Bénin: «la démocratie prend du recul»

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

Le projet d’organisation de ces deux événements a été rendu public récemment, lors d’une conférence de presse tenue au siège de la Conférence épiscopale du Bénin (CEB), à Cotonou. Le colloque international, qui sera organisé le 28 février 2025 par l’Aumônerie nationale des cadres et personnalités du Bénin, aura pour thème: «L’esprit de la Conférence des Forces Vives de la Nation: un héritage pour la construction nationale». Il aura pour objectif de faire prendre conscience à la Nation tout entière que faire mémoire de la CFVN, c’est vivre de son esprit pour garantir la résolution des crises et la construction nationale.
La CEB institue, à compter de cette occasion, le 28 février de chaque année "la Journée nationale du relèvement de la Nation et des cadres et personnalités politiques". Dans un entretien accordé à Vatican news, le père Nathanaël Yaovi Soédé, aumônier national des cadres et personnalités politiques, a situé les enjeux de ces deux initiatives au moment où il est estime que la démocratie est à redynamiser dans son pays, "parce qu’elle a pris du recul".

Que dire de l'historique de la création de la Conférence des forces vives de la Nation au Bénin?

Des crises socio-politiques et des coups d’État ont rendu le Bénin ingouvernable dès son indépendance en 1960. Les trois grands remèdes préconisés, à savoir le gouvernement tricéphale, le régime révolutionnaire et l’option marxiste-léniniste, seront vains. Après trois décennies, le Bénin a pris conscience qu’une Nation qui ne résout pas ses problèmes internes, va à sa dérive. Il réunit ainsi ses citoyens, acteurs politiques, leaders religieux, agents des forces armées, prisonniers politiques et exilés, personnes torturées et tortionnaires, jeunes, femmes et anciens pour la réconciliation et la reconstruction nationale.
Cette assemblée, tenue du 19 au 28 février 1990, appelée Conférence des forces vives de la Nation,CFVN, fut dirigée avec succès par Mgr Isidore de Souza, qui y représentait l’Église catholique. L’Église était ainsi à l’origine de l’option du Bénin pour la démocratie, l’État de Droit et le développement au profit de tous. La CFVN a pour objectif d'aider les Béninois eux-mêmes à trouver des solutions aux problèmes politiques de leur pays, promouvant le dialogue, le pardon mutuel, le consensus et l'option pour la démocratie, donnant au peuple de choisir ces dirigeants en toute liberté. Et cette démocratie est appelée à promouvoir les droits de l’homme et le développement du pays.

Trente-cinq ans après, que pouvons-nous retenir des actions de la CFVN dans la vie politique du pays?

Trente-cinq ans après, nous reconnaissons au Bénin son option pour la démocratie. Au fil des années, face aux difficultés qui surviennent, la promotion des droits de l’homme, la liberté d’expression, la responsabilité pour tous de participer au développement du pays restent primordiales. Les confessions religieuses et les forces vives de la Nation ont toujours veillé à la pratique et à la promotion de la démocratie. C’est bien dans ce sens que l’Église catholique a exhorté à la promotion de la démocratie à partir d’un code électoral, qui rassemble tous les Béninois plutôt qu’il ne les divise.

La démocratie est-elle une réalité aujourd’hui au Bénin?

C’est une réalité qui reste à améliorer parce que la démocratie s’est affaiblie au Benin. Aujourd’hui, elle a besoin d’être renforcée et consolidée. Nous ne devons pas oublier qu’il y a une constitution qui a été votée en 1990; elle est la constitution maîtresse. Récemment, les autorités gouvernementales ont demandé sa révision par le Parlement, mais les parlementaires ont opposé leur refus. Cette constitution est historique. Même si par le passé, il y a eu quelques modifications, aujourd’hui, les députés béninois ont observé que la démocratie au Bénin doit s’enraciner dans la constitution issue de la Conférence nationale. La démocratie ayant pris du recul, l’Église catholique ainsi que les autres religions et la société civile, encouragent l’État à œuvrer à sa redynamisation afin qu’elle puisse accompagner le développement du pays.

