’un des intervenants de ce rendez-vous était le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa en République démocratique du Congo et président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM). Il a livré une réflexion émouvante sur l'exploitation des «minerais de sang» en Afrique, qui, selon lui, a entraîné la mort de millions de personnes, des déplacements, des violations des droits de l'homme, des guerres et une pauvreté endémique. Le thème de sa conférence était «Le cri des martyrs modernes: victimes de l’exploitation minière en Afrique».


Le paradoxe de l'abondance et de la pauvreté

Le point de départ de la réflexion de l’archevêque de Kinshasa est la situation critique en République Démocratique du Congo son pays. Malgré l'abondance des ressources minérales, a-t-il fait remarquer, la pauvreté du peuple congolais est effroyable. «Au lieu de contribuer au développement de notre pays et de profiter à notre peuple, les minerais, le pétrole et les forêts sont devenus les causes de notre malheur», a-t-il déclaré. «Comment comprendre que nos concitoyens soient dépouillés de leurs terres sans compensation à cause des superficies concédées ou vendues à tel ou tel opérateur minier ou forestier?», a-t-il interrogé, faisant référence à la déclaration de la CENCO – Conférence épiscopale nationale du Congo – lors de l’Assemblée plénière Extraordinaire sur l’environnement et les ressources naturelles de juin 2021.

Voile levé sur la souffrance des peuples africains

Le cas de la RDC n’est pas unique en Afrique, a constaté le prélat. De nombreuses personnes souffrent et meurent à cause de l'exploitation des ressources minières sur ce continent. «L'extraction et le transport de ces minerais dépossèdent et déplacent les familles de leurs terres. Il y a souvent des démolitions violentes de maisons, la contamination de l'eau, la pollution de l'air par des métaux lourds, le rejet du cyanure dans la nature et de graves dommages aux rendements de l'agriculture, de l'élevage ou de la pêche», a détaillé le cardinal. Il a ensuite montré que ces minerais exploités au prix des vies humaines et de la destruction de l’environnement sont ceux qui alimentent les smartphones et les batteries des véhicules électriques.  Les conséquences directes de ce vandalisme, a-t-il pointé, est la mise en place d’un sentiment de chaos généralisé qui, à son tour, alimente un cercle vicieux d'anarchie perpétuelle.


Un mécanisme mis en place pour créer un chaos généralisé

Le bilan de l'exploitation des minerais en Afrique est très lourd. En effet, l'exploitation des minerais critiques (étain, tantale, or, tungstène, etc.) et des minerais de la transition énergétique (lithium, nickel, cobalt, etc.) donne lieu à des conflits armés dans plusieurs régions de ce berceau de l’humanité. Sous l'impulsion des multinationales, des groupes armés s’épanouissent dans une logique financière du cercle vicieux: les guerres permettent le contrôle des différentes mines; simultanément, la vente des minerais sert à financer d'autres guerres, a indiqué le prélat de l’Eglise. En même temps, les bénéficiaires de ces pillages organisent des exportations clandestines impliquant la corruption de l'administration (fonctionnaires), par des offres des sommes inespérées, a-t-il poursuivi, avant de montrer que cette situation nourrit le sentiment sécessionniste de la part des populations autochtones qui se sentent abandonnées et fragilisés. «Tout ce mécanisme vise à créer un chaos généralisé qui empêche notamment le développement des zones concernées», a conclu le cardinal Ambongo.

Leçons à tirer des martyrs de l'Ouganda

60 ans après la canonisation de saint Charles Lwanga et ses compagnons, quels fruits tirer de leur témoignage pour l'Afrique d'aujourd'hui, a marqué d’interrogation le Cardinal congolais. Face aux atrocités vécues, les communautés chrétiennes doivent agir continuellement en disciples missionnaires, a-t-il déclaré, faisant écho à l’Encyclique du pape François Evangelii Gaudium. Autrement dit, «être une Église sortante». Le président du SCEAM a également déclaré que l'Église en Afrique ne devait pas se permettre de rester silencieuse face à l'exploitation illégale des ressources minières sur le continent, faisant allusion aux discours «Hands Off Africa» du Pape François lors de son voyage apostolique en janvier 2023 en République démocratique du Congo. Par ailleurs, le prélat congolais a félicité les chrétiens et les non-chrétiens, les hommes et les femmes, les laïcs et les personnes consacrées qui refusent de baisser les bras face aux tragédies qui se déroulent dans les régions troublées de l'Afrique. C’est «au péril de leur vie, et au nom des valeurs chrétiennes et humaines, [que ces hommes et femmes] dénoncent ces situations, luttent pour la justice sociale, la paix, la dignité humaine et la sauvegarde de notre maison commune», a-t-il fait savoir. Et de conclure: «et la terre continue d'être arrosé du sang de ces martyrs modernes».

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21 octobre 2024, 13:23