Cet anniversaire de la CFVN, l’Église le célèbre également. Un colloque international sera organisé à cet effet le 28 février 2025. L’information a été donnée au cours d’une conférence de presse. Que pourrait-on retenir?

Tout d’abord, la conférence de presse a souligné deux événements: le premier, c’est le colloque international qui vise à faire mémoire des 35 ans de la CFVN, pour consolider la pratique de la démocratie et des droits humains en recul sur certains points. Le deuxième événement, c’est la première édition de la Journée du relèvement de la Nation et des cadres et personnalités politiques, instituée par la Conférence épiscopale béninoise. Une journée qui vise à honorer le mérite des personnes qui, par leur intelligence et leur savoir-faire, construisent la Nation.

Quels sont les objectifs de ce colloque ?

En ce qui concerne le colloque international, il a pour objectif de faire prendre conscience à la Nation tout entière que faire mémoire de la CFVN, c’est de vivre de son esprit pour garantir la résolution des crises et la construction nationale.
Il s’agira notamment de rappeler aux dirigeants béninois leur mission fondamentale, qui est d'honorer la vision du pays, liée à la démocratie et au développement. Et actuellement, on recommande vivement que le code électoral, tel qu'il se présente, soit révisé pour garantir la paix lors des élections en 2026. Le gouvernement essaie déjà de faire un audit de la liste électorale, ce qui peut déjà contribuer à faire un pas vers le dialogue, pouvant garantir la paix.
Autre objectif, c’est de montrer, en parcourant l’histoire politique du Bénin, que la CFVN a instauré une tradition de résolution des crises politiques pour promouvoir la paix et le développement du pays. En outre, ce colloque doit nous amener à prendre conscience de la nécessité de consolider, de façon inventive, l’esprit de la CFVN pour fonder et assurer durablement son développement.

L'organisation de ce colloque sera couplée de la célébration de la première édition de la journée nationale du relèvement de la Nation et des cadres et personnalités politiques. Que savoir de cette journée nationale du relèvement instituée par la CEB?

Cette journée aura lieu à la même date que le colloque, c’est-à-dire le 28 février 2025, et elle sera célébrée le 28 février de chaque année. Elle aura pour mission de rappeler aux citoyens, comme aux dirigeants, leur devoir de relever la nation. Il y a des avancées au niveau développement. Toutefois, je le redis, nous constatons un recul au niveau démocratique. De ce fait, nous nous devons de relever le défi actuel pour que la démocratie et le développement aillent de pair. Aussi, cette journée doit nous amener à prendre conscience du devoir de mémoire de l’acte fondateur de la démocratie et de l’option du Bénin pour un État de droit et de promotion du bien commun au profit de tous.

Il s’agit là d’une invitation à découvrir, à penser et à s’approprier la CFVN en termes de mobilisation, de réconciliation et d’action collective pour le relèvement de notre pays dans les différents moments de son parcours historique. Le relèvement auquel nous invitent les évêques commence par nous-mêmes. Notre propre relèvement est celui de la Nation. Aussi, la CEB associe-t-elle à la Journée les premiers concepteurs, leaders et agents du développement à la Nation qu’il s’agit de relever, les Cadres et Personnalités Politiques. Leur relèvement est celui du Bénin. Cette journée sera aussi l’occasion de célébrer tous nos concitoyens qui œuvrent à l’avènement d’un pays démocratique et de paix. 

Que retenir de ces deux événements, le colloque du 35e anniversaire de la Conférence des Forces Vives de la Nation et de la célébration de la première édition de la Journée nationale du Relèvement de la terre?

L’Église au Bénin s’efforce d’être la lumière du monde et le sel de la terre aussi bien dans les questions politiques que sociales, économiques, culturelles et spirituelles. L’Église au Benin est préoccupée de voir le pays garantir à tous les Béninois les conditions de paix en période électorale. Et dans cette dynamique, nous devons retenir l’Église en veille au rassemblement de tous les fils et de toutes les filles du Bénin. En thème de synodalité, elle veille au rassemblement de tous les Béninois. Et en cette période la célébration de la Nativité du Christ, l’Église prie pour que la paix descende sur le Bénin et sur les nations africaines, et pour que la paix soit nôtre, de façon globale et spirituelle.